Un calendrier pour le patrimoine bâti franco-ontarien
[CHRONIQUE]
Chaque samedi, ONFR propose une chronique sur l’actualité et la culture franco-ontarienne. Cette semaine, l’historien et spécialiste en patrimoine Diego Elizondo.
Après avoir fait paraître de 2012 à 2015 des calendriers sur l’histoire des expressions populaires, le Réseau du patrimoine franco-ontarien (RPFO) procédera jeudi prochain à la cabane à sucre du Muséoparc Vanier au lancement de son plus récent produit : un calendrier sur le patrimoine bâti franco-ontarien.
Un calendrier, 12 bâtiments
Le calendrier 2024 du RPFO présente douze bâtiments du patrimoine bâti franco-ontarien. Les choix des bâtiments retenus ont été faits par l’équipe du RPFO qui avait sollicité des suggestions de la communauté par l’entremise de ses communications.
Tous les bâtiments choisis existent encore bien que l’avenir de certains soit plus menacé que d’autres. Une diversité géographique et de vocation des bâtiments a également été prise en compte dans le choix des bâtiments du calendrier.
Le design graphique a été assuré par Camille Bérini, une élève de 11e année à l’École secondaire catholique Garneau à Orléans tandis que la couverture est la reproduction d’une œuvre de l’artiste-peintre franco-ontarienne Lise Piché.
Les mois d’hiver
C’est ainsi que l’ancienne chapelle du couvent de Notre-Dame-du-Sacré-Cœur (communément appelé « Couvent de la rue Rideau ») a été sélectionnée pour le mois de janvier. Cette ancienne chapelle, sauvée in extremis de la démolition du couvent en 1972, a permis une prise de conscience de l’importance et de la fragilité du patrimoine. Depuis 1988, l’ancienne chapelle a été emménagée à même le Musée canadien des beaux-arts.
Le mois de février est quant à lui réservé à l’ancienne École Guigues. L’ancienne école de la basse-ville Ouest d’Ottawa a été le lieu de la célèbre bataille des épingles à chapeaux, épisode légendaire de la lutte franco-ontarienne contre le Règlement 17, qui interdisait l’enseignement en français dans les écoles de l’Ontario au début du XXe siècle.
Une photo du magnifique intérieur de l’ancienne église de la paroisse de l’Assomption à Windsor (dont l’avenir était incertain ces dernières années) constitue l’illustration du mois de mars, mois de la Francophonie.
Les mois du printemps
La maison de Théophile Brunelle à Lafontaine est à l’honneur au mois d’avril. Les jours de cette maison de 1870 semblent être définitivement comptés. Ironie du calendrier, il y a deux ans ce mois-ci, le tout nouveau Comité du patrimoine bâti et religieux du RPFO avait sonné l’alarme en raison de la démolition annoncée de l’ancienne maison de celui qui avait réussi à abattre en 1904 le loup qui terrorisait la région. L’épisode, devenu légendaire, est devenu un élément culturel et a notamment inspiré des contes et un festival d’été.
Le mois suivant c’est aussi une autre maison légendaire qui est mise de l’avant : celle où sont nées en 1934 les cinq Franco-Ontariennes les plus célèbres de l’histoire, les quintuplées Dionne.
La maison, qui se trouvait originellement dans le village de Corbeil, a été déménagée à North Bay une première fois en 1985 et est devenue un musée. Fermée en 2015 puis rouverte en 2019, la maison natale des quintuplées Dionne avait déménagé entre-temps une deuxième fois pour s’installer au centre-ville de North Bay.
Les mois d’été
Le mois de juin a été réservé à l’ancienne église de l’Annonciation dans la municipalité de Lakeshore (secteur du village de Pointe-aux-Roches) dans le Sud de l’Ontario. Construite en 1905 selon le style architectural néo-romanesque canadien-français, cette église fut avec une autre dans la même municipalité au cœur d’une grande lutte patrimoniale il y a 25 ans, appelée S.O.S.-Églises, pour les sauver de la démolition. Après plusieurs années de revendications, les deux anciennes églises ont été désignées en vertu de la Loi sur le patrimoine de l’Ontario en 2007.
