Plan du village pour vétérans itinérants de Kingston. Crédit image : Home For Heroes

KINGSTON – Une organisation caritative, Homes for Heroes, construit des minimaisons pour aider les vétérans sans-abris. D’après Statistique Canada, c’est en Ontario que vivent le plus grand nombre d’anciens combattants. David Howard, président-directeur général de la fondation, a déjà ouvert des «  villages  » de transition à Calgary et Edmonton, en construit présentement un autre à Kingston, et l’espère-t-il, en fera autant prochainement à Winnipeg. 

Sur la rue King Ouest à Kingston, le petit village de vétérans comprendra une vingtaine de maisons modulaires, chacune avec un salon, une chambre, une cuisine et une salle de bain. Le président-directeur général de la fondation Homes for Heroes, David Howard, en entrevue avec ONFR, explique que ce village offrira à la population de vétérans, le soutien dont ils ont besoin pour réintégrer la société. Ces villages sont livrés avec l’aide de travailleurs sociaux sur place et un réseau de soutien. 

L’intérieur d’une minimaison dans le village de vétérans d’Edmonton. Crédit image : Homes For Heroes

«  Ces 20 maisons seront une transition à une vie civile  », explique M. Howard. «  Nous avons aussi besoin de soutenir ces gens à travers un programme, en facilitant l’accès au financement, au soutien, au permis de conduire ou à un compte bancaire  », explique-t-il. 

M. Howard a déjà ouvert ces villages de vétérans dans les villes de Calgary et Edmonton. Depuis, environ 80 vétérans itinérants sont passés par ces minimaisons et ont réintégré la société. 

Se réinventer au retour de la guerre 

Les anciens combattants ont des besoins spécifiques en raison du stress post-traumatique et des difficultés d’adaptation à la vie civile. M. Howard, qui est impliqué auprès de cette population depuis 25 ans, a vu son grand-père vétéran souffrir des conséquences de la Seconde Guerre mondiale. 

«  Il était alcoolique et il avait des troubles de stress post-traumatique. Je l’ai vu manger de la nourriture pour chien, et ça m’a brisé le cœur  », raconte-t-il. «  Il était abusif et au final, nous ne le reconnaissions plus. Ce que j’ai vu, c’était quelqu’un de brisé et qui avait besoin d’aide. » 

Après avoir découvert le nombre de vétérans sans-abris au pays – soit entre 2 400 et 10 000 selon une étude de l’Université McGill – M. Howard a décidé de lancer sa fondation pour leur venir en aide.

Les estimations du nombre de vétérans sans-abris varient considérablement selon les gouvernements et la société civile. Le sans-abrisme est difficile à quantifier, en raison de l’itinérance cachée. 

Selon David Howard, la seule façon d’anéantir ce problème, ce n’est pas seulement avec l’octroi d’un logement, mais aussi avec l’aide de travailleurs sociaux : « Il faut un village pour s’élever.  »

Les minimaisons sont petites pour éviter que les anciens combattants ne se sentent dépassés, après avoir vécu dans des casernes. 

L’extérieur du village de vétérans d’Edmonton. Crédit image : Homes For Heroes

«  Nos clients veillent les uns sur les autres et vivent en communauté; c’est pourquoi les maisons sont toutes orientées vers l’intérieur.  »

Pour le village de Kingston, le gouvernement de l’Ontario a fait don d’un terrain d’une valeur de 1,5 million de dollars, et le gouvernement fédéral a injecté 2 millions de dollars. Bien qu’il manque encore un commanditaire principal «  permettant de faire fonctionner le village  », une grande partie du financement provient de dons privés ou d’entreprises. 

Une itinérance aussi complexe que difficile à recenser 

À Kingston et dans sa zone environnante, «  nous pensons qu’il y a plus de 200 vétérans qui pourraient bénéficier des services de Homes for Heroes  », estime M. Howard. 

David Howard est le président-directeur général de la fondation Homes For Heroes qui vient en aide aux vétérans sans-abris à travers tout le pays. Crédit image : Lila Mouch

D’après le gouvernement du Canada, il y aurait plus de 2 000 vétérans en itinérance au pays. C’est seulement en 2021 que Statistique Canada s’est intéressé aux données entourant les anciens combattants. Aucun recensement n’avait été fait depuis 1971, bien qu’un dénombrement ponctuel des itinérants ait eu lieu en 2018. 

Dans ce sondage, les raisons de l’itinérance évoquées par les vétérans sont la consommation d’alcool ou de drogues, l’incapacité à payer un loyer, la perte d’un emploi ou encore un conflit avec un partenaire. 

Cette itinérance met en évidence plusieurs problèmes, notamment les difficultés de retour vers la vie civile, après avoir passé de nombreuses années sur les lignes de combat. Certains individus doivent chercher de nouvelles orientations professionnelles, tandis que d’autres font face à des traumatismes, parfois accompagnés de blessures physiques, sans compter la précarité financière, l’absence de logements à prix abordables, le chômage, des troubles de santé et parfois une séparation familiale. 

Les anciens combattants des Forces armées canadiennes et de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) font souvent face à des difficultés de réinsertion. Les séquelles physiques et psychologiques des vétérans peuvent conduire à de l’itinérance. Se réinventer est alors un véritable défi. 

Le village de vétérans à Kingston est en construction et devrait voir le jour en 2024. Crédit image : Lila Mouch

Dans ces villages, la fondation Homes for Heroes aide à remplir des demandes d’aide via différents programmes sociaux qu’offrent les gouvernements. 

La résidence dans le village sera temporaire, avec pour objectif que chaque vétéran puisse quitter le village et réintégrer la société, après avoir décroché un emploi, en ayant une vie désormais stable et en étant autonome.

Ce processus peut prendre plusieurs années ou plusieurs mois, selon M. Howard. «  Nous ne précipitons pas les locataires dans la réintégration tant qu’ils ne sont pas convaincus de leur réussite. C’est la moindre des choses, après ce qu’ils ont fait pour leur pays  », conclut-il.