Dominic Mailloux, président de la Fédération des gens d'affaires francophones de l'Ontario (FGA), a dévoilé les grandes lignes du livre blanc ce lundi à Toronto. Photo : ONFR/Laetitia Dogbe

La deuxième édition du livre blanc sur l’économie franco-ontarienne vient de sortir, et à l’issue des 15 mois de décryptage qu’il a fallu à la Fédération des gens d’affaires francophones de l’Ontario pour évaluer sa croissance, il en ressort un rapport se voulant comme une nouvelle étude, qui souligne à la fois les mérites, mais aussi les défaillances d’une économie qui ne cherche qu’à se développer. 

La grande nouveauté cette année se niche dans la contribution de la firme de sondage Léger Marketing, à travers laquelle les entrepreneurs francophones ont pu faire avancer la recherche en exprimant leurs inquiétudes et leurs besoins.

Le document, qui contient cinq recommandations adressées autant aux pouvoirs publics qu’aux communautés francophones, appelle à « une grande collaboration », indique le directeur général sortant de la Fédération des gens d’affaires francophones de l’Ontario (FGA), Richard Kempler.

Les recommandations issues du livre blanc. Source : FGA

Le poids économique de la francophonie

Pendant que l’Ontario continue d’abriter la moitié des entreprises francophones minoritaires au pays, les nouvelles données du rapport confirment que les entreprises dirigées par des francophones ont bel et bien montré un taux de croissance annuel supérieur à 20 %. En effet, en étant capables de piocher dans les deux bassins linguistiques, elles bénéficient d’un avantage d’innovation.

Même si ces entreprises demeurent actives dans tous les secteurs, elles apparaissent fortement représentées dans des secteurs comme le commerce de détail, la construction ou encore les services scientifiques et techniques. Le rapport indique aussi qu’elles ont plus souvent tendance à s’identifier comme de taille moyenne et grande, comptant entre 20 et 499 employés par rapport à celles dirigées par des non-francophones.

Quelles entraves à la croissance?

Toutefois, le rapport s’attelle à une myriade de problématiques qui freinent les perspectives d’une économie franco-ontarienne forte. Le directeur sortant de la FGA ajoute que le manque d’une définition claire de l’entreprise francophone complique la tâche de rendre compte de l’ampleur réelle de cette économie et d’établir des comparaisons claires. « On a dit qu’on a 30 000 entreprises francophones, mais, suivant les définitions, on pouvait aller jusqu’à quasiment 72 000 entreprises », déplore-t-il. 

Il n’hésite d’ailleurs pas à pointer du doigt la timidité des politiques gouvernementales de promotion des villes éloignées des grands centres auprès des nouveaux arrivants. Des grands bassins tels que Toronto ou Ottawa peuvent témoigner du potentiel inexploité d’une population qui pourrait utiliser le français, pendant que dans le nord de l’Ontario, les pénuries techniques et géographiques, combinées au vieillissement de la population, font de la francophonie une richesse d’autant plus mal exploitée.

Pourcentage d’entreprises francophones selon la croissacne annuelle de l’entreprise en 2020. Source : Statistique Canada, Enquête sur le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises

Les barrières entrepreneuriales exprimées par les jeunes entrepreneurs peinent à se détourner du problème du manque de financement. Membre du conseil d’administration de la FGA et lui-même entrepreneur, José Mafra explique que « c’est souvent un manque d’information, qu’il y a énormément de programmes et qu’il faut juste trouver les bons partenaires ».

Présente au lancement du livre blanc, Lina Ravelojaona, qui est consultante et gestionnaire des services d’appui aux entrepreneurs francophones au sein de la FGA, explique qu’elle a commencé à exporter ses services à Madagascar l’année dernière. « J’ai approché des institutions comme l’American Chamber of Commerce à Madagascar », dit-elle. 

L’emplacement géographique de la province s’avère instrumental pour devenir un acteur économique majeur de la francophonie internationale en Amérique du Nord. Toutefois, en ce jour d’investiture du président désigné Donald Trump, la question des obstacles commerciaux, notamment les tarifs douaniers, peut peser sur les ambitions des jeunes entrepreneurs francophones.

Types de services offerts en français par les entreprises ontariennes en 2022. Source : Statistique Canada

En prenant compte du contexte domestique, s’ajoute la dure tâche du Canada à retenir ses immigrés francophones, dans la mesure où un récent rapport du Conference Board du Canada a démontré que le Canada perdait 35 % de ses immigrants francophones à long terme, notamment en Ontario. 

Les dirigeantes et les entrepreneuses, déjà défavorisées dans les données de la première édition, ne témoignent pas de progression et constatent une participation féminine qui stagne toujours. Catherine Goueth, entrepreneuse en agroalimentaire à Ottawa, explique que la culture des affaires reste un obstacle majeur dans l’intégration des nouveaux arrivants : « Ces autres aspects de la vie, ce n’est pas à l’école qu’on les apprend. Il faut comprendre le système. »

Innovante et bien placée pour capitaliser sur les opportunités, l’économie franco-ontarienne est sous-estimée, ce qui limite son influence auprès des décideurs. La reconnaissance du potentiel économique joue un rôle capital dans sa croissance à court et long terme. « Le temps de l’entreprise n’est pas le temps de l’administration », ajoute Richard Kempler. Ce dernier encourage la distribution simple et rapide de 100 000 dollars sans plus tarder aux débutants afin d’ouvrir la voie aux nouveaux entrepreneurs.