Malheureusement, en décembre dernier, la municipalité de Lakeshore a révoqué la désignation patrimoniale qui protégeait l’église. Son avenir est très incertain.
L’ancienne prison de L’Orignal dans les Comtés unis de Prescott-Russell est mise de l’avant au mois de juillet dans le calendrier du RPFO. Cette ancienne prison, la plus vieille de l’Ontario, la deuxième au Canada et la seule qui fonctionnait en français, a fermé ses portes en 1998.
Parmi toutes les suggestions émises par la communauté pour trouver une nouvelle vocation au bâtiment dont la plus ancienne partie remonte à 1824-1825, c’est celle proposée par le ROPFO (actuel RPFO) que les Comtés unis avaient endossé, à savoir de la convertir en un lieu d’interprétation historique et patrimonial. Une belle histoire à succès d’une reconversion réussie pour un bâtiment du patrimoine franco-ontarien.
Les luttes scolaires étant un des épisodes incontournables dans l’histoire de la communauté franco-ontarienne, la célèbre crise de Penetanguishene n’a pas été oubliée. Au mois d’août, le bâtiment où avait emménagé l’École secondaire de la Huronie dite « L’École de la résistance » est présenté.
Les Franco-Ontariens avaient créé en 1979 cette école parallèle dans un ancien bureau de poste après avoir été las de se buter à un refus du conseil scolaire bilingue de l’époque de financer la construction d’une école secondaire publique de langue française bien qu’ils avaient acquis ce droit depuis 1968. La crise aux dimensions nationales passée, le bâtiment est resté toutefois dans le giron franco-ontarien puisque c’est l’organisme La Clé d’la Baie qui y loge aujourd’hui.
Les mois d’automne
Le choix du bâtiment pour le mois de septembre pourrait en surprendre quelques-uns. En effet, il s’agit du bâtiment le moins vieux parmi les douze qui ont été choisis par le RPFO pour son calendrier. Le bâtiment fut construit dans la basse-ville Ouest d’Ottawa en 1964 pour le compte de l’ACFÉO (aujourd’hui l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario). Connu sous le nom de « la Maison franco-ontarienne », il a servi de siège social à une multitude d’organismes franco-ontariens partageant sous le même toit des locaux, des ressources et une adresse en commun.
La construction a été en grande partie financée par des campagnes de souscription populaires. Le choix de l’architecte avait été fait à la suite d’un tirage au sort opposant les trois plus prolifiques architectes franco-ontariens de l’institutionnel à l’époque, soit Jean-Serge Le Fort, Roger Thibault et Auguste Martineau. C’est ce dernier qui a été l’heureux élu. Depuis quelques années, l’ancienne Maison franco-ontarienne (devenu en 1974 le Haut-Commissariat de Malaisie) se trouve sur le registre du patrimoine de la ville d’Ottawa.
C’est la succursale Vanier de la bibliothèque publique d’Ottawa qui illustre le mois d’octobre. Se trouvant sur l’ancien site du domaine du Scolasticat des Pères Blancs d’Afrique (aujourd’hui le Parc Richelieu), le bâtiment de la bibliothèque constitue une réplique en miniature de l’ancien imposant scolasticat construit en 1938 et qui fut démoli en 1975. Servant de bibliothèque municipale depuis 1976, il s’agit d’un des premiers exemples d’une reconversion réussie d’un ancien bâtiment du patrimoine religieux franco-ontarien.
Au mois de novembre, c’est le presbytère de la paroisse Sainte-Anne-des-Pins qui est présenté. Carrefour franco-ontarien, le presbytère est considéré comme étant le plus ancien bâtiment de Sudbury. Les bureaux du tout premier centre culturel franco-ontarien, le Carrefour francophone de Sudbury, s’y trouvaient jusqu’à tout récemment.
Enfin, c’est la basilique-cathédrale Notre-Dame d’Ottawa à qui le dernier mois de l’année a été réservé. Œuvre collective, construite sur une quarantaine d’années, sa décoration intérieure a été dirigée par le chanoine Georges Bouillon.
Depuis le prélancement du calendrier 2024 du RPFO, une centaine d’exemplaires ont déjà trouvé preneurs sur un tirage de 500 copies.