Un soutien aux Franco-Ontariens venu de l’international
L’Association internationale des commissaires linguistiques (AICL) a adressé une lettre au premier ministre ontarien Doug Ford pour lui demander de revoir sa décision concernant le Commissariat aux services en français.
BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet
Dans cette lettre datée du 28 novembre et dont #ONfr a obtenu copie, l’AICL, qui représente les commissaires linguistiques à travers le monde dont l’Irlande, le Kosovo, l’Espagne ou encore le Pays de Galles, exprime « sa préoccupation et sa déception » face à la décision du gouvernement progressiste-conservateur d’abolir le Commissariat aux services en français en tant qu’entité indépendante et de placer ses fonctions sous l’égide du Bureau de l’Ombudsman.
Cette décision a été annoncée par les troupes de Doug Ford le 15 novembre dernier, lors du dévoilement de la mise à jour économique. Jumelée à l’abandon du projet d’Université de l’Ontario français, elle a provoqué une crise linguistique depuis plusieurs semaines en Ontario, qui a notamment été marquée par des manifestations massives à travers la province, le 1er décembre dernier.
Pour l’AICL, l’indépendance du Commissariat est d’autant plus importante qu’elle assure la crédibilité des droits linguistiques et leur place auprès de tous les acteurs de la société « en obligeant le gouvernement à rendre des comptes ».
L’Ontario, un exemple
Soulignant que le commissaire aux services en français François Boileau n’a pas participé à son initiative, l’association demande au gouvernement ontarien de reconsidérer les changements proposés. Ces derniers ont été validés par le vote du projet de loi 57, le 6 décembre dernier.
« L’Ontario a été une source d’inspiration pour divers pays qui comptent une minorité linguistique, y compris l’Irlande, le Royaume-Uni et d’autres pays d’Europe », explique le président irlandais de l’association, Rónán Ó Domhnaill. « En tant que vice-président de l’AICL, le commissaire aux services en français [François Boileau] a fait preuve d’un leadership fort en ce qui concerne la promotion des avantages du pluralisme linguistique ainsi que l’échange de pratiques exemplaires de protection des droits linguistiques. »
Pas plus cher
L’AICL, dont le mandat consiste à soutenir et à défendre les droits, l’égalité et la diversité linguistiques partout au monde, et à appuyer les commissaires linguistiques membres, rejette l’argument économique évoqué par le gouvernement ontarien.
« D’après notre expérience, maintenir en place un commissariat linguistique indépendant s’inscrit dans une politique de responsabilité financière. Grâce à leur travail de promotion et de prévention, les commissaires linguistiques veillent à la saine mise en œuvre des droits linguistiques et des services connexes. »
Et de citer l’exemple de l’Irlande où le gouvernement a proposé, en 2011, de fusionner le commissariat linguistique avec le bureau de l’ombudsman, avant de revenir sur cette proposition en 2014.
« Cette décision a été prise à la suite de consultations publiques qui avaient révélé un important soutien au maintien du Commissariat à la langue irlandaise en tant qu’entité entière indépendante. Il est aussi à noter que la fusion proposée n’aurait entraîné aucune économie considérable. »
L’argument économique a souvent été repris par le gouvernement Ford et plusieurs intervenants s’en sont étonnés alors que dans le même temps, un poste d’adjoint responsable des services en français sera créé au sein du Bureau de l’ombudsman et que les employés du commissariat y seront transférés.
Valeurs universelles
L’AICL ajoute qu’un tel changement devrait être précédé de recherches pour en vérifier les avantages pour la communauté linguistique touchée.
Bien que l’association reconnaisse que chaque pays a ses particularités, son président insiste sur le caractère universel de certaines pratiques exemplaires en matière de promotion des langues de la minorité et de protection des droits linguistiques.
Au moment de publier cet article, l’AICL indiquait ne pas avoir reçu de réponse de la part du gouvernement Ford autre qu’un accusé de réception.