Sudbury séduit toujours les jeunes professionnels

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SUDBURY – Alors que plusieurs Sudburois, séduits par les innombrables possibilités de la métropole, délaissent la région, trois Franco-Ontariens du Nord – Josée Joliat, France Huot et Serge Miville – ont élu domicile dans le grand cratère. En entrevue avec #ONfr, ils témoignent d’une communauté inclusive, d’une culture innovatrice et d’un rythme de vie humain.

DIDIER PILON
dpilon@tfo.org | @DidierPilonONFR

Originaire de Timmins, Josée Joliat a déménagé à Sudbury en 2012, à l’âge de 19 ans, pour poursuivre ses études post-secondaires en sciences infirmières. Aujourd’hui en 2e année de maîtrise, Josée est co-présidente du Regroupement étudiant franco-ontarien. Elle espère faire carrière dans la capitale du nickel.

France Huot, quant à elle, est originaire d’Alban, sur la rivière des Français. Attirée à Sudbury par le programme d’art dramatique de l’Université Laurentienne, elle y est revenue après un exil temporaire à Ottawa pour poursuivre un programme de maîtrise. À 27 ans, elle est désormais comédienne et responsable des publics et des relations artistiques au Théâtre du Nouvel-Ontario.

Le professeur d’histoire à l’Université Laurentienne de 31 ans, Serge Miville, trace ses origines d’une famille ouvrière à Smooth Rock Falls. Après avoir aussi vécu à Ottawa et ensuite à Toronto lors de son parcours estudiantin, il se considère maintenant « chanceux » d’habiter Sudbury.

Josée Joliat est en 2e année de maîtrise en sciences infirmières. Crédit photo : Patrick Imbeau

 

Une communauté inclusive

Selon France Huot, l’attrait des grandes villes est simple : « Il y a plus de choses à faire et plus de possibilités de carrière. » M. Miville et Mme Joliat abondent dans le même sens.

« Les gens de ma génération cherchent d’abord un travail », renchérit l’étudiante. « Ensuite,  ils veulent voir différentes choses et baigner dans différentes cultures. Lorsque Sudbury n’arrive plus à les combler, ils partent vers de grands centres, comme Toronto. »

Si la comédienne a pris un risque considérable en quittant Ottawa, une ville qui compte plusieurs compagnies de théâtre et possibilités de carrière dans les domaines des arts de la scène, c’est qu’elle était d’autant plus attirée par la communauté sudburoise.

« À Ottawa, j’arrivais mal à trouver ma place », atteste Mme Huot. « Je me suis bien intégrée avec les étudiants de ma cohorte, mais je me retrouvais dans des cercles sociaux qui ne comptaient que des gens de théâtre. À Sudbury, tout le monde fait partie du groupe, autant les artistes que les charpentiers. C’est plus qu’un cercle, c’est vraiment une communauté. »


« Ce qui va convaincre une personne de revenir ou de rester,  c’est le sentiment d’appartenance. » – Josée Joliat


M. Miville avoue avoir eu peu de difficulté à repérer d’autres francophones à Toronto et à se bâtir de petits groupes. Toutefois, il trace une distinction similaire entre des groupes d’individus et une communauté au sens large.

« À Toronto, il y a une diversité difficile à fédérer dans le milieu francophone. Des groupes se forment, mais l’esprit communautaire est difficilement atteignable. »

« Il y a certainement moins d’activités à Sudbury qu’à Ottawa », reconnaît-il, « mais un bien plus grand pourcentage de la communauté participe. »

Serge Miville est professeur d’histoire à l’Université Laurentienne. Crédit image : gracieuseté

De la place pour innover

« S’il y a quelque chose qui n’existe pas à Sudbury, tu peux toujours le faire », affirme France Huot. « La communauté a le don de t’appuyer et de te donner de la place pour explorer. » Elle appuie son énoncé avec l’exemple d’Up Here, un festival d’art urbain et de musique créé il y a deux ans par Christian Pelletier, un jeune francophone de la région.

La comédienne fait ainsi écho aux observations de Serge Miville. « À Sudbury, tout est à faire. Ce n’est pas qu’il n’y a pas de choses déjà faites, mais plutôt que la ville a la capacité d’accueillir les gens avec des intérêts divers et faire place à leurs projets. »

Pour lui, ce projet prend la forme de l’éducation publique.

L’historien avoue avoir été marqué par la fermeture de l’usine de pâtes et papiers à Smooth Rock Falls. Après cette situation, la démocratisation du savoir est devenue pour lui un « devoir ».

« Quand le moulin avait fermé, il n’y avait pas d’intellectuels pour monter aux barricades. Il n’avait pas de gens de plume pour canaliser une voix de résistance contre la destruction du gagne-pain de la communauté. Lorsqu’on réussit à accéder à un certain savoir et à une position privilégiée dans une université, c’est un devoir absolu de contribuer à défendre notre communauté. »

Le professeur affirme avoir trouvé une communauté à l’écoute à Sudbury. Il travaille ainsi avec les médias et les organismes culturels de la région pour organiser des conférences, causeries, tables rondes et chroniques à la radio.

« Je ne saurais dire exactement pourquoi, mais ici, on fait des choses et ça marche. Les gens vont aux activités. Ça fait partie de la culture locale. Il n’y a rien de plus valorisant. »

 

Un paysage humain

M. Miville avoue qu’après avoir grandi dans le Nord ontarien, il avait développé beaucoup de préjugés au sujet de la Ville reine que son séjour à Toronto lui a permis de surmonter.

« Maintenant, j’adore cette ville et j’y retourne chaque année », confesse l’historien. Il énumère néanmoins bien des raisons de préférer la vie à Sudbury.

« Toronto est un milieu hyper concurrentiel, où le rythme de vie est malsain. Ici, l’espace et le rythme sont plus humains. Alors que Toronto tente de faire de nous des machines, la proximité de la nature est humanisante. Et ça, vaut de l’or! »

Mme Huot partage aussi ce sentiment.

« Il y a dans la nature quelque chose qui stimule la création artistique », rajoute-t-elle.  « Je me dis toujours que je partirai encore un jour, mais je sais que je reviendrai. J’irai me ressourcer ailleurs et je ramènerai ce que j’aurai appris ici afin de créer. »

 

Article écrit avec la collaboration de Benjamin Vachet