Trudeau dévoile sa stratégie pour les langues officielles

Le premier ministre Justin Trudeau et la ministre des Langues officielles Mélanie Joly (à gauche). Crédit image: Archives ONFR+

OTTAWA – Le gouvernement de Justin Trudeau a présenté, le mercredi 28 mars, son Plan d’action quinquennal pour les langues officielles qui prévoit un investissement additionnel de près de 500 millions de dollars pour les cinq prochaines années.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Comme annoncé dans le budget fédéral, le nouveau Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 comporte une bonification de 400 millions de dollars sur cinq ans, à laquelle s’ajoutent l’enveloppe de 10 millions de dollars prévue pour améliorer l’accès à la justice en français et en anglais et la somme de 89,2 millions de dollars, déjà annoncée en 2017 notamment pour des investissements en infrastructures éducatives et communautaires.

« Pendant presque dix ans le gouvernement conservateur a choisi de sous-investir dans les programmes signalant que le maintien du caractère bilingue de notre pays n’était tout simplement pas une priorité pour eux. (…) Je tiens à souligner l’ampleur de cette initiative pour tous les Canadiens, pas seulement pour les communautés minoritaires, mais pour tous les Canadiens! Nos deux langues méritent d’être préservées mais aussi promues », a lancé Justin Trudeau.

Discret sur le dossier des langues officielles depuis son élection en 2015, le premier ministre a suivi l’exemple de Jean Chrétien qui, en 2003, avait présenté lui-même le premier Plan d’action pour les langues officielles de Stéphane Dion.

Trois axes

Intitulé Investir dans notre avenir, le Plan d’action pour les langues officielles se concentre sur trois axes principaux, comme la Feuille de route conservatrice de 2013-2018.

L’argent investi devra servir à renforcer les communautés, l’accès aux services et à promouvoir un Canada bilingue, afin notamment de contrer les projections alarmistes du poids démographique des francophones de l’extérieur du Québec et le plafonnement du taux de bilinguisme.

Pour ce faire, le gouvernement mise notamment sur l’immigration francophone, domaine dans lequel il investira 40,8 millions de dollars sur cinq ans pour appuyer la totalité du parcours des immigrants francophones et développer des programmes. L’objectif fédéral est d’atteindre la cible de 4,4 % d’immigration francophone par année, prévue d’ici 2023, alors qu’elle se trouve actuellement sous la barre des 2 %.

« Nous avons des objectifs précis et mesurables et nous nous donnons les moyens de les atteindre », a assuré la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly.

Le gouvernement souhaite notamment voir passer le taux de bilinguisme des anglophones de l’extérieur du Québec de 6,8 % à 9 % en 2036.

Où est le postsecondaire?

La petite enfance, oubliée dans la dernière feuille de route, fait également partie des priorités du gouvernement qui prévoit créer davantage de places en garderies francophones à l’extérieur du Québec en y affectant 20 millions de dollars sur cinq ans. Toujours en éducation, le gouvernement prévoit également des fonds pour répondre à la pénurie d’enseignants francophones.

« Où se trouve le postsecondaire? », s’interroge toutefois le politologue Martin Normand, stagiaire postdoctoral à l’Université d’Ottawa. « On annonce 12,6 millions de dollars pour les étudiants anglophones inscrits à des programmes postsecondaires en français, mais pourquoi il n’y a pas de réciprocité quand on sait à quel point les étudiants francophones doivent être mobiles pour pouvoir poursuivre leur formation postsecondaire en français? »


Quelques chiffres :

Renforcer les communautés

  • Hausse de 70 millions $* pour le financement de base des organismes
  • 14,5 millions $* pour les médias communautaires
  • Hausse de 67,3 millions $* en infrastructures scolaires, communautaires et culturelles
  • 40,8 millions $* pour l’immigration francophone
  • 20 millions $* dans les services de garde
  • Hausse de 11,2 millions $ pour le Fonds d’action culturelle communautaire

Accès aux services

  • 31,3 millions $ sur 4 ans pour soutenir le recrutement d’enseignants pour les écoles de la minorité
  • 22,5 millions $* pour améliorer l’accès aux services de santé
  • Hausse de 10 millions $* pour l’accès à la justice bilingue

Promouvoir un Canada bilingue

  • 16,5 millions $ pour créer un outil en ligne d’apprentissage du français et de l’anglais
  • 2,5 millions $* pour le bilinguisme d’Ottawa

*sur 5 ans


Manque de vision

Le politologue se montre très sceptique quant au plan du gouvernement libéral qui comporte, selon lui, de nombreuses lacunes, notamment en matière de transparence.

« Il n’y a aucune vision dans ce plan qui n’est encore une fois qu’un catalogue d’initiatives, dans lequel on ne retrouve aucun message fort pour la promotion de la dualité linguistique et des deux langues officielles comme valeur de notre pays. Il n’y a aucun projet derrière ça et cela nous confirme que Justin Trudeau n’est pas converti à l’importance de la dualité linguistique. »

M. Normand regrette également l’absence de financement, dans le plan, pour la révision de la Loi sur les langues officielles, actuellement étudiée au Sénat, et qui fêtera ses 50 ans en 2019.

L’opposition fustige

Les membres de l’opposition fustigent l’attitude du gouvernement.

« Je suis très déçu de voir le premier ministre faire de la partisanerie sur cet enjeu qui n’est pas partisan, comme on le voit au comité [permanent sur les langues officielles] », juge le porte-parole en matière de langues officielles pour le Parti conservateur du Canada (PCC), Alupa Clarke.

Alupa Clarke à la Chambre des communes. (Crédit photo : gracieuseté)

S’il reconnaît que la somme annoncée est importante, il s’interroge.

« Il faut vérifier quelle sera la stratégie de reddition de comptes et ce qui ira vraiment aux communautés. »

Son homologue pour le Nouveau Parti démocratique (NPD), François Choquette, se dit satisfait de voir de l’argent réinvesti dans les communautés, mais émet quelques réserves.

« Il manque toujours un leadership dans les dossiers importants. Le gouvernement dit investir en immigration francophone, mais cela ne semble pas être la priorité du ministre Hussen [Immigration, Réfugiés et Citoyenneté]. J’entends le premier ministre parler beaucoup de bilinguisme, mais je trouve qu’il n’insiste pas assez sur les communautés qui sont les piliers de notre dualité linguistique. »

 


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