Joe Touomou a formé Ulrich Chomche pendant cinq à l'académie NBA Afrique. Photo : Gracieuseté de Joe Touomou

Sélectionné en 57e position du repêchage NBA en juin dernier par les Raptors de Toronto, le jeune camerounais de 18 ans, Urlrich Chomche est devenu le premier joueur passé par l’Académie NBA Afrique à rejoindre la grande ligue. Joe Touomou, l’entraîneur qui l’a découvert au pays et l’a développé au sein de l’académie au Sénégal, revient sur son parcours et sur ce qui fait de lui un jeune joueur spécial, destiné à suivre les pas glorieux de ses aînés Pascal Siakam et Joël Embiid dans la NBA. 

Les Raptors de Toronto font leur entrée dans la ligue d’été de Las Vegas, ce samedi 13 juin. Point de départ officiel de la première année de la phase de reconstruction de l’équipe, selon l’entraîneur en chef Darko Rajakovic, ce tournoi estival offre l’opportunité aux nouvelles recrues de donner un premier aperçu de leur potentiel, mais aussi d’évoluer pour la première fois dans un environnement de la NBA. 

Ce sera bien évidemment le cas pour le jeune Camerounais Ulrich Chomche, pour qui, Masai Ujiri, le président de la franchise torontoise, a fait un effort financier pour obtenir le 57e choix qu’il ne possédait pas, par l’intermédiaire d’un échange avec les Timberwolves du Minnesota.

Historiquement, ces joueurs sélectionnés en toute fin de repêchage ne sont pas destinés à connaître une grande carrière dans la ligue. Mais dans le cas du jeune Camerounais originaire du village de Bafang dans l’ouest du pays, l’histoire pourrait être bien différente…

Premiers contacts

Joe Toumou était le directeur de l’académie NBA Afrique à Saly de 2017 à juin 2024. Disposant d’un réseau d’entraîneurs bien développé, c’est par l’intermédiaire d’un ami qu’il a eu vent de ce jeune talent en 2018.

Joe Touomou et Ulrich Chomche lors de leur première rencontre à Bafang en 2018. Photo : Gracieuseté de Joe Touomou

Il n’a pas pris longtemps pour sauter dans avion et aller le voir. 

« En Afrique, l’aspect culturel est très important. Dès qu’on m’a dit qu’il était de l’ouest du Cameroun, je n’ai pas hésité. Pascal Siakam vient de là, Francis Ngannou vient de là, Christian Koloko aussi. C’est une région où on trouve une tribu spéciale, les Bamilékés dans laquelle les enfants ont beaucoup de détermination, ce sont des travailleurs. C’est pour cela que je suis allé le voir. »

Tout n’a pas été simple. Convaincu par l’observation du potentiel basket, mais aussi, et surtout par l’état d’esprit et la personnalité du jeune athlète, l’étape suivante était de convaincre la famille de laisser leur enfant quitter le Cameroun. 

« La première fois que je suis allé le voir, je dois avouer que ce n’était pas facile. Sa famille, notamment son oncle avait du mal à comprendre pourquoi je voulais l’emmener au Sénégal. Il y avait déjà des gens qui l’approchaient pour le faire venir en France ou aux États-Unis », confie Joe Touomou.

« J’y suis retourné une deuxième fois, poursuit-il. Cette fois, je lui ai demandé de faire un essai avec moi. Je ne l’avais pas rencontré jusque-là. J’ai pu voir à travers les exercices que je lui ai fait faire qu’il apprenait très vite. J’ai ainsi constaté que l’intelligence que j’avais observée à l’école se traduisait dans le basket. Ça devenait de plus en plus intéressant. »

Revenu avec des arguments solides, deux mois après le premier contact infructueux, le technicien a réussi à convaincre l’oncle d’Urlrich Chomche de lui confier son enfant, avec un petit coup de pouce de sa grand-mère. 

