Université franco-ontarienne : des revendications historiques
OTTAWA – Relancé dernièrement, le projet de mise sur pied d’une université franco-ontarienne ne date pas d’hier. Depuis les années 40, les revendications demeurent même très fréquentes d’après les travaux de l’historien Serge Dupuis, en collaboration avec Alyssa Jutras-Stewart et Renée Stutt.
SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @SebPierroz
Dans un article sur les universités bilingues à travers les dernières décennies et publié dans La Revue du Nouvel-Ontario, l’universitaire revient entre autres sur la saga du projet d’une université franco-ontarienne.
« C’est un dossier qui revient sous les feux de l’actualité environ tous les cinq ans », précise M. Dupuis en entrevue pour #ONfr.
« On en parle dès les années 40, avec la volonté des Jésuites à Sudbury de voir le Collège du Sacré-Cœur (CSC) fondé en 1913 se transformer en une éventuelle université francophone. Un projet dans ce sens est finalement déposé à la législature ontarienne en 1943. Finalement, ce dernier mène à la création de l’Université Laurentienne, bilingue, en 1960. »
Mais comme le montre le travail de M. Dupuis, le modèle des universités bilingues mis en place dans les années 60 fait rapidement l’objet d’une remise en question. En 1972, l’Association canadienne-française de l’Ontario (ACFO), l’ancêtre de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), demande explicitement dans son congrès de « commencer à étudier le besoin et les moyens de fonder une université francophone en Ontario ».
L’article d’une centaine de pages de M. Dupuis et ses deux collaborateurs cite un nouvel épisode du genre en 1980. Cette année-là, c’est au tour de l’Association des étudiants francophones de l’Université Laurentienne de demander la création d’une université de langue française via une conférence de presse. « Comme souvent, il n’y a pas eu vraiment de suite », souligne M. Dupuis.
Espoir en 1991
Pour l’historien, deux moments « sérieux » interviennent pourtant dans la création d’une université franco-ontarienne : la période connue depuis 2013 sous l’impulsion notamment du Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO)… mais aussi l’arrivée du Nouveau parti démocratique (NDP) au pouvoir en Ontario en 1990.
« Ça a commencé véritablement en 1987 lorsque le gouvernement libéral en place a décidé d’augmenter de 75% l’enveloppe affectée à l’enseignement postsecondaire en français. Les revendications ont du coup été attisées », note M. Dupuis. Le document de travail de l’universitaire rappelle qu’en 1990, le futur premier ministre Bob Rae se prononce, au cours de la campagne, pour la création d’une université franco-ontarienne.
Tout s’accélère en 1991. Après avoir consulté toutes les « parties et les composantes de la société franco-ontarienne » (dixit le rapport), l’ACFO réclame de nouveau l’université lors d’un Sommet de la francophonie à Toronto en juin. L’écho est tel que la revendication est de nouveau posée lors d’un colloque sur la question universitaire franco-ontarienne à Sudbury à l’automne de la même année.
Les demandes resteront finalement sans lendemain. « La vague de revendications baisse en 1993 », note M. Dupuis. « Le NPD est contraint de ralentir ses dépenses budgétaires. Tout est fini en 1995 avec l’arrivée de Mike Harris au pouvoir qui marque une importante réduction des dépenses dans les services publics. »
Vague « sérieuse »
Considérés par l’universitaire comme la seconde « vague sérieuse » de revendications dans les dernières années, la volonté actuelle du RÉFO et ses partenaires pour le projet comporte quelques différences en comparaison de 1991. « L’engagement du gouvernement semble plus sûr, note M. Dupuis, sans compter qu’il y a une crise dans les universités bilingues qui oblige à l’action. »
Le 10 février, le RÉFO avait tenu une conférence pour presser le gouvernement à la création d’une université de langue française. L’organisme porte-parole des étudiants francophones de l’Ontario était accompagné à cette occasion de l’AFO et de la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO).
L’article est tiré de la Revue du Nouvel-Ontario, numéro 40, p 13-105.