Un premier album entre deuil et espoir pour Joly
OTTAWA – Dans son premier album complet, Joly explore le thème du deuil dans une ambiance presque cinématographique. Deuil. Un seul mot, écrit au singulier dans le titre, mais qui porte des significations plurielles, fruit d’une exploration entamée en 2018. ONFR+ s’est entretenu avec l’artiste originaire de Hawkesbury au sujet de cet album-concept sorti le 17 mars.
Joly, c’est le nom solo de Marc-Antoine Joly, artiste aux nombreux projets et collaborations. Avec Deuil, il peut enfin présenter sa propre carte de visite et démontrer l’étendue de son talent musical et créatif.
Pour bien apprécier ce nouvel opus, il faut l’écouter dans son ensemble. L’album est composé de 14 titres, soit sept chansons et sept interludes qui servent de fil conducteur. Joly voulait explorer les étapes du deuil « de façon cohérente, mais non linéaire. Avoir un bon fil conducteur, musicalement. L’histoire, elle, se bouge un peu. Les gens vont pouvoir faire leurs propres liens. »
Les pièces instrumentales font à la fois respirer et avancer cette histoire, guidant l’auditeur vers un état d’esprit lui permettant de mieux apprécier la prochaine pièce. « J’espère que les gens vont entendre les textures, mais aussi les salles. Parfois, tu l’entends qu’on est dans une grande salle. D’autres fois, dans une petite pièce en bois. Je joue avec l’espace-temps à travers les sonorités. »
D’ailleurs, la chanson Lourd, sortie comme premier extrait en janvier 2022, semble prendre une nouvelle dimension, lorsque précédée de la pièce instrumentale Ligne de vie, particulièrement chargée. « C’était vraiment mon but d’avoir une introspection plus cinématographique, si on veut. Pour être capable d’aller chercher ces images-là chez l’auditeur et de dire : on est complètement dans un autre environnement », souligne celui qui rêve de signer la trame sonore d’un film.
En écoutant Deuil, on imagine aisément Joly réaliser ce rêve cinématographique. On sent le temps qui a été mis dans la production pour créer des ambiances sonores. En ce sens, malgré un processus parfois ardu pour en arriver au résultat final, l’artiste s’est amusé.
Les interludes lui ont permis d’explorer hors des sentiers battus et des codes de la musique pop. « Je me suis laissé aller complètement musicalement. La musique, c’est l’affaire la plus importante pour moi. Les textes aussi, mais la musique c’est en premier, c’est certain. »
Faire le deuil
Pour Joly, le deuil est une des expériences humaines les plus complexes, car elle se vit en plusieurs étapes. Explorer ce thème lui demandait donc une démarche artistique profonde. Il fallait, entre autres, déterminer quel était son propre rapport avec le deuil. Le projet ne parle pas spécifiquement de la mort d’un être cher, mais plutôt de l’expression « faire le deuil de » qui peut s’appliquer à une panoplie de situations.
Il nomme entre autres le deuil d’un animal de compagnie, les deuils d’amitiés, ou tous ces petits deuils associés au passage de la vingtaine à la trentaine où l’on devient « un vrai adulte ».
Les priorités sont redéfinies, les objectifs de vie aussi. Il parle de son rêve de carrière musicale et de ce qu’il est devenu. « Ce sont deux choses complètement différentes maintenant. Et j’ai dû faire le deuil de certaines de ces choses-là parce que, dans ma tête, à 30 ans, j’étais pour être à telle place, en train de faire telle chose, et ce n’est pas arrivé. C’était une remise en question : qu’est-ce que le succès pour moi? Il fallait faire le deuil de ce rêve-là, qui est juste changé et non mort. »
Regarder vers l’avenir
Joly ne s’en cache pas, le processus pour créer l’album a été ardu. En cinq ans, le projet a parfois été écarté pour laisser place à d’autres, ou pour un projet de vie important. La naissance de son fils, en août dernier, a forcé une pause qui lui fut finalement bénéfique. « Il m’a donné un petit break sur l’album Deuil, qui était nécessaire pour moi. J’étais vraiment pogné là-dedans, et j’étais rendu à un point où je n’étais pas nécessairement bien. […] Samuel m’a vraiment donné une perspective et remis en contexte. Comme : Eille c’est de la musique, amuse-toi! »
Le bébé a déjà une certaine expérience de tournée, lui qui se trouve souvent en coulisses avec ses grands-parents lorsque son père est sur scène avec sa mère, la chanteuse Céleste Lévis. On retrouvera d’ailleurs la voix de cette dernière sur une nouvelle version de l’extrait Tu t’en fous, sur l’album Deuil. « On la faisait souvent en spectacle et je trouvais que ça allait tellement bien. C’est une belle chanson de duo, qui montre un peu les deux côtés de l’histoire. »
Curieusement, la pièce-titre et dernière de l’album, l’interlude Deuil, semble la plus joyeuse. Comme si on arrivait à la fin de cette étape de vie pour en entamer une nouvelle. Au final, Joly a réussi son pari. Celui d’offrir au public un album complet de qualité, qui pourra aussi lui servir de carte de visite aux yeux de l’industrie musicale.