Un budget fédéral sans saveur pour les francophones

Le ministre des Finances, Bill Morneau. Crédit image: Benjamin Vachet

OTTAWA – Le dernier budget du gouvernement libéral avant les élections fédérales de l’automne contient peu de mesures concrètes pour les francophones en contexte minoritaire.

Les attentes de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada étaient mesurées. L’organisme porte-parole des francophones en milieu minoritaire n’est donc ni surpris ni déçu par le document dévoilé par le ministre des Finances, Bill Morneau.

« Notre priorité, c’est d’influencer les politiques publiques. Nous avons travaillé très fort cette dernière année sur la question de la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Nous aurons d’autres occasions de demander des actions budgétaires », lance le président Jean Johnson à ONFR+.

Selon la directrice gouvernance et institutions à l’Institut des finances publiques et de la démocratie de l’Université d’Ottawa, Helaina Gaspard, le budget libéral concentre plutôt son attention sur deux groupes : les aînés et les jeunes.

« En matière de langues officielles, on voit que ce n’est pas un sujet de l’heure pour ce gouvernement. Sa stratégie a plutôt été de faire des annonces ciblées avant le budget. Et pour les quelques mesures annoncées aujourd’hui, ce n’est pas clair. On ne sait pas quels seront les montants, quand ils seront disponibles, ni comment ils seront dépensés. »

De l’argent conditionnel pour l’éducation

C’est notamment le cas en éducation. Alors que les négociations traînent avec les provinces et territoires pour le renouvellement du Protocole d’entente relatif à l’enseignement dans la langue de la minorité et à l’enseignement de la langue seconde, échu en mars 2018, le gouvernement fédéral dit avoir réservé des fonds supplémentaires pour accroître son soutien. Ces transferts fédéraux sont gelés depuis 2009.

L’engagement du gouvernement dans le budget satisfait la FCFA, ainsi que la Fédération nationale des conseils scolaires francophones (FNCSF), bien qu’il ne soit pas chiffré.

« La proposition du gouvernement fédéral (…) devrait permettre de répondre aux préoccupations des provinces et territoires qui s’inquiétaient de la quasi-absence de majoration des sommes (…) dans le Plan d’action pour les langues officielles », pense le président de la FNCSF, Mario Pelletier.

Le gouvernement Trudeau conditionne toutefois une éventuelle bonification à la conclusion d’un nouveau protocole qui inclurait de meilleures garanties sur la manière dont les provinces et territoires utilisent les fonds et dont ils consultent les intervenants en éducation.

Satisfait lui aussi de cette annonce, le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Carol Jolin ne s’inquiète pas outre mesure de l’absence de mention d’un soutien fédéral au projet d’Université de l’Ontario français.

« Il est acquis que quand la province sera prête à faire sa demande, l’argent du fédéral sera là », assure-t-il.

En revanche, le président de l’AFO se montre un peu plus déçu par l’absence de bonification du Plan d’action pour les langues officielles.

« Il y a eu 500 millions de dollars supplémentaires annoncés l’an dernier. C’est bien, mais c’est inférieur à ce que nous demandions avec la FCFA [575 millions de dollars supplémentaires uniquement pour les francophones en milieu minoritaire]. Cela n’a fait que rattraper l’inflation après plus de dix ans de gel. »

Des fonds en justice et pour les arts

Pour trouver trace d’investissements concrets, il faut regarder du côté du secteur de la justice et des arts.

La modernisation de la Loi sur le divorce, en mai dernier, a ouvert la possibilité pour les Canadiens d’avoir accès à la justice familiale dans la langue officielle de leur choix à travers le pays. Pour y parvenir, le ministre des Finances promet une enveloppe de 21,6 millions de dollars sur cinq ans.

« C’est une annonce très positive qui pave la voie à plus de services de justice accessibles en français d’un bout à l’autre du pays », se réjouit M. Jolin.

Dans le domaine des arts et de la culture, la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF) a partiellement obtenu gain de cause puisque le gouvernement augmentera le Fonds du Canada pour la présentation des arts de 16 millions de dollars sur deux ans, dès 2019. Il annonce également un financement de 24 millions de dollars sur deux ans pour les festivals, célébrations communautaires et commémoration et une somme de 20 millions de dollars sur deux ans pour le Fonds de la musique du Canada.

Le président de la FCCF, Martin Théberge. Source : Facebook

« Même si c’est un peu moins que ce que nous espérions, nous sommes très satisfaits. Avec nos membres, nous allons désormais travailler pour nous assurer d’aller chercher notre part », explique le président de la FCCF, Martin Théberge.

L’opposition reste sur sa faim

Ces quelques mesures n’enthousiasment guère les partis d’opposition.

« Pour l’année du 50e anniversaire de la Loi sur les langues officielles, je me serais attendu à davantage de mesures et de mentions », regrette le porte-parole aux langues officielles du Nouveau Parti démocratique (NPD), François Choquette. « Je suis très inquiet qu’il n’y ait aucun investissement pour le Bureau de la traduction, malgré les problèmes récurrents, ni rien pour aider Statistique Canada à ajouter des questions linguistiques dans le prochain recensement pour mieux compter les ayants droit. »

Concentré avec le Parti conservateur du Canada (PCC) sur l’affaire SNC-Lavalin et les dépenses budgétaires jugées excessives du gouvernement libéral, son homologue conservateur, Alupa Clarke, aurait quant à lui aimé avoir plus de détails sur le Plan d’action pour les langues officielles.

« Je ne vois aucune ligne de crédit budgétaire pour les langues officielles, alors que c’est désormais distinct de Patrimoine canadien. On ne voit pas non plus comment va être utilisé l’argent du Plan d’action pour les langues officielles. Je m’attendais à plus de contenu, il n’y a presque rien. »


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