Un comité francophone pourrait voir le jour à la Ville de Kingston
KINGSTON – Fruit de longues conversations avec la communauté, l’Association canadienne-française de l’Ontario à Kingston (ACFO Mille-Îles), et plusieurs acteurs de la communauté francophone, comme l’enseignant Maxime Grégoire, ont proposé au conseil municipal de créer un comité francophone au sein de l’appareil municipal.
La Ville de Kingston a mené une consultation en ligne auprès des francophones cet été. De nombreux citoyens y ont participé, répondant à la question : « Quelles suggestions feriez-vous pour améliorer les programmes, les services et/ou les établissements municipaux pour la communauté francophone ? »
Par exemple, les habitants de Kingston ont demandé à ce que la municipalité offre des leçons de natation ou d’autres activités en français, puisqu’il n’y a pas d’activités parascolaires en français.
Il est demandé de soutenir la mise sur pied d’un « centre multiservice pour la population tel qu’une maison de la francophonie de Kingston ».
« Augmenter la présence de livres francophones dans les bibliothèques », ou encore, « plus de services de garde en français ».
« La ville devrait offrir aux employés la possibilité de suivre des cours en français gratuitement pendant les heures de travail pour augmenter le nombre d’employés bilingues », pouvions-nous lire.
« Identifier et utiliser le personnel bilingue pour servir les citoyens francophones », ou encore, « une salutation bilingue telle que : Hello, Bonjour ».
Un comité francophone pour un développement durable
En rencontre avec ONFR, l’ACFOMI et le Réseau de soutien à l’immigration francophone de l’Est de l’Ontario (RSIFEO) ont expliqué comment leurs démarches ont interpellé la municipalité. Le but étant de savoir quel type de services en français les citoyens verraient arriver dans leur ville, mais aussi quelle priorité avoir.
« L’intérêt est là », affirme Laurianne Montpetit, directrice générale de l’ACFOMI.
Latré Lawson, agente de projet pour le RSIFEO à Kingston, rappelle qu’en 2021, par le biais de l’ACFOMI, les organismes avaient créé un sondage qui révélait que, « les immigrants francophones faisaient face à plusieurs enjeux ».
Pour Mme Lawson, « il y a le défi de la langue, parce que Kingston, c’est une zone majoritairement anglophone, donc un défi d’emplois ».
« Il y a un problème de logement et il semblerait de discrimination. Nous avons donc choisi d’adresser ces questions avec le maire de Kingston sous forme de rencontres. »
Au dernier rendez-vous, non seulement le maire, mais aussi le député provincial Ted Hsu s’étaient déplacés. Maxime Grégoire, enseignant à l’École secondaire catholique Sainte-Marie-Rivier, voulait alors que les francophones aient un poids politique au niveau municipal.
« J’avais en tête qu’il fallait être plus présent, donc c’est comme ça que j’ai eu l’idée d’un comité. »
Laurianne Montpetit souligne l’importance d’avoir ce comité, « il faut forcer la consultation », pense-t-elle. « On ne consulte pas les francophones sur leurs besoins. »
« S’il y avait un comité francophone, on aurait des gens déjà impliqués, il y aurait déjà une structure, un canal de communication constant pour partager les besoins de la communauté, les inquiétudes de la communauté et pour qu’à l’inverse, la Ville puisse avoir un standing board. »
Les cafés du maire et des discussions communautaires
La Ville de Kingston compte plus 4000 francophones, soit 3,1 % de la population, selon le dernier recensement de Statistiques Canada.
« Dans ces réunions avec la communauté francophone, il y a beaucoup d’idées, mais aussi des inquiétudes », constate Bryan Paterson, le maire de Kingston.
Dans ces discussions communautaires avec la population francophone, l’édile qui avoue y pratiquer son français, révèle que la teneur des discussions se penche sur « des dossiers comme le logement, particulièrement pour les francophones, les défis avec la santé et les services de santé en français », énumère-t-il.
