Toronto et le 905, clé de voûte de la victoire électorale

TORONTO – Toute victoire électorale ontarienne passe par une razzia de sièges dans Toronto (416) et sa banlieue (905). Impossible de vaincre en Ontario sans obtenir de majorité dans cette vaste région et représente presque la moitié des 124 sièges à Queen’s Park : 25 dans Toronto, 29 dans sa banlieue.

En 2018, les progressistes-conservateurs avaient raflé 36 des 54 sièges qui s’y rapportent, leur ouvrant en grand les portes du pouvoir. Avant eux, les libéraux de Kathleen Wynne s’y étaient assuré une large victoire leur permettant de conserver les clés de Queen’s Park. C’est une règle d’or : Toronto et le 905 décident de la couleur de chaque gouvernement.

Traditionnellement acquis aux libéraux et aux néo-démocrates, le 416 (Toronto) est souvent opposé au 905 (sa grande banlieue) plutôt fertile aux idées conservatrices, mais régulièrement des votes de contestation du pouvoir en place balayent ce postulat, comme en 1990 au profit des néo-démocrates, en 2003 à la faveur des libéraux de McGuinty ou encore en 2018, consécutif à l’usure du pouvoir libéral bénéficiant à Doug Ford.

La vague bleue progressiste-conservatrice dans Toronto et le 905 en 2018. Infographie ONFR+

« C’est un électorat volatil », explique Geneviève Tellier, politologue à l’Université d’Ottawa. « Ce sont des gens qui ont majoritairement voté pour les libéraux aux dernières élections fédérales mais ont largement aidé Doug Ford à accéder à Queen’s Park au provincial. Ce sont donc des comtés gagnables aux yeux des partis car ils ne sont pas toujours fidèles à un bord. »

Les chefs jettent leurs dernières forces dans la région

Rien d’étonnant donc que les chefs concentrent leurs dernières forces dans la banlieue torontoise qui concentre 3,6 millions d’Ontariens. Ces derniers jours, le premier ministre sortant, Doug Ford, est allé soutenir ses candidats à Hamilton, Brampton et Oakville. En déplacement à Mississauga et Toronto la semaine dernière, le chef libéral Steven Del Duca a martelé son opposition au projet controversé de l’autoroute 413 sur un terrain aussi convoité par Andrea Horwath.

La cheffe du Nouveau Parti démocratique (NPD) espère faire des gains dans des circonscriptions telles que Brampton ou encore Scarborough qu’elle a sillonné tout récemment. Mais la Ford Nation pourrait en faire tout autant et ravir des sièges au NPD, tant les luttes sont serrées. Ce dernier a multiplié des promesses qui toucheront directement les population de ce grand bassin géographique s’il se maintient au pouvoir, telles que l’abolition de péages autoroutiers, le prolongement du réseau de train de banlieue ou encore la construction de logement abordable.

La cheffe néo-démocrate Andrea Horwath en déplacement à Scarborough, il y a quelques jours.

« Il y a eu beaucoup de courses à trois dans cette région en 2018 », note Emmanuelle Richez, politologue à l’Université de Windsor. « Les principaux partis tentent donc d’y préserver des acquis ou d’y faire des gains. C’est aussi une région qui comprend beaucoup de comtés baromètres, c’est-à-dire qui changent d’élection en élection et tendent à voter du côté du gouvernement élu. »

Peter Graefe, politologue à l’Université McMaster, relativise l’importance du Grand Toronto dans ce scrutin-ci, car le Parti progressiste conservateur, détenteur d’une majorité de sièges depuis la vague bleue de 2018, profite d’une certaine avance dans les intentions de vote. Il estime toutefois que libéraux et néo-démocrates ont tout intérêt à y jeter leurs dernières forces.

« S’il veut rester premier ministre, M. Ford doit faire le plein dans le 905 » – Peter Graefe, politologue

« Si M. Del Duca passe autant de temps dans Toronto, c’est une indication qu’il tente de sauver les meubles, tout comme Mme Horwath qui cherche à accrocher de nouveaux sièges à Brampton, Scarborough ou encore Mississauga. »

Le politologue décrit la grande banlieue de Toronto comme la clé de voûte de la majorité de Doug Ford. « S’il veut rester premier ministre, il doit faire le plein dans le 905. »