Les drapeaux du Québec et du Canada. Archives ONFR

Hormis quelques exceptions, une bonne partie des futurs étudiants francophones hors Québec devront, dès l’an prochain, payer près du double en frais de scolarité s’ils souhaitent étudier dans une université québécoise.

Dès l’automne 2024, les étudiants non québécois de premier et deuxième cycles et qui ne sont pas dans un programme actuellement verront leur plancher de frais de scolarité passer de 8 900 $ à près de 17 000 $, a expliqué la ministre québécoise Pascale Déry, chargée des établissements postsecondaires. Ce tarif plancher sera ainsi équivalent à ce que coûte au gouvernement la formation d’un étudiant, expliquait-elle vendredi dernier.

Des étudiants francophones, dont un programme similaire est offert en français hors du Québec, seront touchés par cette mesure, selon ce que laisse entendre la ministre du gouvernement Legault. Les étudiants internationaux à l’exception des Français et des Belges en raison d’accords signés sont aussi concernés par une hausse substantielle.

La Loi 96 (désormais Loi 14) permet aux minorités francophones de payer des frais de scolarité similaires aux étudiants québécois à condition que leur programme ne soit pas offert en français hors Québec. Dans un article de mars 2023, Radio-Canada rapportait que le Québec tardait à faire appliquer cette nouvelle directive de la Charte de la langue française auprès des établissements postsecondaires.

En conférence de presse vendredi dernier, Pascale Déry indiquait que davantage d’exemptions seraient accordées à certains étudiants francophones hors Québec, – ce qui n’est toutefois pas mentionné dans le communiqué de l’annonce – mais elle ne précise pas lesquels. Mais quelques instants plus tard, elle affirmait que ces nouveaux tarifs s’appliqueraient à l’ensemble du réseau, peu importe la langue.

« Je veux le mentionner – car il y a de l’information un peu erronée qui a été véhiculée – que le montant forfaitaire ne sera pas juste prélevé chez les anglophones, mais à travers le réseau et tous les étudiants non internationaux », a-t-elle tenu à préciser.

Par exemple, un Franco-Ontarien souhaitant étudier en droit ou en science politiques au Québec en français pourrait voir ses frais doubler, car ces programmes sont déjà offerts à l’Université d’Ottawa et ailleurs. Idem pour un futur étudiant en médecine de la province ou encore du Nouveau-Brunswick avec l’Université Moncton. ONFR a tenté d’obtenir plus de détails sur ces exemptions auprès du ministère de l’Enseignement supérieur, sans toutefois obtenir de réponse au moment de publier cet article.

Freiner le déclin du français

On estime à près de 10 000 le nombre d’Ontariens qui étudient au Québec, mais on ignore combien le font en français. Cette annonce a été décriée par les universités anglophones comme McGill et Concordia qui seront les principales institutions touchées.

Le gouvernement Québec précise que ce geste fait partie d’un ensemble de mesures qui vise notamment à freiner le déclin du français à Montréal.

« Il ne faut pas se mettre des lunettes roses : à Montréal, les étudiants canadiens et internationaux sont de plus en plus nombreux et ils fréquentent majoritairement nos universités anglophones », a commenté le ministre de la Langue française et de la Francophonie canadienne, Jean-François Roberge.

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Le ministre Jean-François Roberge. Crédit image : Sandra Padovani

« Ces universités reçoivent des fonds pour accueillir chaque année des milliers d’étudiants hors Québec qui n’ont pas nécessairement une connaissance du français », dénonce-t-il.

Parmi les autres objectifs de cette annonce, réduire l’écart financier entre le réseau francophone et anglophone et éviter de payer pour la formation d’étudiants qui ne resteront pas au Québec après leurs études.

À Ottawa, les libéraux québécois du cabinet ministériel n’étaient pas enthousiastes à cette idée.

« Je ne pense pas nécessairement que ce soit la meilleure décision. Pour moi, les universités, c’est comme une fenêtre sur le monde. Là, j’ai l’impression qu’on ferme un peu nos fenêtres », soutient le lieutenant du Québec Pablo Rodriguez.

« Je pense que les universités anglophones font partie de l’écosystème. C’est important pour attirer des talents chez nous… Alors il faut se donner toutes les chances d’être sûr de continuer à attirer des étudiants chez nous », a affirmé de son côté le ministre de l’Innovation, François-Philippe Champagne.