Randy Boissonnault le ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et des Langues officielles. Crédit image: Stéphane Bédard.
Randy Boissonnault, le ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et des Langues officielles. Crédit image: Stéphane Bédard.

OTTAWA – On peut ne pas parler un seul mot de français, mais tout de même être membre de l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF), estiment le ministre des Langues officielles Randy Boissonnault et ses collègues libéraux. Selon le ministre, dès qu’un député a un francophone dans son comté, il est légitime d’être membre de l’APF.

Les libéraux ont défendu près d’une centaine de leurs collègues, dont plusieurs unilingues anglophones, qui se sont ajoutés dans les derniers jours à titre de membre de l’APF, dans le but de sauver le titre de président de Francis Drouin. Le ministre des Langues officielles estime que les 338 députés de la Chambre des communes pourraient souscrire à l’APF.

« S’ils ont des gens qui parlent français dans leur comté, c’est complètement légitime. Tous les organismes et groupes interparlementaires sont ouverts à tous les membres et tous les députés », plaide Randy Boissonnault.

Ce dernier dresse un parallèle avec ParlAmericas, une association de parlementaires des pays des deux Amériques.

« J’ai déjà été membre de ParlAmericas. On avait des membres qui ne parlaient pas espagnol, donc c’est complètement légitimement qu’on a des gens unilingues qui font partie de l’APF. »

René Arseneault, député libéral et président du Comité des langues officielles, fait une lecture similaire au ministre albertain.

« Je pense qu’il faut retourner la situation. Comment ça se fait qu’il y ait des unilingues francophones qui sont membres de l’association parlementaire entre l’Angleterre et le Canada? demande le représentant acadien. On est dans un pays libre », ajoute-t-il.

Les trois partis de l’opposition demandent la démission de Francis Drouin, après qu’il ait traité de « pleins de marde » des témoins lors d’un Comité des langues officielles. Le député du Bloc Québécois, René Villemure, a convoqué une réunion spéciale qui aura lieu jeudi soir dans le but de destituer l’élu franco-ontarien lors d’un vote.

En date du 9 mai, ils étaient 26 libéraux à être membres. Or, depuis que René Villemure a fait cette demande il y a quelques semaines, c’est près d’une centaine de membres libéraux qui se sont ajoutés, dont plusieurs unilingues anglophones. Le nombre total de membres de la section canadienne de l’APF est passé d’en deçà de 100 à plus de 170 en l’espace de quelques jours.

Ces ajouts récents devraient, en principe, permettre aux libéraux d’avoir une majorité nécessaire lors du vote face aux représentants du Bloc, du Parti conservateur et du NPD.

Pour l’élu libéral Darrell Samson, « il n’y a rien de mal avec ça ». Il estime lui aussi que d’avoir au moins un francophone dans sa circonscription est un bon critère de qualification à l’APF.

« Un, c’est un. Il faut commencer quelque part (…) Il faut aller chercher tous nos alliés, donc ce n’est pas mauvais. Le plus de gens qui sont conscients de la situation et qui peuvent attirer plus d’attention, pour moi, c’est profitable », soutient le représentant acadien.

« On a des membres, oui qui sont des anglophones, mais ils représentent des communautés francophones, soutient de son côté Francis Drouin. Alors, je ne sais pas c’est qui qui est en train de vous spinner ça », a-t-il lancé aux journalistes avant la période des questions mercredi aux Communes.

À la défense de Francis Drouin

Sur le site internet de l’APF, on peut lire que l’institution a « la particularité d’avoir le français en partage » et que l’un de ses objectifs est « de contribuer au rayonnement de la langue française ». Elle compte près de 92 adhérents issus de parlements ou d’organisations interparlementaires des cinq continents.

N’importe quel parlementaire peut-être membre de l’APF, incluant les sénateurs. Ceux qui ne sont pas membres ont jusqu’à mercredi soir pour s’inscrire avant le vote de jeudi.

Les libéraux se portent à la défense de l’élu libéral de Glengarry–Prescott–Russell depuis ses injures envers deux chercheurs lors d’une étude portant sur le financement des institutions postsecondaires de la minorité. Le député de Nickel Belt, Marc Serré, a demandé si son collègue franco-ontarien « avait besoin de l’absolution du Pape pour un petit péché », estimant qu’il est temps de passer à autre chose car il s’est déjà excusé à six reprises.

Mais les oppositions n’en démordent pas, elles qui tentent depuis quelques séances du Comité des langues officielles de faire démissionner le représentant de l’Est ontarien en tant que président de l’APF, mais aussi comme membre du comité.

Pour le député néo-démocrate Alexandre Boulerice, tout le monde peut être membre d’une association interparlementaire et « on ne va pas changer les règles du jeu en cours de route », mais les libéraux « sont en train de paqueter la salle », constate-t-il.

« Ce n’est pas chic, mais c’est légal », soutient-il.

Selon le leader parlementaire du Bloc Québécois, Alain Therrien, ce n’est pas à lui, mais bien « à la population de juger si c’est pertinent ou non » d’avoir des unilingues anglophones à l’APF pour « sauver le soldat Drouin », image-t-il. Tandis que pour les conservateurs, les libéraux « sont prêts à tout pour sauver le soldat Drouin », car « un chum c’t’un chum  », comme mentionné par le député Joël Godin.