Une recherche sur l’impact de la pandémie sur l’enseignement en français en milieu minoritaire

L'Université de Saint-Boniface. Gracieuseté

OTTAWA – Deux chercheuses universitaires francophones, se trouvant à des milliers de kilomètres l’une de l’autre, entreprennent une recherche sur l’impact de l’épidémie de COVID-19 sur l’enseignement en français en milieu minoritaire. Andrea Burke-Saulnier, professeure agrégée de l’Université Sainte-Anne en Nouvelle-Écosse et Gail Cormier, professeure adjointe à l’Université Saint-Boniface au Manitoba, unissent leurs efforts pour mener à bien cette recherche.

Confinés à leur domicile familial, les jeunes francophones de partout au pays n’ont pas beaucoup eu l’occasion de vivre en français en milieu scolaire depuis plusieurs mois.

« Il y a (des) recherches qui ont démontré que c’est à l’école que les élèves en milieu minoritaire ont le plus d’expériences liées à la langue et la culture francophones. Donc sans avoir cet aspect, en présentiel, comment est-ce que cela a eu un impact sur leur apprentissage de la langue, pratiques langagières, leur sentiment d’appartenance à la langue, etc.? », s’interroge Andrea Burke-Saulnier. « L’école, c’est la pierre angulaire pour beaucoup de ces élèves-là », insiste la professeure.

« Notre hypothèse, c’est que les élèves du Manitoba et les élèves de la Nouvelle-Écosse ont partagé des expériences semblables, mais il y a aussi des différences et nous voulions les explorer », poursuit-elle.

La professeure Andrea Burke-Saulnier. Gracieuseté.

Les deux chercheuses qui entreprennent ce travail ont la particularité de ne s’être jamais rencontrées.

« (Éclat de rire) Nous avons tous vécu cette réalité dans le temps de la COVID-19 : on était très isolé. Comme tout le monde, on faisait ce qu’on pouvait pour garder une bonne santé mentale et faire du travail », résume Mme Burke-Saulnier.

« On s’est juste rencontrées via Teams et Zoom », dit-elle avant pousser un éclat de rire. Notre relation s’est bâtie comme tout vraiment maintenant, avec les réseaux sociaux. C’est vraiment pour moi une première, développer une relation de travail et une relation de recherche avec quelqu’un que j’ai jamais rencontré en personne », indique pour sa part Gail Cormier.

C’est Andrea Burke-Saulnier qui a trouvé Gail Cormier, si l’on veut. C’est après avoir entendu une baladodiffusion à laquelle participait Mme Cormier que les choses se sont mises en branle.

« Elle a communiqué avec moi et elle a dit : ‘‘On a vraiment des champs de recherche qui se ressemblent, est-ce que tu veux commencer un projet?’’. Et puis on parlait un peu de nos propres expériences en suivant des stagiaires qui étaient en train de vivre tous ces évènements-là (confinement, distanciation physique, etc.) en salle de classe », raconte Gail Cormier.

La professeure Gail Cormier. Gracieuseté

Cette rencontre, facilitée par la technologie en temps de pandémie, aurait pu et même dû se produire ailleurs, comme dans le cadre du congrès annuel de la Société canadienne pour l’étude de l’éducation par exemple. Car elles se trouvent dans deux provinces très éloignées l’une de l’autre, mais qui se ressemblent à bien des égards.

« En milieu minoritaire, je pense qu’il y a beaucoup plus de choses en commun, de similarités que de différences », estime Gail Cormier.

Cette opinion est pleinement partagée par sa co-chercheuse.

« Nous avons trouvé, en discutant ensemble, qu’il y a de nombreuses similarités entre la Nouvelle-Écosse et le Manitoba. Nous avons une université francophone, nous avons un conseil scolaire, tandis que par exemple au Nouveau-Brunswick et en Ontario, il y en a plusieurs », rappelle Andrea Burke-Saulnier.

L’Université Sainte-Anne en Nouvelle-Écosse. Gracieuseté Université Sainte-Anne

Ironiquement, cette recherche sur l’impact de la pandémie sur l’enseignement du français en milieu minoritaire doit elle-même se plier aux exigences imposées par la pandémie.

« Une des choses qui sont vraiment uniques au sujet de cette recherche, c’est que Andrea et moi avons été habituées à faire des recherches qualitatives par le passé, mais là, on est obligées d’utiliser des méthodes de recherches en ligne. Alors pour moi, ça c’est nouveau. Pour le moment, on vise à faire vraiment toute la collecte de données en ligne. J’imagine qu’on va avoir des découvertes intéressantes et là le partage entre Andrea et moi qui va se faire aussi entièrement en ligne », explique Mme Cormier.

Pour ce qui est de la méthodologie, les chercheuses auront un échantillonnage limité.

« On va faire une vingtaine d’entrevues par site. Alors 20 au Manitoba, et 20 en Nouvelle-Écosse. On va observer (à partir) de la perspective des enseignants : qu’est-ce qu’ils ont observé? Qu’est-ce qu’ils ont vécu? Qu’est-ce qu’ils ont fait pour faire face à cette réalité? Quelles approches pédagogiques ont-ils entrepris pour faire face à ces défis? Et, quelles sont leurs réussites », résume Mme Burke-Saulnier.

La professeur Gail Cormier souligne que ce projet de recherche a reçu l’aide financière de l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (​ACUFC).

Les chercheuses s’attendent à entreprendre la collecte de données vers la fin du mois de septembre ou au début du mois d’octobre. Des résultats préliminaires devraient être disponibles au mois de janvier 2022. Enfin, les témoignages d’enseignants qui seront recueillis pourraient mener à d’autres projets de recherche.