Une rentrée scolaire in extremis et sans accroc à Parry Sound
PARRY SOUND – 35 élèves ont découvert leurs salles de classe au sein des locaux du Collège Canadore. Premier établissement francophone de la ville, l’école élémentaire du Conseil scolaire public du Nord-Est de l’Ontario (CSPNE) doit son ouverture à une injonction obtenue au dernier moment.
Mohammed Oubraham est un papa heureux. Quatre de ses cinq enfants font leur rentrée à Parry Sound. « C’est essentiel pour moi de scolariser mes enfants ici, car le français est parlé au Canada et aussi au Maroc, d’où je viens. Je veux que mes enfants apprennent cette langue. On avait besoin d’une école francophone », affirme ce résident de Parry Sound, installé au Canada depuis 2011.
Tout comme lui, plusieurs parents se pressent à l’entrée du Collège Canadore qui partage une partie de ses locaux. William, six ans, et sa sœur Abigail, huit ans, arrivent avec leur maman, Christine Gilbert.
Après quelques jours de flottement et d’incertitude quant à l’ouverture de l’école, la voilà soulagée. « Je ne pouvais pas mettre mes enfants dans une école d’immersion, car il n’y a pas ce qu’il faut ici. Cette école est donc très importante pour notre communauté », raconte-t-elle.
20 jours auparavant, le vote du conseil municipal contre le changement de zonage du site a bien failli coûter la rentrée scolaire à l’école. Il aura fallu une demande d’injonction devant la Cour supérieure de l’Ontario pour garantir, in extremis, l’ouverture des trois classes prévue, en entente avec le collège.
L’épilogue d’un été sous tension
« Pour toute l’équipe éducative, ça été difficile. Maintenant, on a hâte de travailler », explique Simon Fecteau. Le directeur de l’éducation s’est dit marqué par ces contretemps et ce combat judiciaire pour faire valoir les droits des parents à donner à leurs enfants une éducation en langue française. Il veut à présent passer à autre chose et s’assurer que les enfants et les enseignants ne manquent de rien.
La cohabitation entre élèves de niveau collégial et élémentaire ainsi que le risque de voir disparaître le collège ont alimenté une polémique durant l’été. Une pétition recueillant 500 signataires a même circulé pour que le projet n’aboutisse pas.
Cette levée de boucliers d’une partie de la communauté a suscité l’émoi et l’inquiétude des parents d’ayants droit. « Je peux comprendre qu’il y ait des hésitations pour avoir des enfants ici », conçoit Mme Gilbert. « Nous, parents, nous avons posé des questions au conseil scolaire et nous avons eu des réponses correctes concernant les salles de bains et les aires de jeu. C’est une location temporaire. Pour commencer, c’est d’accord », acquiesce-t-elle.
La directrice confiante
Juste avant que les autobus n’arrivent, la directrice glisse les étiquettes portant le prénom des élèves sur les casiers dans le couloir.
« J’ai toujours été confiante », indique Joanne Héroux Farrow. « J’ai connu quelque chose de semblable en 2008 dans la région d’Orangeville avec le conseil scolaire Viamonde. J’ai créé une école dans une ville avec très peu de francophones. On a bâti depuis une communauté incroyable dans cette région et la même chose va se produire ici a Parry Sound », s’enthousiasme-t-elle.
Son équipe – composée de quatre enseignants, d’une intervenante en adaptation, d’une secrétaire et d’une personne à la direction – déballe les jouets dans la cour de récréation provisoire, à l’arrière du bâtiment. Les premiers élèves s’en emparent, jouent et font connaissance, sous l’œil attentif de leurs parents.
Nathalie Davis est à la fois enseignante et mère de trois enfants. Lorsqu’elle a déménagé de North Bay pour venir à Parry Sound, il n’y avait pas d’école. « Nous avons fait la demande, car je voulais que mes enfants continuent leur éducation en français. Et nous voici trois ans plus tard. »
Le directeur de l’éducation et le CSPNE confirme chercher un autre endroit à Parry Sound plus pérenne. La location au collège est d’une durée d’un an. « On est ici jusqu’à ce qu’on trouve quelque chose d’autre. Pour l’instant, on a un bon endroit où donner l’école. C’était le plus important. On est en train de regarder d’autres possibilités. »
Demande d’immobilisation prioritaire auprès du ministère
Difficile pour l’heure de dire où l’école trouvera l’endroit idéal. Les pistes étudiées se heurtent, comme au Collège Canadore, à des zonages inadaptés pour l’implantation d’une école.
L’action en justice semble avoir refroidi les relations entre le conseil municipal et le conseil scolaire qui reste néanmoins en contact avec les fonctionnaires de la ville.
« C’est certain qu’à plus long terme, on va vouloir un endroit qui nous appartient », confie M. Fecteau. « Il y a une ronde de financement en ce moment du ministère de l’Éducation pour une immobilisation prioritaire. On va faire cette demande et remettre nos documents avant le 30 septembre pour avoir quelque chose de plus durable », escompte-t-il, précisant par ailleurs être en discussion avec d’autres conseils scolaires.
« On n’est pas certain où ça va finir mais on est heureux d’être ici, c’est une grosse étape de faite. »
Les yeux se tournent vers la ville. Au printemps dernier, le maire Jamie McGarvey s’était déclaré heureux d’accueillir l’école, avant que, dans le courant du mois d’août, le projet ne vire au cauchemar. Le conseil municipal avait rejeté le changement de zonage du collège, alors même que les fonctionnaires de la ville avaient émis un avis contraire.