Un « bilinguisme officiel » toujours de surface à Ottawa

Le maire d’Ottawa, Jim Watson. Gracieuseté.

[ANALYSE]

OTTAWA – Le débat sur le statut officiellement bilingue de la capitale du Canada reste le plus gros projet franco-ontarien des années 2010 après celui de l’Université de l’Ontario français. L’un bat de l’aile depuis l’énoncé économique du fameux « jeudi noir », tandis que l’autre parait à priori réglé.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Entre le maire d’Ottawa, Jim Watson, et les militants francophones, la hache de guerre est bel et bien enterrée depuis le 14 décembre 2017, un an déjà. Ce jour-là à Queen’s Park, la loi « omnibus » 177 reconnaissait entre autres « le caractère bilingue d’Ottawa ».

Ottawa donc officiellement bilingue? Un an après, la formule divise, et laisse libre cours à l’interprétation. Pour certains, cela va de soi que la capitale du Canada est aujourd’hui officiellement bilingue. Pour d’autres, la formule légale est creuse, ne signifiant rien du tout que l’enchâssement du statu quo.

Chose certaine, le vrai vainqueur de cette loi passée n’est autre que Jim Watson. Dès la relance de l’idée du bilinguisme officiel en 2014, le maire d’Ottawa avait lancé un non catégorique aux militants pour des ajouts au bilinguisme déjà existant. Comprendre une possible révision de la politique sur les services en français tous les cinq ans, une politique d’offre active des services en français plus élaborée notamment pour les bibliothèques, les pompiers ou bien les policiers, enfin, des rapports sur la progression du français et de l’anglais.

Accord « gagnant-gagnant »

Considéré comme une victoire face à Jim Watson, la loi 177 n’était en fait qu’un accord « gagnant-gagnant » entre l’ancien gouvernement libéral et le premier magistrat. Rien de nouveau, juste une officialisation de ce qui marchait déjà. Les premiers ont soigné leur électorat francophone en vue des élections finalement perdues, tandis que le second s’est enlevé l’épine du pied que lui avaient plantée les francophones.

Mais qu’est ce qui a vraiment changé depuis un an? Pas grand-chose, pour ne pas dire, rien du tout. Le « bilinguisme officiel » validé par la province n’a jamais bénéficié d’une mention de la part de la Ville d’Ottawa, que ce soit dans les discours du maire, ou dans les communiqués municipaux. Jim Watson affirmait n’avoir pas d’argent pour en assurer la promotion, #ONfr a en fait découvert… que la Ville d’Ottawa n’utilisait pas les fonds alloués par le fédéral dans ce sens.

Encore d’autres défis

Lors de l’adoption de la loi, une avancée tout de même concrète se dessinait. Que cette reconnaissance par la province élargisse les pouvoirs d’enquête de François Boileau directement sur la Ville d’Ottawa. Le « jeudi noir » semble avoir balayé les attentes suscitées à ce niveau par le commissaire aux services en français…

Dans le « pratico-pratique », on sait que les demandes d’exception sont toujours accordées à huis clos pour des unilingues désireux d’occuper les postes de haute-gestion où le bilinguisme est exigé. On sait aussi que le budget de la Direction des services en français reste bloqué à 3 millions de dollars. Une somme jugée beaucoup trop faible.

Pour le moment, les militants franco-ontariens se sont montrés peu critiques sur ce « bilinguisme officiel » de surface. Il faut dire que le coup de matraque infligé par Doug Ford aux Franco-Ontariens le 15 novembre dernier a relégué avec raison et provisoirement au grenier le thème du bilinguisme officiel à Ottawa. Que la défense des acquis soit devenue prioritaire à de possibles gains n’a rien de rassurant.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 17 décembre.