Issue d'une motion votée à l'unanimité, cette future "Loi Clare" version ontarienne donnera accès aux femmes à des documents comme des antécédents judiciaires de partenaires. Source: Canva

TORONTO – La députée d’Etobicoke-Lakeshore Christine Hogarth travaille actuellement à la mise en application de sa motion pour la prévention de la violence entre partenaires intimes (VPI), adoptée à l’Assemblée législative cet été. C’est la première étape vers la création et l’adaptation du modèle britannique de la Loi Clare, donnant aux femmes accès à des documents confidentiels, comme les antécédents judiciaires de partenaires potentiellement dangereux. Interrogée, l’organisation francophone Action contre la violence faite aux femmes apporte un éclairage sur la réalité du terrain.

C’est la députée progressiste-conservatrice Christine Hogarth qui a dirigé l’adoption d’une motion législative sur une nouvelle façon de lutter contre la violence conjugale en Ontario, adoptée à l’unanimité le 7 juin dernier, 97 voix contre 0 (modèle similaire à la Grande-Bretagne, l’Australie et à d’autres provinces canadiennes, la Saskatchewan, l’Alberta et le Manitoba).

La loi de Clare, adoptée au Royaume-Uni en 2014, doit son nom à Clare Wood, assassinée en 2009 par son ex-partenaire que les services de police savaient violent. Le beau-père en deuil de Clare, Michael Brown, a inspiré la loi donnant le droit de demander à la police des informations sur le passé d’une personne si elle pourrait représenter un risque.

La députée progressiste-conservatrice d’Etobicoke-Lakeshore Christine Hogarth. Gracieuseté

Engagée contre la VPI, la députée explique croire fermement au droit des victimes potentielles d’être informées : « Pour aider à mettre fin à ce genre de tragédies en Ontario, ma loi de Clare rendrait les informations relatives à la violence conjugale accessibles aux personnes à risque sur une base confidentielle », explique la députée dans un communiqué de presse.

« Trop de filles et de femmes en Ontario souffrent aux mains d’ex-partenaires connus de la police comme ayant un passé violent, mais trop souvent, elles ne connaissent pas ce passé et ne peuvent donc pas prendre des précautions qui pourraient leur sauver la vie. C’est pourquoi nous prenons des mesures pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes sous toutes ses formes. »

Cette motion est largement inspirée du projet de Loi 274 sur la divulgation de la violence entre partenaires intimes de la députée néo-démocrate de St. Catharines, Jennifer Stevens, qui avait été rejeté en 2021 pour des considérations juridiques. Mme Hogarth a salué en chambre l’immense travail de sa « collègue d’en face » sur le sujet, avant de justifier le recours à une motion en premier lieu et non pas à un projet de loi en raison de la quantité de facteurs toujours à évaluer sur cette question.

Chiffres et état des lieux

Selon les données de l’Enquête sociale générale (ESG) de 2019 sur la sécurité des Canadiens, la violence conjugale était beaucoup plus fréquente chez les femmes que chez les hommes, 432 000 contre 279 000. À cela s’ajoute que la gravité des blessures physiques est beaucoup plus importante chez les femmes.

Si les chiffres de violence conjugale ont baissé de 1999 à 2019 dans les provinces, passant de 7,5 % à 3,5 % (chiffre restant inchangé dans les territoires), ce rapport explique également que la grande majorité des victimes de violence conjugale (80 %) ont déclaré que la violence subie n’a pas été signalée à la police.

Michelle Petersen, directrice générale par intérim de l’organisme franco-ontarien Action contre la violence faite aux femmes. Gracieuseté

L’organisme francophone Action contre la violence faite aux femmes (Action ontarienne), fondé en 1988, est un regroupement de sept organismes de services francophones de protection des femmes dédiés à la prévention de la violence, la formation, l’analyse des enjeux et la réalisation de matériel éducatif et de sensibilisation en français.

Pour Michelle Petersen, la directrice générale par intérim, qui nous rapporte qu’un féminicide arrive tous les 2,5 jours au Canada, des solutions multisectorielles sont nécessaires, y compris de prévention, pour enrayer la violence conjugale et les féminicides.

« La violence conjugale est cyclique. Un historique de violence basée sur le genre est un facteur de risque et savoir si un partenaire a un historique de violence permettra de sauver des vies », soutient celle-ci.

S’informer pour se protéger : pistes additionnelles

La députée Christine Horgarth nous confirme poursuivre son travail au cours de l’été avec plusieurs bureaux du ministère pour fournir la meilleure approche pour mettre en œuvre sa motion.

Pour Action ontarienne, il s’agit d’une ressource supplémentaire pour aider les personnes à risque de violence à faire des choix avisés avec l’accès aux informations divulguées par la police, par exemple sur des antécédents de violence familiale, traque ou harcèlement, manquement à des ordonnances d’interdiction, autres actes pertinents pour les personnes à risque.

« Il est primordial que les policiers soient formés et sensibilisés » – Michelle Petersen

Mais pour la directrice générale par intérim, ce n’est pas suffisant en soi : « Oui, c’est une solution préventive, mais toutes les solutions axées sur la prévention sont essentielles (par exemple, l’éducation sexuelle sur le consentement dès le plus jeune âge). Il est primordial que les policiers soient formés et sensibilisés pour reconnaître les signes de violence, pour défaire les mythes et les préjugés et accompagner les victimes et survivantes de façon adéquate. L’éducation et la sensibilisation doivent prendre plus de place partout en société avec des ressources de prévention de la violence chez les jeunes afin de mettre fin à cette épidémie. »

Parmi les écueils potentiels à cette loi, elle explique que le temps de traitement des demandes pourrait être un défi et qu’il sera important de veiller à ce qu’une femme puisse avoir accès aux renseignements de façon efficace et rapide.

Elle ajoute également que les femmes hésitent parfois à demander l’aide de la police, notamment les personnes autochtones et racialisées, les personnes de la diversité de genre, du fait d’une méfiance prononcée envers la police.

« Il est essentiel d’avoir une approche d’éducation et de sensibilisation pour transformer les attitudes et croyances individuelles, afin que les personnes provenant de groupes en quête d’équité puissent faire confiance dans le fait qu’elles seront crues et appuyées avec respect et dignité », conclut-elle.