Les soins de santé à domicile : une préoccupation pour les aînés francophones
Après plus de deux ans de pandémie dans les centres de soins de longue durée, de plus en plus d’aînés sont enclins à vouloir vieillir à domicile. Selon les plus récentes de Statistique Canada, l’Ontario vieillit et les besoins de soins à domicile se font de plus en plus criants pour les personnes âgées de demain, soit les baby-boomers d’hier.
Dans cette campagne électorale ontarienne, il est souvent question de construire de nouveaux centres de soins longue durée et d’augmenter l’offre de soins à domicile. Pour la Fédération des aînés francophones de l’Ontario (FARFO), c’est un discours qu’« on entend depuis des années de la part de nos membres ».
« Ils (les aînés) veulent de l’aide à domicile. Ils veulent rester chez eux. Les problèmes demeurent les mêmes depuis bien longtemps », avance son directeur général Michel Tremblay.
Les quatre partis proposent d’augmenter l’offre de soins à la maison. Le mois dernier, le gouvernement Ford proposait un investissement d’un milliard de dollars permettant d’accroître la formation d’infirmières et de préposées en plus d’allouer un crédit d’impôt pour ceux souhaitant faire des modifications rendant les logements des personnes âgées plus sécuritaires.
Plusieurs problématiques entourent les soins à domicile en Ontario : manque de personnel pour se déplacer aux domiciles, manque de centres communautaires dans certaines régions, comme dans le Nord de la province. Manque criant de fonds, mais surtout une absence totale de centralisation de ces services.
Faciliter l’accès aux soins à domicile
Le Parti vert, par exemple, propose de créer un panier standard de services de soins à domicile de base, que les fournisseurs doivent rendre disponibles de manière uniforme dans toute la province. Sur ce point, les autres partis s’alignent.
Faire les courses, préparer les repas, s’occuper des tâches ménagères, aider à la toilette et à l’habillement, vérifier que les soins médicaux et traitements sont bien suivis sont des exemples, qu’énumère Michel Tremblay.
« Les gens ne veulent pas avoir affaire à des tas d’organisations. Ils ne veulent pas avoir à les contacter, un par un, pour avoir accès à divers services ou programmes. Il y a une pléiade d’organisations et c’est très compliqué pour nos aînés de s’y retrouver, dénonce le directeur. Si vous êtes une personne vieillissante, il vous faudra démarcher plusieurs centres afin d’obtenir différents services. Là encore, si vous obtenez le service demandé, rien ne vous assure qu’il sera en français. »
Pour Ginette Beaudry, qui vit dans la région de Glengarry-Prescott-Russel « c’est possible d’avoir des soins de santé en français, mais on ne sait pas forcément à qui s’adresser ».
Pour cette dame de 72 ans, les soins à domicile sont encore plus compliqués à recevoir plus jeunes. Elle fait référence ici à sa fille, décédée d’un cancer, il y a peu de temps.
« Heureusement, je suis bénévole en soin palliatif depuis longtemps maintenant, je connais le système, et je peux dire qu’en plus d’améliorer l’offre de soins à domicile, il nous faut des centres de fin de vie. »
« Ils veulent avoir accès à des appartements avec service de soutiens ou des maisons de retraite abordable », renchérit M. Tremblay. « Des maisons de partages, avec une vie communautaire pour les personnes francophones, mais aussi les personnes LGBTQ », ajoute-t-il.
Pour ce dernier, la clé serait de mettre en place un organisme, pour une population donnée, avec un seul numéro de téléphone, qui recense les services.
« Ils veulent des centres de santé communautaires qui offrent tous les services de soins à domicile ou de transférer les compétences à un seul et même fournisseur près de chez soi. »
Un manque cruel d’infirmières et de préposé(es)
La Commission ontarienne des droits à la personne alertait en 2000 qu’il était temps d’agir face aux manques de professionnels de santé indiquant que le nombre de seniors serait amené à doubler en 2021. Il y a aujourd’hui près de 3 millions de personnes âgées en Ontario.
« J’ai suivi l’histoire d’une personne qui a fait le choix de vivre chez. Elle était en fauteuil roulant, elle avait juste besoin d’une personne pour l’aider à aller dans son fauteuil le matin et dans son lit le soir. Il est arrivé que personne ne vînt, et qu’elle passait la nuit dans son fauteuil ou la journée dans son lit », nous raconte Michel Tremblay.
Là encore, les régions rurales et le Nord de l’Ontario peinent à recruter du personnel médical. Le Parti libéral propose pour la région de retenir les professionnels via des incitatifs financiers et de prendre le contrôle de l’immigration en Ontario afin d’y orienter du personnel de santé.
Des centres pour et par les francophones
Denyse Culligan de Thunder Bay à 82 ans, elle ne veut pas aller dans une maison pour personnes âgées et si oui, « j’espère que ce sera le plus tard possible ». Elle aimerait voir un réseau par et pour les francophones, dit-elle en donnant sa propre ville comme exemple.
« Il y a quelques services en français, mais ils sont peu nombreux. Puis dans les centres, il y a très peu de francophones. Nous sommes 3 % de francophones à Thunder Bay, on est minoritaire ».
Même si, pour l’octogénaire « quand on sort de l’hôpital, on a droit à un service de coordination en français, pour nous aiguiller. Sauf que, rendu chez nous, les personnes qui viennent c’est du personnel anglophone ».
Elle raconte qu’en étant minoritaire les centres supposés bilingues, deviennent finalement anglophones. La raison, selon elle, est qu’ils ne sont pas pour et par les francophones.
« Un organisme francophone qui a le contrôle, et où l’on pourrait fournir l’anglais, ça marcherait », suggère-t-elle.
Aider les aidants naturels
« Dans les derniers dix ans avoir des services adéquats à domicile ça n’a pas été pas facile », avoue Ginette Baudry.
Ayant fait du bénévolat dans les soins palliatifs, elle nous explique qu’il ne faut pas oublier les aidants.
« C’est aussi eux qui permettent le soin à domicile, mais il faut leur donner du répit. (…) Je me souviens d’une dame qui avait 80 ans. Elle était seule à s’occuper de son mari, sauf qu’il faut être logique, à 80 ans, on n’a pas forcément les connaissances et on n’est pas capable de ramasser une personne qui tombe au sol. »
Il faut aider les aidants naturels, raconte-t-elle.
« Il y a une iniquité dans le soin, c’est frustrant, il y a tant de choses à faire. Il faut du personnel francophone, et il faut plus d’infirmières à domicile. Mais, il faut aider les aidants naturels du mieux qu’on peut. Je milite pour plus de centres de soins palliatifs, je ne pense pas que l’on puisse mourir à la maison. »