Un monument pour symboliser l’amitié France-Canada à Ottawa
[CHRONIQUE]
Chaque samedi, ONFR propose une chronique sur l’actualité et la culture franco-ontarienne. Cette semaine, l’historien et spécialiste en patrimoine Diego Elizondo.
OTTAWA – Quelque peu passé sous le radar médiatique lors de la plus récente visite au Canada du premier ministre de France, Gabriel Attal, une cérémonie réunissant les chefs des gouvernements français et canadien de même que plusieurs dignitaires et invités a eu lieu, il y a un mois jour pour jour, au cimetière Beechwood à Ottawa auprès d’un nouveau monument commémorant l’amitié France-Canada. Chronique sur l’histoire de ce « monument né d’une histoire et d’un patrimoine partagés. »
Brève genèse du monument Amicitia France-Canada
Un projet de monument ayant pour but de commémorer plus de quatre siècles d’histoire commune et plus de 90 ans de relations diplomatiques officielles entre la France et le Canada a été lancé officiellement en 2020.
« Certes, nous avons des monuments commémorant la Première Guerre mondiale au Canada […] mais il n’y avait pas de monument dédié à l’amitié entre nos deux nations », avait déclaré à l’époque Christophe Raisonnier, le président de l’Association des médaillés militaires au Canada et co-initiateur du projet avec André Lévesque, président de l’Association Monument Amicitia France-Canada.
Le projet, baptisé Monument Amicitia France-Canada, se veut une commémoration des liens historiques et des principes partagés entre le Canada et la France. Il veut souligner « l’honneur, le souvenir et l’espoir alors que nous continuons à atteindre nos objectifs communs en tant qu’alliés clés », avaient énoncé les co-instigateurs du projet.
L’initiative du projet revient à quatre associations françaises d’Ottawa : la 1846ᵉ section de la Société nationale d’entraide de la Médaille militaire, l’Union des Français de l’étranger d’Ottawa, Français du monde d’Ottawa-Gatineau et l’Association des décorés de la Légion d’honneur de la capitale nationale du Canada.
À la Chambre des communes le 16 novembre 2020, la députée fédérale et franco-ontarienne d’Orléans Marie-France Lalonde informait le Parlement du projet de monument : « Monsieur le président, à l’occasion des célébrations commémorant le jour du Souvenir, j’ai participé, à titre de présidente de l’Association interparlementaire Canada-France, à la cérémonie annuelle du jour du Souvenir pour la communauté de France à Beechwood.
En hommage aux liens d’amitié qui unissent nos deux pays au-delà des relations interparlementaires, la cérémonie s’est déroulée à l’emplacement où sera érigé le monument commémoratif de l’association Monument Amicitia France-Canada, dont la campagne de financement sera lancée demain à l’ambassade de France.
Non seulement ce monument sera un symbole d’amitié et d’entraide, mais il confirmerait et immortaliserait aussi la longue histoire commune du Canada et de la France sur le champ de bataille. L’amitié de longue date entre nos deux pays demeure forte aujourd’hui et ce monument le rappellera aux générations à venir. »
Le travail de construction du monument a été achevé en juin 2021 au cimetière Beechwood à Ottawa, dans la section du cimetière militaire national des Forces armées canadiennes, mais l’inauguration officielle a été retardée d’un an en raison des restrictions sanitaires liées à la COVID-19 ainsi qu’aux élections en France et au Canada.
Symbole des liens historiques et durables entre les deux pays, ce monument est le premier de ce genre érigé au Canada. « Amicitia » signifie « amitié fraternelle ». Le choix de le baptiser d’un nom en latin a été fait pour éviter la traduction entre les deux langues officielles du Canada, avaient précisé les co-initiateurs du projet.
Lors de l’inauguration du monument le 16 octobre 2022, on reconnaissait dans la foule, entre autres, les députées fédérales et franco-ontariennes Mona Fortier (Ottawa-Vanier), Marie-France Lalonde (Orléans) ainsi que l’ambassadeur de France au Canada Michel Miraillet.
310 000 $ en dons ont été récoltés pour réaliser le projet. Le monument en a coûté 270 000. Il a été financé en grande majorité par des donateurs privés du Canada et de la France, ainsi que par des subventions des gouvernements canadien et français. Les fonds inutilisés ont été laissés à la Fondation Beechwood afin d’assurer l’entretien du monument.