« Je comprends bien tout ça, c’est un grave problème pour beaucoup de francophones. On recherche des médecins bilingues et comment les faire venir à Kingston. »
Même si la santé est une compétence provinciale, M. Paterson croit que la Ville peut aider. Des fonds municipaux ont d’ailleurs été alloués afin d’inciter des médecins bilingues à s’installer dans la région. « Est-ce qu’il y a quelque chose que nous pouvons faire de plus avec la santé ? », se demande-t-il.
Ce francophile est d’accord, « il faut un comité ou un groupe de travail pour améliorer les services en français ».
D’après ses dires, il y a eu une motion au conseil municipal, en juin dernier, à propos de ce projet de comité francophone, et « tous les membres du conseil municipal ont été d’accord avec la vision proposée, les idées et comprennent les défis de la communauté francophone ».
« Ma porte est ouverte », affirme M. Paterson, « c’est très important à mon avis d’encourager et de fournir des espaces pour ces discussions et ces conversations ».
Plusieurs éléments que la Ville pourrait mettre en place
Lors d’une première consultation de la Ville avec des partenaires communautaires et les écoles, de nombreuses idées ont été soulevées par les participants.
Lauriane Montpetit indique à ce titre qu’une centaine de notes ont été partagées avec la municipalité.
« Je pense qu’ils ont réalisé qu’il y avait beaucoup d’éléments sur lesquels ils pouvaient avoir un impact, et qu’ils n’avaient pas réalisés », pense-t-elle.
« La communauté veut des cours de natation bilingues, mais aussi les messages d’urgence de la ville en français. Le personnel du 911 ne peut pas prendre les appels en français, nous aimerions que le site web de l’Hôtel de Ville soit en français. »
« Les ambulances, c’est par chance », ajoute-t-elle.
« Mais on voudrait minimiser le « par chance » », renchérit Maxime Grégoire.
L’autre chose, c’est l’embauche et la rétention des francophones. La directrice générale raconte qu’il est déjà arrivé à Kingston qu’une infirmière francophone ne puisse pas travailler, car elle ne parle pas anglais. « Il y a un manque de personnel francophone, qui peut servir les francophones, mais ne peut pas être engagé parce qu’ils ne parlent pas anglais. »
« Pourtant, l’inverse ne se produit pas, un anglophone n’a pas à parler français », critique-t-elle.
Pour Latré Lawson, ce cas de figure existe même dans des emplois qui ne nécessitent même pas de contact à la personne, « nous avions eu le cas d’une personne qui voulait simplement faire du ménage et cela a été refusé, car elle ne parlait pas anglais ».
« On veut attirer des gens en leur vendant du rêve », ajoute l’experte en immigration.
« Parlant d’attraction », réagit Mme Montpetit, « la Ville a une stratégie d’attraction de francophones dans les domaines de la santé. Un de leurs défis, présentement, c’est lorsque les gens demandent : « Mais mon conjoint, ma conjointe, est-ce qu’elle peut travailler en français ? Est-ce que mes enfants peuvent vivre en français ? »
« Bien sûr, les enfants peuvent aller à l’école » répond-elle, « mais après ça, il n’y a pas d’activité sociale. Il n’y a pas d’activité parascolaire en français. Il n’y a pas de camp d’été en français. Tout le reste de la vie familiale va se faire en anglais. »
« L’Hôtel de Ville tente de promouvoir le tourisme auprès des Québécois, mais quand les Québécois arrivent à Kingston, hé bien, nous n’avons pas les services pour eux. »
Pour l’ACFOMI, les besoins immédiats de la population militaire de Kingston sont aussi à prendre en compte.
La base militaire est bilingue et le personnel qui y est envoyé « n’est pas toujours conscient qu’il y a des écoles francophones et ils mettent leurs enfants dans une école anglophone ».
D’après Mme Montpetit, cette population qui est en transition et surtout les francophones ont besoin de services accessibles rapidement. La directrice voit aussi là un intérêt pour le comité francophone, puisque ces familles s’impliquent pour faire avancer des dossiers, mais lorsqu’ils partent, « on recommence à zéro ». Le comité francophone à la Ville de Kingston pourrait donc être utile, à l’avenir, pour la pérennité des projets.