La journaliste et animatrice Martine Laberge. Crédit image: Yvon Thériault - Radio Canada

[LA RENCONTRE D’ONFR+]

HEARST – Après trois ans à la barre de l’émission Le matin du Nord et 16 ans à Radio-Canada, Martine Laberge a annoncé qu’elle quittait la famille du diffuseur pancanadien. L’animatrice qui aura parcouru le Nord pendant plus d’une dizaine d’années et dont la voix aura résonné entre 6h et 9h, chaque matin, dans les oreilles des francophones de Hearst et de Sudbury, en passant par Timmins, a fait sa dernière émission vendredi. Portrait de cette journaliste qui aura marqué le Nord de l’Ontario.

« Vous avez animé votre dernière émission vendredi matin, pour vous diriger vers les communications au Collège Boréal. Qu’est-ce qui vous a motivé à prendre cette décision?

C’est un nouveau défi que je vais relever. J’ai l’impression de continuer dans la même veine dans le sens où je vais rester en contact avec les médias clairement, car ça reste dans le domaine des communications, soit un domaine que j’aime beaucoup. D’autre part, ça respecte mes valeurs : je pars pour le Collège Boréal, un collège francophone dans le Nord de l’Ontario. L’éducation postsecondaire dans le Nord, c’est important pour moi.

Comment décririez-vous l’expérience que vous avez vécue avec Le matin du Nord pendant les trois dernières années?

Pour moi, ç’a été quand même facile, car je viens du Nord. Je suis une fille de Hearst et j’ai grandi avec Radio-Canada et cette émission-là. Ma mère a toujours été une auditrice fidèle quand j’étais plus jeune. C’était Denis St-Jules qui était là avec son équipe. Il y a cette familiarité-là que j’avais déjà. Quand je suis arrivée à l’animation, ça faisait 13 ans que je parcourais l’Ontario, comme vidéo-journaliste. Quand on fait de la télévision, il faut se déplacer. J’ai appris à connaître le Nord de l’Ontario, étrangement car j’ai grandi à Hearst. Il y avait plein d’endroits que je n’avais jamais visités.

À quel point le fait d’avoir été journaliste pendant plus de 13 ans vous a-t-il aidé à prendre la barre de l’émission matinale?

J’ai rencontré plein de gens, de sorte que, quand j’ai pris la barre de l’émission, c’était étrange mais c’est comme si j’arrivais chez nous. Je me souviens la première fois que j’ai animé l’émission : j’étais très très nerveuse parce que je suis assez timide à la base. Je n’ai jamais pensé animer une émission en direct de trois heures, en plus le matin, car je ne suis pas une fille matinale. Je me souviens du moment où j’ai fermé mon micro après ma première émission. Je me suis dit que j’étais faite pour ça et que toute ma carrière m’avait mené jusqu’à ce moment-là.

Que retenez-vous de l’animation du Matin du Nord?

J’ai adoré l’animation. Je suis honorée d’avoir pu animer cette émission. Je le disais ce matin (vendredi) en ondes que je n’aurais animé aucune autre émission. Je ne pense pas qu’on me l’aurait offert et je ne suis pas sûre que je l’aurais fait non plus. Se réveiller à 3h30 du matin du lundi au vendredi et travailler fort pour être à jour dans les dossiers et comprendre à qui on va parler… J’ai adoré l’animation et j’ai appris à me connaître beaucoup d’une autre façon.

Vous connaissez le Nord de l’Ontario comme le fond de votre poche. Selon vous, qu’est-ce qui caractérise les gens du Nord de l’Ontario?

Dans le Nord de l’Ontario, c’est incomparable. Je ne pense pas qu’il y a d’autres places comme ça en Ontario français. Je n’ai jamais eu cette proximité-là ailleurs. Ça s’explique probablement car je viens d’ici, mais aussi par la chaleur des gens. C’est cliché de dire ça, mais c’est vrai et, comme animatrice et vidéo-journaliste, je le savais.

Auriez-vous un exemple en tête?

Je me souviens de la fois où j’étais en tournée dans le Nord-Ouest, à Terrace Bay. Je me stationne devant l’hôtel de ville pour faire une intervention à la radio… Je raccroche le téléphone, car j’étais en ondes au téléphone, et là, je vois arriver une camionnette. Le conducteur sort à toute vitesse de son auto et me dit : « Est-ce que c’est toi Martine Laberge? » Je lui dis « Oui, allo ». C’était un auditeur qui nous suivait et son père nous écoutait à Terrace Bay. Ça démontre à quel point c’est essentiel d’avoir une radio de proximité et c’est vrai que les gens du Nord sont chaleureux.

Est-ce que le journalisme va vous manquer?

Je ne le sais pas (Rires). Peut-être mais, en même temps, je suis de retour chez nous. Avant la pandémie, j’étais à Sudbury pour l’animation à partir du studio. Avec la pandémie, j’ai pu revenir à Hearst et animer de chez moi. Je suis de retour dans ma communauté avec mes amis, ma famille et les gens d’ici. Ce lien-là, j’ai l’impression que je vais continuer à l’avoir, peut-être pas à une aussi grande échelle, mais ça me suffit… J’ai l’impression que je vais continuer à être là. C’est un drôle de sentiment et j’essaie de mettre le doigt dessus, mais je ne suis pas certaine d’être capable de le comprendre.

Quels sont les dossiers ou les moments qui vous ont le plus marqué comme journaliste dans les 16 dernières années?

Il y en a beaucoup, mais j’ai traité beaucoup de dossiers autochtones. Ç’a été vraiment ma spécialité pendant un bon bout de temps. J’ai parcouru à peu près toutes les communautés éloignées seulement accessibles par les airs dans le Nord de l’Ontario. J’ai couvert des vagues de suicide important chez des jeunes, des inondations, des feux dans lesquels des familles au complet ont péri, la crise de l’eau potable, etc. Ce sont ces dossiers-là auxquels je pense quand je pense à ce que j’ai couvert dans ma carrière… Mais les dossiers autochtones, c’est vraiment ce qui va me marquer le plus.

Quel conseil donneriez-vous à votre successeur?

Je n’ai vraiment pas de leçons à donner, mais ce serait d’écouter. C’est une leçon que j’ai apprise au fil du temps que je donnerais au prochain animateur ou aux journalistes. C’est un exercice d’écoute. On pense qu’on sait écouter, mais ça prend du temps à développer. La vraie écoute et de ne pas toujours avoir la prochaine question de prête… Mais il faut écouter l’autre, car c’est à la base du métier. »


[LES DATES-CLÉS DE MARTINE LABERGE]

1978 : Naissance à Hearst

1999 : Arrivée à Radio-Canada

2005 : Retour à Radio-Canada, mais dans le Nord de l’Ontario

2018 : Nomination comme animatrice du matin du Nord

2021 : Dernière émission à la barre de Le matin du Nord

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