Le tout premier contributeur majeur a été la Fondation George et Helen Vari (Toronto), qui a incité d’autres personnes et organismes à participer à la collecte de fonds. Mentionnons Power Corporation du Canada, MCM Lettrage (St-Léonard, Québec), la Toronto French School et l’Association Champlain Fondateur.
Un monument truffé de symboles
Long de neuf mètres et haut de trois mètres, le monument Amicitia France-Canada a été réalisé en granite gris provenant de carrières canadiennes.
Les associations à l’origine du projet ont souhaité représenter l’amitié France-Canada sur le monument par les symboles des deux pays : la Marianne pour la France et la feuille d’érable pour le Canada. Au sommet du monument trône une torche qui est portée à bout de bras. Le côté droit représente le bras de la statue qui est située à la base du Mémorial national du Canada à Vimy, en France. Et le bras gauche représente le bras de Marianne, dont la statue se situe sur l’Arc de Triomphe.
Les effigies de huit médailles militaires (quatre de France et quatre du Canada) figurent également sur ledit monument.
Les deux drapeaux (le tricolore français et l’unifolié canadien) présents sur le site du monument sont un don du Centre Juno Beach. Ces deux drapeaux ont flotté au-dessus de Juno Beach en 2021.
Au moment de l’inauguration du monument, le souhait était de permettre à la communauté de le visiter, d’organiser des événements et de commémorer des moments majeurs internationaux de l’histoire commune du Canada et de la France. « L’objectif est de permettre à la communauté de donner vie à ce monument d’importance historique », avait expliqué à L’Express de Toronto l’un des promoteurs du projet, Gérard Poupée.
Le monument visité par Justin Trudeau et Gabriel Attal
Je l’évoquais en début de chronique, il y a un mois, le 11 avril, ce fut au tour des premiers ministres du Canada et de la France, Justin Trudeau et Gabriel Attal de se rendre au monument Amicitia France-Canada pour une cérémonie des plus protocolaires, dans le cadre de la visite officielle de M. Attal en sol canadien, sa première depuis sa nomination.
Dans un bref discours, Justin Trudeau a évoqué, dans les deux langues officielles du Canada, sa propre histoire personnelle, celle de son ancêtre charpentier né à La Rochelle, en France, et arrivé en Nouvelle-France il y a 365 ans. Il a salué les élèves du lycée Claudel, son alma mater, présents sur place. M. Trudeau a évoqué le sacrifice ultime des soldats canadiens morts au combat à la bataille de la crête de Vimy en 1917 et lors du Débarquement de Normandie en 1944. Enfin, il a souligné que le Canada continuera de toujours défendre aux côtés de la France des valeurs communes telles que la démocratie.
Gabriel Attal quant à lui a livré un long discours, fort intéressant et inspirant. Lui aussi a évoqué Vimy, le Débarquement de même que la bataille de Dieppe.
Le premier ministre français a également partagé sa philosophie de l’histoire : « C’est grâce à l’histoire qu’on peut écrire l’avenir. Bien sûr, l’histoire ne doit jamais être un carcan et toujours, elle doit nous inspirer, nous alerter, nous éclairer. C’est grâce à la mémoire qu’on peut éviter les errements, les erreurs et les drames du passé. C’est grâce à l’amitié […] qu’on peut changer le cours des choses […]. L’histoire, la mémoire et l’amitié, c’est précisément ce que nous sommes venus saluer et célébrer aujourd’hui, ensemble, devant ce monument Amicitia France-Canada. »
M. Attal n’a pas manqué de rappeler les liens historiques entre les deux pays en évoquant des noms bien connus ici et abondamment présents dans notre toponymie : « Notre histoire commune, c’est celle des découvertes. Celle de ces explorateurs pensant trouver l’Asie et accueillis ici par les Premières Nations. Celle de Jacques Cartier […] celle de Champlain, fondant la Nouvelle-France. Autant de noms qui aujourd’hui encore peuplent les rues, les quartiers et les monuments canadiens. »
Évoquant au passage la guerre en Ukraine, le premier ministre français a conclu en déclarant : « C’est notre devoir commun d’éclairer les générations à venir, de leur faire connaître notre passé et notre histoire à travers la mémoire. »
Mentionnons que sur place se trouvait aussi la ministre des Anciens combattants du Canada, l’Acadienne Ginette Petitpas-Taylor, de même que l’ambassadeur du Canada en France, Stéphane Dion.
Le 80ᵉ anniversaire du Débarquement de Normandie aura lieu le 6 juin prochain.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leurs auteur(e)s et ne sauraient refléter la position d’ONFR et de TFO.