« Les mamans ont toujours ce sixième sens. Je crois qu’elle a vu en moi une personne de confiance. Elle a convaincu son fils de me le confier. Mais, ils m’ont vraiment dit qu’ils comptaient sur moi pour m’en occuper, car ce petit n’était jamais sorti de Bafang, il ne connaissait rien de la ville. Je leur ai dit de ne pas s’inquiéter, que j’allais m’en occuper et c’est comme ça que tout a commencé. »

Un développement éclair

Ulrich Chomche sous la bienveillance et l’expertise de Joe Touomou et des entraîneurs de l’académie a passé cinq ans à se développer physiquement et techniquement. En 2022, il a connu une première expérience professionnelle, âgé seulement de 16 ans, dans la Ligue africaine de basket-ball (BAL) avec l’équipe de Yaoundé (FAP). 

C’est avec la répétition des matchs qu’Ulrich Chomche va dévoiler l’étendue de son talent. Photo : Gracieuseté de Joe Touomou

Après une autre participation à la BAL avec l’équipe représentant le Rwanda en 2023, puis une apparition au Nike Hoop Summit, une rencontre annuelle opposant les meilleurs jeunes joueurs américains aux meilleurs jeunes joueurs du reste du monde, en 2024, le jeune Camerounais est entré dans l’histoire en tant que premier joueur issu de l’Académie NBA Afrique sélectionné au repêchage de la NBA. 

« Ça a été très important pour nous à l’académie de le développer comme un joueur complet qui peut tout faire et qu’il ne soit pas cantonné dans un rôle réduit. D’année en année, il a progressé à une vitesse impressionnante. Chaque saison, on apportait quelque chose de nouveau à son jeu, c’était ma priorité. C’est un jeune joueur qui va continuer à progresser, sa marge de progression est très grande, car il a commencé le basket tard et il est très intelligent et travailleur. Voir où il est aujourd’hui, c’est énorme, mais ce n’est pas la fin. »

« Un feu qui brûle en lui »

Pour son mentor, c’est par un nombre de matchs plus important que le jeune joueur va continuer à progresser. En signant un contrat à deux volets avec les Raptors, qui lui permettra de jouer dans la ligue de développement (G League) avec les Raptors 905, il aura l’opportunité de disputer près d’une cinquantaine de rencontres. 

« L’expérience de match est une phase du développement qui est irremplaçable. Malheureusement, à l’académie, on ne jouait pas assez. Il a beaucoup de choses en lui qu’il veut faire, mais pour lesquelles il a besoin de répétition en match pour être à l’aise. La clé pour lui sera de développer sa capacité à prendre les bonnes décisions rapidement. Il va continuer à développer son tir et son dribble, il peut devenir plus percutant avec le ballon en main, car c’est un bon passeur. 

Pour poursuivre son développement, Joe Touomou, estime que le Camerounais devra « s’adapter au vocabulaire et aux styles de défense en NBA ».

« Mais il défend déjà mieux que la moitié des joueurs en NBA. Il peut défendre tous les postes, protéger le cercle, prendre des rebonds. Avec la répétition des matchs, il va aussi gagner en endurance et apprendre à jouer avec la fatigue », juge-t-il.

Godlove Cham, aujourd’hui entraîneur à la NBA school de Dubai, est l’ami de Joe Touomou qui lui a parlé d’Ulrich Chomche pour la première fois. Photo : Gracieuseté de Joe Touomou

Ce dernier voit grand pour son protégé qu’il imagine pouvoir devenir un joueur dominant en NBA. Ce diamant brut nécessitera du temps pour être poli, un temps que les Raptors semblent être prêts à lui donner. 

« D’ici quatre ans, je pense que ce sera une bête. Les gens vont découvrir le vrai Ulrich. Il a en lui un feu qui brûle parce qu’il a envie de faire la fierté de sa maman et de sa grand-mère. Je pense que ces deux choses-là vont le motiver pour atteindre des sommets incroyables. Il sait où il veut aller.

Dès le soir de la draft, il m’a dit en anglais ‘je vais rendre Masai fier’. Il n’en a pas dit plus. Je n’avais jamais vu autant de détermination sur son visage. Pour moi, si tout est mis en place, il n’y a pas de raison pour qu’il ne devienne pas un joueur très dominant », projette son ancien mentor.

L’aventure professionnelle d’Ulrich Chomche en Amérique du Nord commence ce samedi avec une rencontre de Ligue d’été face au Thunder d’Oklahoma City (20h30).