Trois mois de crise en dix moments à l’Université Laurentienne
SUDBURY – Depuis trois mois, l’Université Laurentienne est en proie à la pire crise de son existence. Près de 200 professeurs congédiés en ont déjà fait les frais. ONFR+ vous propose un récapitulatif en dix dates des événements.
1er février. L’Université se place à l’abri de ses créanciers
Double coup de théâtre ce 1er février, lorsque les Franco-Ontariens apprennent que l’Université de l’Ontario français n’a engrangé que 19 demandes d’admission, tandis que l’Université Laurentienne se place sous protection judiciaire en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC).
L’automne précédent, l’Université faisant face à « des défis financiers sans précédent », dixit son recteur Robert Haché, accusait déjà un déficit de plus de 10 millions de dollars.
25 février. L’AFO entre dans le jeu
L’inquiétude concernant les programmes en français grimpe. Dans le but de « protéger la pérennité de la programmation en français » à l’Université Laurentienne, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) affiche son intention de participer au processus de restructuration et, pour se faire, déposer un recours devant la Cour de justice supérieure de l’Ontario. Elle dénonce dans la foulée un processus qui se déroule totalement en anglais.
8 mars. Robert Haché donne une première échéance
Alors que les professeurs et étudiants redoutent le pire, l’Université Laurentienne espère parvenir à des accords clés avec ses partenaires de négociation avant le 15 avril.
« Les deux prochains mois seront critiques pour l’avenir de La Laurentienne », avance le recteur de l’Université sudburoise dans un communiqué publié le 8 mars.
12 mars. L’Université de Sudbury veut devenir 100 % francophone
L’Université de Sudbury veut se départir de tous ses programmes en anglais dans le but de devenir une université « par et pour et avec les francophones », le tout dans les plus brefs délais, annonce le recteur John Meehan de l’Université de Sudbury, dans une conférence de presse avec l’AFO.
L’Université de Sudbury reste l’une des trois institutions fédérées à La Laurentienne, avec l’Université Huntington et celle de Thorneloe.
Vue comme une note d’espoir par la communauté francophone, cette annonce succède à une autre tout aussi rapide de la part de l’Université Laurentienne : c’est un refus catégorique de transférer ses programmes à l’Université de Sudbury.
1er avril. La fin de la fédération de l’Université Laurentienne
La nouvelle n’est pas franchement la meilleure pour la communauté francophone. On apprend que l’Université Laurentienne mettra fin à sa fédération avec l’Université de Sudbury, l’Université Huntington et celle de Thorneloe à compter du 30 avril.
Beaucoup de francophones contestent ce timing et la pression mise sur l’Université de Sudbury, laquelle n’a pas encore déposé sa demande au ministère des Collège et Universités pour devenir un campus « par et pour ». La décision sera contestée devant la Cour supérieure de justice.
12 avril. Le couperet tombe… plus fort que prévu
On s’attendait à des coupes, mais pas aussi drastiques. C’est un « lundi noir » pour l’Ontario français, puisque 69 programmes sont supprimés à l’Université Laurentienne, dont 28 du côté des francophones. Près de 200 professeurs sont congédiés. Parmi eux : des leaders d’opinion franco-ontariens comme Aurélie Lacassagne ou Serge Miville.
L’onde de choc est aussitôt immense dans la communauté franco-ontarienne, impuissante face à la réalité économique.
15 avril. L’Université de Hearst comme un espoir
Le gouvernement ontarien annonce l’autonomie complète de l’Université de Hearst. Elle devient du même coup la seconde institution « par et pour » les francophones en Ontario, après l’UOF. Le campus était jusqu’ici affilié à l’Université Laurentienne, c’est-à-dire qu’il recevait son propre financement du gouvernement, mais sans délivrer ses diplômes.
Trois jours après le coup de hache dans les programmes en français, cette annonce met un baume au cœur à la communauté franco-ontarienne qui se met à rêver à un réseau d’universités francophones.
15 avril. Jean-Marc Dalpé renonce à son doctorat
Les coupes massives à l’université suscitent une avalanche de réactions dans le milieu culturelle. Parmi elles : celle de l’auteur Jean-Marc Dalpé qui renonce à son doctorat honoris causa reçu de la part de l’Université Laurentienne en 2002.
Dans une lettre ouverte au recteur de l’institution, Robert Haché, l’auteur de Le Chien et La ville du nickel parle d’une décision « en guise de solidarité avec tous les profs et étudiants qui ont tellement perdu ce lundi ».
21 avril. Le fédéral s’impatiente
Mélanie Joly se dit ouverte à un financement à l’Université de Sudbury ou à une institution par et pour les francophones. La crise actuelle est, selon elle, « une occasion pour renforcer l’éducation postsecondaire » en français en Ontario. Depuis plusieurs jours, la ministre des Langues officielles met la pression sur le gouvernement provincial.
En entrevue avec ONFR+, Mme Joly affirme que c’est à la communauté de déterminer ce qu’elle veut, mais admet que c’est un objectif d’avoir une approche qui protège la communauté francophone.
2 mai. Nouveau délai et nouveau prêt
La Cour supérieure de l’Ontario tranche trois questions en suspens : elle rejette la demande de l’Université de Sudbury qui contestait la résiliation de la Fédération Laurentienne, prolonge le processus de restructuration sous de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) jusqu’au 31 août, et valide l’octroie d’un prêt supplémentaire de 10 millions de dollars.
Le juge approuve, dans le même temps, la ratification de la convention collective entre La Laurentienne et le syndicat des enseignants et du personnel de soutien, et donne son accord à l’entente avec l’Université Huntington, seul établissement issu de la Fédération à être parvenu à une entente avec La Laurentienne.
Cet article, complété par les informations de Rudy Chabannes, a été en grande partie écrit avant que Sébastien Pierroz ne devienne producteur d’ONFR+ le 20 avril dernier.