La Cour d'appel fédérale et la Cour fédérale sont deux des quatre cours qui pourraient mettre fin à la traduction de leurs jugements, préviennent-elles. Crédit image: THE CANADIAN PRESS/Sean Kilpatrick

OTTAWA – Les juristes francophones et le commissaire aux langues officielles s’inquiètent de la possibilité de voir les tribunaux fédéraux cesser la traduction de leurs jugements en raison d’un manque de financement. Le ministre de la Justice Arif Virani affirme « être à l’écoute des inquiétudes » des tribunaux fédéraux et soutient qu’il veut les appuyer.

« On ne peut pas se dire un système bilingue juridique et avoir des décisions non traduites dans les deux langues officielles », déplore la Fédération des associations de juristes d’expression française de common law (FAJEF) via son président Justin E. Kingston.

« Couper les traductions ou les rédactions simultanées des décisions n’est pas la bonne place pour couper », avance en entrevue celui qui représente près de 2 000 avocats francophones hors Québec.

Le Service administratif des tribunaux judiciaires (SATJ) a averti mardi que, sans un financement supplémentaire, les tribunaux fédéraux devront arrêter la traduction de décisions et qu’ils « ne seront pas en mesure de respecter les obligations de la Loi sur les langues officielles ».

Selon le juge en chef de la Cour fédérale, Paul Crampton, les palais de justice fédéraux auraient besoin de 85 millions de dollars sur six ans et ensuite de 15 millions annuellement pour faire face aux nouvelles exigences de la Loi sur les langues officielles. Selon le SATJ, l’actuel manque financier pourrait être autour de 35 millions de dollars alors que « les pressions sur son budget opérationnel ont atteint un point critique cette année ».

« Il est désolant de constater que les langues officielles pourraient faire l’objet d’une négociation financière », a réagi le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge dans une déclaration écrite. 

Ce dernier indique qu’il continuera de « surveiller l’évolution de cette situation de près », mais rappelle que « les communications au public affichées par les institutions fédérales sur leurs sites Web doivent être disponibles dans les deux langues officielles ».

Ottawa se dit « à l’écoute de leurs inquiétudes »

Le SATJ est la branche administrative de quatre juridictions : la Cour d’appel fédérale, la Cour fédérale, la Cour d’appel de la Cour martiale du Canada et la Cour canadienne de l’impôt qui rend des milliers de décisions annuellement en droit administratif, droit autochtone, droit de la citoyenneté, droit de l’immigration et des réfugiés, etc.

« Je viens d’avoir une réunion avec plusieurs juges concernant les cours au niveau fédéral, donc je suis à l’écoute de leurs inquiétudes et on va faire tout ce qu’il faut pour les appuyer », a commenté brièvement le ministre de la Justice fédéral, Arif Virani, mardi avant une réunion du conseil des ministres.

Le ministre de la Justice et Procureur général du Canada Arif Virani. Photo : La Presse canadienne/Justin Tang

Depuis l’été dernier, les tribunaux fédéraux doivent traduire les décisions d’importance pour le public, les décisions où les débats se sont déroulés en tout ou en partie dans les deux langues officielles. Les cours fédérales doivent aussi publier simultanément en anglais et français toutes les décisions finales ayant valeur de précédent, soit entre 1000 et 2000 par année, selon le juge en chef Crampton.

« Le budget des opérations du SATJ a été historiquement insuffisant et trop limité pour maintenir les opérations de traduction et de révision en 2024-25 et pour absorber les coûts supplémentaires liés aux nouvelles exigences de la Loi sur les langues officielles », a expliqué le SATJ dans une déclaration écrite fournie à ONFR.

La FAJEF se préoccupe qu’une telle mesure de l’appareil fédéral judiciaire pourrait avoir sur les justiciables francophones.

«  Au niveau pancanadien, l’administration juridique est principalement faite en anglais, relève son président Justin E. Kingston. Cet échange récent avec la Cour fédérale soulève encore plus de dilemmes avec l’administration bilingue de la justice », s’inquiète-t-il.