Un artiste francophone crée un festival sans l’aide de la communauté
MILTON – La première édition du Festival africain et multiculturel de Milton, qui aura lieu ce samedi, repose entièrement sur les épaules d’un francophone. Jean Assamoa fustige le manque de solidarité des communautés de langue française de la région qui, selon lui, n’ont pas voulu le soutenir.
« J’ai écrit aux organismes francophones mais ils ne m’ont jamais répondu », affirme Jean Assamoa, créateur du festival, et directeur artistique d’Akwaba Cultural Exchange, une compagnie qu’il a fondée en 2009. « Ici, on a l’impression que les francophones sont tous ensemble mais on n’est jamais ensemble. Moi, je suis sur le terrain. Eux ils demandent de l’argent (des subventions). Moi, je ne demande pas de l’argent. (…) Au final, je n’ai pas eu de soutien francophone. »
Dans sa recherche de partenaires, ce résident de Milton soutient qu’il a contacté l’Espace francophone de Halton pour solliciter le renfort de volontaires. « C’est tout ce que je demandais. Ils ne m’ont même pas répondu officiellement », déplore-t-il. Étant lui-même membre de cet organisme et ayant participé en tant qu’artiste à certains de leurs événements, il ne comprend pas pourquoi la solidarité ne fonctionne pas, en retour, pour son propre projet, tourné vers la diversité.
« Moi, je continue mon combat francophone »
« Moi, je continue mon combat francophone », dit-il, fort du soutien du maire de Milton, Gordon Krantz, du fédéral de la circonscription, Adam van Koeverden, et de l’ambassadeur de Côte d’Ivoire au Canada, Bafétigué Ouattara.
« Mon rêve a toujours été d’avoir un festival quelque part où je puisse promouvoir la culture africaine et surtout la francophonie. Quand je suis arrivé ici, en 2008, je me suis fais connaître à travers mes activités et, en 2019, j’ai approché le maire qui m’a tout de suite dit qu’il allait me soutenir. Partout où je vais, j’essaye d’inciter les gens à parler en français. »
M. Assamoa s’est aussi heurté à une fin de non-recevoir de l’Association des communautés ivoiriennes dans la région de Toronto (ACIRT) dont il est également membre. « Ils voulaient juste faire un barbecue et profiter du festival sans le promouvoir » dit-il, amer. « Ils voulaient les détails de l’organisation sans faire partie de l’organisation. Alors ils ont décidé d’aller faire leur barbecue quelque part, à la même date que le festival. »
Il est abasourdi par ce qu’il appelle la « jalousie » des autres groupes communautaires de langue française et pense, au contraire, que la francophonie doit être rassemblée pour être visible et reconnue par la majorité anglophone.
« Je veux promouvoir la langue française. Ce n’est pas auprès de ceux qui la parlent déjà qu’il faut le faire mais auprès de ceux qui ne la parlent pas pour les amener à la parler. Et le meilleur moyen pour ça, c’est la culture », insiste ce Franco-Ontarien d’origine ivoirienne, reprochant en filigrane aux francophones de faire des activités entre eux, en vase clos. « Allez-y! Faite ce que vous voulez, moi j’avance. »
Un problème de communication, rétorquent les organismes
« On voulait participé en faisant notre barbecue (rassemblant plus de 300 Ivoiriens du Grand Toronto) sur le site du mais la collaboration n’a pas fonctionné. On a tout fait pour que ça marche. On a fait de la publicité du festival (…) mais il nous a virés en quelque sorte », réagit Carole Gballou, présidente de l’ACIRT, qui a maintenu son événement le même jour que le festival, ce samedi, dans un parc de North York.
Elle rejette l’idée d’une concurrence entre organisations. « Ce n’est pas une compétition. On est désolé. On été déjà engagé. On ne pouvait pas déplacer la date. C’est très difficile de travailler avec lui. Il (Jean Assamoa) nous dit qu’on veut s’approprier le festival. Il a refusé qu’on envoie des artistes au nom de notre association. Mais on ne pouvait pas : on avait des contrats avec eux. »
« On n’a jamais dit non », répond pour sa part Dominique Janssens, le président de l’Espace francophone de Halton. « Il nous avait écrit pour demander s’il voulait qu’on le supporte et on lui a répondu en lui demandant de quoi il avait besoin. Il voulait des bénévoles sur place mais on n’a plus rien entendu depuis. Ça n’a pas l’air d’avoir avancé beaucoup. Je ne me souviens plus de la date. »
Mme Gballou et M. Janssens n’excluent pas d’apporter leur soutien au Festival multiculturel africain de Milton lors des éditions suivantes, d’autant que la francophonie de Halton, peu visible, gagnerait à se raccrocher à un projet fédérateur après la pandémie.
Une première à Milton
Malgré les embûches, M. Assamoa a bon espoir que ce festival sensibilisera les résidents de la région à la présence francophone et à la richesse des cultures africaines. C’est la première fois que Milton, où la population francophone est très disparate, va accueillir ce festival. Prévue l’an dernier, la première édition avait été annulée à cause de la pandémie.
L’événement débutera samedi au parc communautaire de Milton, à proximité du Sports Centre, autour de midi, en présentiel pour se terminer à 20h30. Plus d’une dizaine de groupes artistiques représentant le Cameroun, l’Ouganda, le Nigéria ou encore la Côte d’Ivoire se succéderont, avec des jeux en français entre chaque passage d’artiste et des livres à gagner.