Toujours plus d’immigrants francophones de l’Afrique en Ontario
TORONTO – Les nouveaux arrivants africains sont de plus en plus nombreux à choisir l’Ontario comme terre d’accueil. Sept pays du continent font même partie des dix les plus représentés dans l’immigration francophone en Ontario.
SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz
Alors que le nombre de résidences permanentes accordées sur le territoire de l’Ontario est en baisse (moins de 100 000 en 2014), l’intérêt des immigrants africains pour venir s’établir dans la province ne faiblit pas. Au contraire.
Environ le tiers de ces obtentions proviennent maintenant de francophones de l’Afrique subsaharienne contre seulement le quart il y a environ quinze ans.
Comme bien souvent, la République démocratique du Congo reste le pays africain donnant le plus d’immigrants francophones en Ontario, avec environ 200 résidences permanentes validées annuellement depuis vingt ans. Au dernier comptage en 2014, il se classait en deuxième position selon ces données, derrière la France (401 résidences permanentes obtenues en 2014).
Reste que d’après les chiffres de Statistique Canada, beaucoup de pays africains sont de plus en plus représentés.
C’est le cas du Cameroun. Si seulement 18 immigrants d’expression française avaient décroché leur résidence permanente dans la province en 1996, le chiffre est passé à 228 en 2013. Une tendance également à la hausse pour Djibouti dont le nombre de résidences permanentes a doublé, ou encore la Côte-d’Ivoire où l’on parle du triple. Depuis 2006, le Burkina Faso envoie même des immigrants en Ontario.
« L’Afrique noire est de plus en plus visible en Ontario », constate l’enseignante en géographie à l’Université d’Ottawa (U d’O), Anne Gilbert. « Beaucoup d’entre eux viennent dans le cadre des études et demandent après une résidence permanente. »
« On voit un grand mouvement de fuite des cerveaux de l’Afrique, touchant les élites du pays », soutient sa collègue de l’U d’O Luisa Véronis. « L’Europe n’est plus vue comme un pays accueillant, mais davantage comme un continent de l’anti-immigration et de la xénophobie. Beaucoup d’Africains viennent alors tenter leur chance en Amérique du Nord. Sans compter que l’économie se porte à priori beaucoup mieux dans au Canada. »
Tous les pays d’Afrique ne sont en revanche pas touchés par cette augmentation. Les immigrants du Maghreb ne sont pas aussi intéressés par l’Ontario que dans les années 90. Sur la période 1996-2014, les nouveaux arrivants marocains ont ainsi baissé, de même pour les Algériens et les Tunisiens.
« Dans le cas des Marocains, on voit que beaucoup d’entre eux s’établissent dorénavant plus au Québec », analyse Mme Véronis.
Représentation difficile
Mais l’immigration africaine augure certains défis. « On devrait s’attendre à ce que cette immigration se manifeste dans le leadership communautaire, dans les initiatives culturelles et dans la couverture médiatique. Je ne crois pas que ce soit encore le cas, du moins pas suffisamment », résume l’auteur Paul-François Sylvestre, qui a étudié le phénomène.
« C’est en réalité une paroi de verre », croît Mme Gilbert. « Ces minorité visibles ne participent pas toujours à la gestion des organismes francophones, de même dans les conseils scolaires. »
Et de poursuivre : « Il faut relativiser. Certes, on parle d’un millier de personnes sur 100 000 résidences permanentes, mais cela reste une poussière. »
Pour l’Union Provinciale des Minorités Raciales Ethnoculturelles Francophone de l’Ontario (UP-MREF), organisme dédié à la représentation de ces minorités, les chiffres sont synonymes de satisfaction, mais quelque part trompeurs.
« Lorsque l’on décide de venir en Ontario en tant qu’africains, c’est pour devenir bilingue et apprendre l’anglais », laisse entendre son dernier président, Eddy Lukuna. « Beaucoup des pays cités sont déjà francophones. On se rend compte des opportunités en français, simplement une fois sur le territoire. »
Pour le président de l’Assemblée de la francophonie (AFO) Denis Vaillancourt, les Africains font partie intégrante de la culture franco-ontarienne. « Le lien commun entre nous tous reste notre langue. »