Sol Mamakwa veut croire à « la première étape d’un long périple ensemble »

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Sol Mamakwa, porte-parole de l'opposition aux Relations avec les Autochtones et Relations découlant des traités. Crédit image: Jackson Ho

SIOUX LOOKOUT – Pour le député de Kiiwetinoong, seul élu membre des Premières Nations siégeant à Queen’s Park, ce 30 septembre doit amener chaque Ontarien à une profonde réflexion sur l’histoire de la province et le vivre-ensemble, mais aussi inciter les gouvernements à joindre les paroles aux actes.

L’homme compare la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation à « la première étape d’un long périple ensemble. C’est un jour pour reconnaître et se souvenir que des enfants ne sont jamais revenus à la maison », dépeint-il avec un mélange de force et de simplicité.

Quoi qu’il arrive, reprend-il, « on doit écrire l’histoire collectivement et comprendre ce qui s’est passé avant, pour avancer, car le passé compte ». Si le mot espoir ponctue régulièrement ses réponses, Sol Mamakwa martèle l’absolue nécessité de regarder le passé en face.

Et cela passe inévitablement par reconnaître l’horreur des pensionnats et du colonialisme. « On ne peut pas avoir de réconciliation sans vérité. Beaucoup de gens parlent de réconciliation. C’est devenu un mot qui fait le buzz, mais les mots ne suffisent plus. »

Kamloops et Marieval, drames déclencheurs

Depuis les découvertes de dépouilles d’enfants à Kamloops en Colombie britannique et Marieval en Saskatchewan, l’Ontario a mis 10 millions de dollars sur la table pour financer une partie des fouilles destinées à localiser des sépultures de ce type à travers la province. Sollicité par ONFR+, le ministère des Affaires autochtones n’a toutefois pas été en mesure de dresser la liste exacte des sites faisant l’objet de telles fouilles.

« On doit commencer à localiser ces enfants qui ne sont jamais rentrés à la maison. Nous avons besoin que le gouvernement nous aide », plaide celui qui est aussi le porte-parole de l’opposition aux Relations avec les Autochtones et Relations découlant des traités.

Difficile d’appréhender, en tant que parlementaire, ce passé colonial quand la loi commande de prêter allégeance à la Couronne. M. Mamakwa n’a pas prêté serment au nouveau roi. « On doit reconnaître et respecter les traités entre la couronne et les peuples des Premières Nations car sans ces traités il n’y aurait pas de Canada. Le roi Charles III devrait commencer par reconnaître que les pensionnats ont existé et faire des excuses pour ce qu’il s’est passé. »

Le député de Kiiwetinoong est le seul élu membre des Premières Nations siégeant à Queen’s Park. Crédit image : Jackson Ho

« Le roi Charles III devrait commencer par reconnaitre que les pensionnats ont existé » – Sol Mamakwa

L’élu du Nord boycotte l’hymne britannique qui introduit chaque session en chambre. Réintroduit par le premier ministre Doug Ford en 2020, God Save The Queen (Que Dieu protège la reine) est devenu, au moment de la succession du roi Charles III à la reine Elizabeth, God Save The King. Il faut dire que Sol Mamakwa ne lutte pas seulement pour une cause mais se bat contre tout un système, une province, un pays, qui « prennent des décisions sans nous ». Il qualifie les politiques en place d’« oppressives et que les gens payent de leur vie. »

Marginalisation, paupérisation, inégalités dans l’accès à l’éducation, à la santé, à la justice sociale ou encore à l’eau potable… Cette « oppression » se retrouve dans le quotidien de ses administrés (à 68 % autochtones), vilipende-t-il.

Il n’y va pas par quatre chemins : l’Ontario se cache derrière le gouvernement fédéral sur la question de l’accès à l’eau potable. « C’est inacceptable. Ce n’est pas un problème de juridiction mais de droits humains », tranche-t-il alors que sa circonscription, qui s’étend sur près de 300 000 km2 au-delà des rives nord du lac Supérieur, fait l’objet de 13 avis d’ébullition à long terme dont la plus longue, à Neskantaga, depuis plus de 27 ans.

Transformer le système

Le député issu de la Première Nation de Kingfisher Lake se heurte également jour après jour aux limites du système de santé, tandis que la crise des opioïdes occasionne de considérables dégâts dans les réserves. L’Ontario a investi plus de 36 millions de dollars dans des services communautaires de santé mentale et de lutte contre les dépendances pour aider ces communautés. Mais le député appelle à transformer le système pour le rapprocher des gens, quitte à le confier aux municipalités.  

Confier le pouvoir à la communauté est une recette qu’il voudrait aussi voir appliquée en éducation et dans le système carcéral. Si le taux de diplomation a augmenté ces dernières années, il reste bien deçà de celui des non-autochtones, en partie à cause d’un déficit d’écoles secondaires et d’institutions par et pour les Premières Nations.

Quant à la surreprésentation autochtone dans les prisons, « 80 à 90 % des détenus dans le Nord-Ouest sont autochtones », déplore-t-il. « C’est comme ça que ça marche. Le milieu correctionnel est un système injuste qu’on doit réparer et confier aux communautés. »

« Nous, on ne voit pas ces autoroutes et on n’a que des aéroports pour se déplacer » – Sol Mamakwa

L’élu de Kiiwetinoong qui siège à Queen’s Park depuis 2018 pointe par ailleurs la convoitise autour des ressources naturelles du Cercle de feu. « Un projet minier aussi important devrait engager les gens qui sont impactés dans leur mode de vie, mais ce n’est pas ce qui se passe. C’est une approche cordiale et oppressive qui consiste à diviser (les Premières Nations) pour mieux régner. »

À l’opposé, quand il s’agit d’infrastructures qui bénéficieraient directement aux autochtones, le porte-voix néo-démocrate décrit une population oubliée, exclue des fruits du développement économique. « Je vois ça tous les jours : on investit dans les métros, les autoroutes… des projets qui profitent aux villes. Nous, on ne voit pas ces autoroutes et on n’a que des aéroports pour se déplacer, et ça a des répercussions sur le coût de la vie. »

Pendant ce temps, la crise du logement fait aussi son œuvre parmi les Premières Nations qui connaissent un fort de taux de sans-abrisme dans les villes. « Une souffrance inutile », considère M. Mamakwa. « Une des voies de l’oppression et de maintenir les autochtones hors des réserves. La crise du logement a amené les gens dans la rue. Il est temps de montrer du respect et de les aider. »