« L’éducation donne un sens à ma vie » – Édith Dumont, Prix Bernard Grandmaître 2020
[ENTREVUE EXPRESS]
QUI :
Édith Dumont a remporté, ce jeudi, le Prix Bernard Grandmaître. Première femme à assumer la direction de l’éducation du Conseil des écoles publiques que l’Est de l’Ontario (CEPEO), Mme Dumont travaille depuis de nombreuses années dans le domaine de l’éducation. Récemment, elle a annoncé son départ du CEPEO pour rejoindre l’Université de l’Ontario français, comme Vice-rectrice aux partenariats, aux collectivités et à l’international.
LE CONTEXTE :
L’Association des communautés francophones d’Ottawa (ACFO-Ottawa) tenait, ce jeudi, son 20e Gala des prix Bernard Grandmaître. Deux finalistes étaient en lice pour le prestigieux Prix Bernard Grandmaître, Édith Dumont et Tréva Legault-Cousineau.
L’ENJEU :
Organisé annuellement depuis 1999, le Gala des prix Bernard Grandmaître vise à souligner l’engagement des francophones de la région d’Ottawa. Au fil des ans, plusieurs personnalités de la francophonie ontarienne ont reçu le Prix Bernard Grandmaître, dont l’avocat Ronald Caza, la militante Gisèle Lalonde ou encore l’ancien député fédéral Mauril Bélanger.
« Un premier mot sur ce Prix Bernard Grandmaître. Que représente-t-il pour vous?
À ma grande surprise, je suis très émue (Hésitante). Quand tout le monde te dit « merci » en même temps, ça donne un moment d’émotion. J’ai eu un peu le cœur gros. Les francophones, en Ontario, tout ce qu’on réussit, c’est au prix de beaucoup d’efforts collectifs. Alors, quand on voit tout le monde se lever, on aimerait que le prix se défasse en tous petits morceaux pour le répartir.
Vous avez souligné dans votre discours que la francophonie va bien. Pourtant, les derniers temps n’ont pas été si faciles…
Je suis optimiste parce que même quand il y a des moments difficiles, ce sont des moments où on ressent la solidarité des francophones. Sur plusieurs fronts, on rayonne, au niveau national et international. Je pense qu’on se débrouille bien, même si le climat présentement est plus aride pour les Franco-Ontariens. Mais dans notre cœur, dans notre esprit et dans notre projection pour l’avenir, on se porte très bien.
Vous avez récemment annoncé votre départ du CEPEO, après des années à y œuvrer, notamment comme directrice de l’éducation. Ce prix n’est-il pas une façon de conclure ce chapitre de votre carrière?
Peut-être… C’est vrai que ma carrière, je l’ai faite à Ottawa, même si c’est sur un très vaste territoire. C’est peut-être une marque de reconnaissance pour tous les efforts qu’on a mis à développer des écoles, pour donner accès à une éducation de qualité en français dans notre région.
Quelle est votre plus grande fierté?
J’en ai deux. La première, c’est que quand on parle des écoles et du CEPEO, on reconnaît des gens. Notre conseil scolaire a fait son travail avec et pour la communauté. Mon autre fierté, c’est de voir, par exemple, l’ouverture de la Maison de la francophonie d’Ottawa [Le CEPEO a coordonné le projet]. C’est, à mon avis, le plus beau témoignage d’un conseil scolaire à sa communauté. Ça lui montre qu’une école, elle doit s’incarner dans la communauté quand on vit en milieu minoritaire. Ce ne sont pas que des enfants qu’on accueille, ce sont aussi des parents, des frères et sœurs, des voisins…
Et l’éducation en milieu minoritaire, en Ontario, pour vous, ça évoque quoi?
C’est spectaculaire! On a de belles écoles, des programmes performants, de plus en plus de diversité… J’ai passé la semaine dans les écoles et les élèves, dans la majorité des cas, quand ils sortent de l’autobus, ils sautillent pour aller en classe! En Ontario français, on a vraiment des écoles qui répondent aux besoins. Nos collègues anglophones nous questionnent beaucoup d’ailleurs.
Et personnellement? L’éducation, c’est une grande partie de votre vie…
(Elle sourit) C’est toute ma vie! (Émue) C’est étonnant que vous me posiez cette question, car aujourd’hui, j’ai rencontré une élève avec qui j’avais eu beaucoup de difficultés. Elle est devenue travailleuse sociale dans une de nos écoles. Et quand je l’ai vue, on s’est mutuellement sauté dans les bras! (Pensive) Je suis dans mes dernières tournées d’écoles et ça m’a rappelé à quel point, c’est pour ça que j’ai choisi l’éducation : pour ouvrir une porte, tant pour les élèves que pour les enseignants et tout le personnel. C’est ça qui donne un sens à ma vie. Et je vais continuer à l’université.
Justement, vous allez rejoindre l’UOF très prochainement, qu’est-ce qui a motivé votre choix?
C’est une opportunité de créer une université! On commence sur une page blanche avec l’occasion de créer quelque chose à l’image de la jeunesse d’aujourd’hui. Je me sens comme si j’avais 20 ans avec ce projet-là! On passe notre temps à dire aux jeunes de repousser leurs limites, de s’engager dans des projets qui les passionnent… Mais il n’y a pas d’âge pour repousser ses limites! (Elle sourit)
L’Université de l’Ontario français est devenue un symbole. Comment avez-vous vécu tous les rebondissements autour de sa création?
Il fallait une volonté politique pour que les choses arrivent… Ça a été long avant que ça aboutisse, mais ça devait arriver.
Comment s’assurer qu’il n’arrive pas à l’UOF la même chose qu’au Collège des Grands-Lacs [créé en 1995, le Collège des Grands-Lacs avait dû cesser ses opérations en 2002]?
Il faudra être très proche des gens d’affaires qui ont des besoins de main-d’œuvre et des jeunes qui sortent de nos écoles. On va devoir créer tout un réseau à l’international pour une université qui réponde aux besoins. Mais je suis sûr qu’en restant proche de la communauté, on n’a pas fini d’avoir des succès et de vouloir parler de cette université.
Demain aura lieu une importante grève dans le secteur de l’éducation. Est-ce que la situation vous inquiète?
Dans le cadre de mes fonctions, il est difficile pour moi de répondre à cette question… Ce serait à mon président de le faire. Mais je peux simplement vous dire qu’on a hâte que tout le monde soit bien dans le secteur de l’éducation. »