Tourisme en Ontario : un chemin fastidieux pour combien de temps encore?

Située à moins de 45 minutes à l'est de Toronto, la station de ski Brimacombe est en opération depuis 1937 et est maintenant l'un des plus grands domaines skiables du sud de l'Ontario. Crédit image: Brimacombe

L’industrie du tourisme aura été l’un des secteurs les plus durement touchés durant la pandémie. En 2023, les espérances sont aux plus hauts, même si le rattrapage s’annonce toujours aussi difficile. Les gouvernements sont appelés à agir alors qu’un récent rapport de la chambre du commerce de l’Ontario et de l’Association de l’industrie du tourisme de l’Ontario (TIAO) envisage une reprise d’ici à 2025.

D’ici à 2025… c’est sans compter l’inflation, la récession, la crise climatique et l’impasse face la pénurie de main-d’œuvre. Les dettes accumulées par l’industrie, la formation dans le secteur, les bas salaires dans la restauration, les problèmes liés aux transports en commun, au logement et aux taxes… autant de problèmes ne datent pas d’aujourd’hui.

« On est toujours en période de récupération », affirme Frédéric Dimanche, directeur de l’école Ted Rogers en gestion de l’hôtellerie et du tourisme à l’Université métropolitaine de Toronto. Selon lui, la crise de la main-d’œuvre existe depuis bien longtemps dans ce secteur et il affecte le domaine du tourisme, de l’hôtellerie et bien évidemment de la restauration.

Ces défis pourraient affaiblir cet univers pour encore plusieurs années et peut-être même après 2025.

Des problèmes inhérents au secteur du tourisme

La crise climatique est un aspect non négligeable dans le tourisme, comme le souligne le rapport du TIAO et de la chambre du commerce. Prenons l’exemple des stations de ski, qui pour certaines n’arrivent pas à ouvrir ou le font en retard.

Courtney Pope explique au micro d’ONFR+ que la station Brimacombe à Orono, près d’Oshawa a ouvert ses portes le 21 décembre cette saison.

« En tant qu’attraction hivernale, principalement en extérieur, la météo joue un rôle énorme dans nos opérations commerciales. Nous ne voyons plus les longues périodes constantes que nous avions l’habitude de voir », atteste-t-elle.

« On investit dans la technologie d’enneigement artificiel. » Un comble pour une région où la neige ne devrait pas manquer. « Les variations de température continuent de poser des défis alors que nous essayons de prolonger notre saison aussi longtemps que possible. »

Si la température le veut, la station Brimacombe devrait rester ouverte jusqu’en mars, mais pour Mme Pope, rien n’est sûr.

Frédéric Dimanche est le directeur de l’école Ted Rogers en gestion de l’hôtellerie et du tourisme à l’Université métropolitaine de Toronto. Gracieuseté

Selon M. Dimanche, il faut clairement prendre en considération la crise climatique dans les prochaines années, mais aussi l’état des transports, un autre aspect souligné dans ce rapport. « Il vient d’y avoir la réouverture d’une ligne de train reliant Toronto au Nord de l’Ontario, et ça, c’est inestimable pour le tourisme dans le Nord », croit-il.

Malgré que l’Ontario ait des difficultés géographiques, « le transport est essentiel au tourisme et c’est un défi sur lequel il faut travailler », estime l’expert.

Même constat dans la région d’Ottawa. Catherine Callary, vice-présidente du développement de la destination pour Tourisme Ottawa, admet que « l’on peut améliorer l’expérience pour les visiteurs, mais aussi pour les résidents ».

« Pour les visiteurs d’affaires et des congrès qui veulent visiter d’autres zones, d’autres quartiers, un transport fluide permettrait une meilleure expérience », affirme-t-elle.

Des métiers qui ne font plus rêver

Beaucoup de gens ont quitté le secteur et les raisons seraient multiples. D’abord, c’est la réputation des métiers qui est mise en cause. Le rapport de la chambre du commerce et du TIAO, suggère qu’il faille re-conceptualiser certains d’entre eux et changer la réputation de l’industrie.

« Dans les écoles, nous l’avons remarqué, le nombre d’étudiants qui s’inscrivent chez nous a diminué », explique le professeur pour qui « cette diminution est liée à ce problème de réputation ».

« Si les jeunes veulent travailler dans le tourisme, on leur dit de regarder ce qui s’est passé pendant la pandémie et que ce n’est peut-être pas un secteur dans lequel se lancer maintenant ou faire carrière. »

Frédéric Dimanche pense que le secteur va continuer à souffrir de cette image : « Ça ne peut qu’affecter la qualité des services que nous offrons aux touristes. »

Pour l’expert, les syndicats doivent admettre que c’est aussi leur faute. « Il faut valoriser les métiers, avec un meilleur salaire, mais aussi avec une meilleure organisation du temps de travail. »

Catherine Callary est vice-présidente du développement de la destination pour Tourisme Ottawa. Crédit image : Tourisme Ottawa

Courtney Pope, qui travaille depuis sept ans à la station Brimacombe, pense que la pandémie a épuisé le personnel, ce qui joue un rôle sur la perception des métiers. « Les deux dernières années ont été difficiles à traverser, avec beaucoup d’émotions à gérer et de réactions liées à l’incertitude, beaucoup de travail et des niveaux de stress plus élevés. »

Un optimisme mesuré

Pour Courtney Pope, le complexe de loisirs d’hiver est sur la voie d’un retour à l’époque pré-pandémique, mais elle nuance toutefois : « L’industrie du tourisme sera à nouveau touchée par les effets de l’inflation et d’une récession qui pourraient freiner les dépenses des gens. »

« Ça va peut-être rallonger le chemin vers la récupération, puisque les activités parascolaires et les voyages sont généralement les premières choses à être supprimés du budget familial. »

Responsable du développement touristique de la capitale, Mme Callary admet que le niveau de visites et les revenus financiers du secteur ne sont pas encore équivalents à ceux observés en 2019. D’ailleurs, comme le rapport le suggère, « cela va prendre encore quelques années », admet-elle.

« Le rapport l’explique très bien, nous allons recevoir plus de visiteurs, mais ça ne voudra pas dire que les dépenses seront au niveau d’avant la pandémie, puisque nous entrons dans une récession. »

« Le tourisme va prendre des années pour se redresser et ça, c’est vrai », déclare-t-elle. « Avant la pandémie, Ottawa recevait 11 millions de visiteurs par an. L’industrie a perdu 25 % de sa main-d’œuvre et un manque à gagner de plus de trois milliards de dollars. »

Le canal rideau est un lieu très touristique en hiver dans la Capitale. Source : Canva

M. Dimanche consent qu’une potentielle reprise en 2025 sera liée au consommateur, mais que ce dernier « serre la ceinture » avec l’inflation. « Même si c’est plus cher, les gens voyageront en adaptant leur budget, mais ils n’iront peut-être pas si loin et peut-être pas aussi longtemps. »

Le rapport recommande plusieurs améliorations essentielles à la pérennité du tourisme :

  • Améliorer l’accès à l’internet
  • Favoriser le tourisme autochtone et francophone
  • Accélérer l’émergence du tourisme agricole
  • Promouvoir le tourisme sportif et cinématographique
  • Offrir des possibilités au tourisme culinaire, viticole et du cannabis
  • Le blocage de la taxe fédérale sur le vin, la bière et les spiritueux
  • L’élimination ou le retrait temporaire de la taxe provinciale sur la bière
  • Faire du crédit d’impôt pour les vacances dans la province une offre annuelle