Un dernier remaniement pour Wynne

La libérale Nathalie Des Rosiers. Crédit image: Étienne Ranger

[ANALYSE]

TORONTO – Il fallait s’y attendre. A moins de cinq mois des élections provinciales, Kathleen Wynne s’est donnée un nouvel élan, la semaine dernière.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Pour la première ministre empêtrée dans des sondages calamiteux, l’objectif est simple : profiter de ce remaniement pour relancer la machine du Parti libéral grippée, et convaincre les électeurs tentés par le vote progressiste-conservateur.

Sur les bancs du cabinet remanié, les nouveaux visages n’échappent pas à cette règle. La plupart d’entre eux règnent dans des comtés où leur victoire n’est pas acquise. Les mettre sous les projecteurs médiatiques, voilà l’objectif de Mme Wynne.

C’est le cas Daiene Vernile, la nouvelle ministre du Tourisme, de la Culture et du Sport de l’Ontario, installée dans la circonscription de Kitchener Centre… où les progressistes-conservateurs ne sont jamais loin en termes de votes. De même Harinder Malhi, la nouvelle ministre de la Condition féminine, ne l’avait emporté que par une mince avance face aux néo-démocrates aux dernières élections.

L’exemple est encore plus flagrant pour la nouvelle ministre de l’Éducation, Indira Naidoo-Harris. En 2014, la députée de Halton avait mis fin à 71 ans de règne des progressistes-conservateurs dans sa circonscription. Un petit exploit qu’elle ne sera pas sûre de rééditer en juin prochain. Cela vaut donc bien une promotion.

Rien d’étonnant quand même dans les calculs de la première ministre. Il faut faire vite et bien, d’autant que plusieurs poids lourds ont annoncé depuis longtemps qu’ils ne se représentaient pas. C’est le cas de Deb Matthews, Liz Sandals, ou encore Brad Duguid.

L’ascension de Nathalie Des Rosiers

Le choix de l’avocate Nathalie Des Rosiers comme ministre des Richesses naturelles et des Forêts constitue un cas particulier. À moins d’une énorme surprise, la députée d’Ottawa-Vanier sera réélue dans un fauteuil. Pourquoi dès lors lui donner un ministère?

Si les remaniements mettent en lumière quelques élus, il faut aussi récompenser certains députés, et assurer une bonne répartition régionale. Mme Des Rosiers, très en vue notamment dans le dossier d’Ottawa bilingue, donne ainsi une meilleure représentation de la région d’Ottawa.

Donner le maroquin des Richesses naturelles et des Forêts à l’élue d’Ottawa-Vanier peut surprendre. Mais Kathleen Wynne veut probablement faire de Mme Des Rosiers l’une de ses ambassadrices dans le Nord. Une région marquée par les industries du bois et le fait francophone… où les libéraux n’ont pas toujours les faveurs des électeurs.

Ce n’est pas la première fois qu’un ministre se voit confier une expertise a priori extérieure à ses compétences. Kathryn McGarry, la prédesseure de Mme Des Rosiers, était elle-même infirmière avant d’occuper ce poste. L’actuel ministre des Relations avec les Autochtones, David Zimmer, est lui un ancien avocat davantage spécialiste des questions de l’immigration. Une position occupée par une certaine Kathleen Wynne en 2011.

Quatrième remaniement en deux ans

Ce remaniement sera-t-il dès lors profitable à la première ministre? Pas nécessairement. Ce n’est pas la première fois que Mme Wynne use d’un jeu de chaises musicales pour se donner un peu d’oxygène. Depuis l’été 2016, la chef du Parti libéral a mené au total trois remaniements, et une prorogation.

À quelques semaines des élections, il semble qu’il en faut aujourd’hui bien plus pour inverser ces sondages en berne. Son conflit avec Tim Hortons en début d’année et ce remaniement prouvent la volonté de Mme Wynne de surprendre pour se maintenir au pouvoir.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 22 janvier.