Vincent Georgie, directeur général et programmeur en chef du Festival international du film de Windsor (WIFF). Crédit image: WIFF
Culture

WIFF 2025 : « Le début de nos 20 prochaines années »

Vincent Georgie, directeur général et programmeur en chef du Festival international du film de Windsor (WIFF). Crédit image: WIFF
Vincent Georgie, directeur général et programmeur en chef du Festival international du film de Windsor (WIFF). Crédit image: WIFF

WINDSOR – Le Windsor International Film Festival célèbre sa 21e édition avec un record de films, un accent francophone affirmé et une vision claire de l’avenir. ONFR s’est entretenue avec Vincent Georgie, directeur exécutif et programmateur en chef du festival, pour évoquer cette édition charnière, entre rayonnement international, enracinement local et ambitions industrielles.

Alors que le Festival international du film de Windsor (WIFF) débute officiellement ce jeudi, Vincent Georgie ne cache pas son excitation.

« Les matins sont déjà sur leur troisième café et les soirées se terminent tard! », raconte-t-il en riant. Même si on ouvre officiellement le jeudi 23 octobre à 9 h du matin, tout commence une semaine avant : l’installation, l’arrivée des invités… C’est un peu comme un train qui démarre tranquillement. »

Une édition charnière

Pour cette 21e édition, le ton est donné : il s’agit de penser au futur.

« C’est très clair pour moi, cette édition, c’est à propos des prochains 20 années. On a déjà fêté notre premier 20 ans; maintenant, c’est le début de nos prochains 20 années, affirme Vincent Georgie. On veut savoir où on sera côté notoriété, participation, durabilité… tous ces éléments-là. »

Et cette projection vers l’avenir se fait avec des chiffres impressionnants : 231 longs-métrages de 50 pays, auxquels s’ajoutent environ 60 courts-métrages.

« C’est notre plus grande édition côté programmation, ça, c’est sûr. On est très fiers de ça, dit-il. Dès le début de l’année, je sentais que la cuvée allait être robuste. Il y avait déjà beaucoup de bons titres qui arrivaient. »

Un festival pensé comme une expérience

Avec une telle densité de films, les festivaliers doivent s’organiser.

« C’est pour ça qu’on annonce les titres deux mois à l’avance, afin que le public ait le temps de planifier. Certains organisent même des soirées entre amis pour bâtir leur horaire autour d’un verre de vin! », s’amuse Vincent Georgie.

Mais au-delà de la programmation, le WIFF mise sur l’expérience collective.

« Il faut que la valeur de l’expérience vécue soit forte. Par exemple, pour le documentaire sur Come from Away, nous réunirons sur scène des protagonistes de Gander (Terre-Neuve) et de New York. Ce type de moment humain, collectif, crée une expérience unique », explique-t-il.

Le festival transforme aussi littéralement le centre-ville.

« Nous travaillons aussi sur le placemaking : embellir le centre-ville, créer des pop-ups dans les vitrines vides, installer des haut-parleurs pour diffuser une trame sonore extérieure… On veut que tout Windsor respire le festival », raconte-t-il.

Un amour du cinéma francophone

Le WIFF s’impose aujourd’hui comme le festival présentant le plus grand nombre de films francophones au Canada hors Québec et le plus grand nombre de longs-métrages francophones au pays, souligne Vincent Georgie.

« Cette année, on en compte environ 60 (longs-métrages), dont plusieurs du Québec, de la France et même de l’Ontario. »

Il cite notamment le nouveau film de Jocelyn Forgues, Et Maintenant?, un long-métrage franco-ontarien rare : « On est très heureux d’avoir ce film-là, parce que ce n’est pas à chaque année qu’on a un long-métrage franco-ontarien. »

Vincent Georgie de passage dans le balado d’ONFR Vous êtes là présenté par Mehdi Cayenne. Photo : ONFR

À Windsor, les francophones et les francophiles se mélangent naturellement : « La place au cinéma français, je l’avoue, n’a jamais été un défi ici. Il n’y a jamais eu de résistance, jamais de ‘non, on ne peut pas ouvrir avec un film franco’. Jamais, assure-t-il. Dans un pays bilingue comme le Canada, c’est génial de pouvoir lever ce drapeau-là », ajoute le dirigeant du WIFF.

Le public suit cette ouverture. « La population francophile dans notre festival est croissante, c’est sûr. On voit aussi plus de tourisme du Nord de l’Ontario, de l’Est (du Canada) et du Québec. »

« Le cinéma francophone mondial, c’est d’un calibre important. Les ressources, les infrastructures, les vedettes… tout y est. Si on compare à d’autres cinémas, comme l’allemand ou le finlandais, ils sont excellents, mais n’ont pas la même ampleur mondiale », concède-t-il.

Le WIFF, un tremplin pour les cinéastes canadiens

Au-delà des projections, le festival agit comme un levier concret pour les créateurs.

« Le prix WIFF du meilleur film canadien vient avec un prix de 25 000 $ (en argent) pour le cinéaste », précise M. Georgie. Et la tendance est claire : « Dans les quatre fois où on a remis le prix, trois des quatre fois, c’était des cinéastes francophones canadiens. »

Cette reconnaissance s’inscrit aussi dans une stratégie de positionnement. Le festival, qui se déroule entre le TIFF et la course aux Oscars, bénéficie d’une place stratégique dans le calendrier.

« Dans l’industrie, on est considérés comme un peu tard, mais c’est un atout, explique-t-il. Par exemple, Rental Family avec Brendan Fraser, c’est un film qui avait pris une belle énergie au TIFF, et nous, on le montre fin octobre, juste au moment où la course aux Oscars s’intensifie. »

Une dynamique payante : « L’an dernier, le prix du public a été remis à Anora de Sean Baker, qui a finalement remporté cinq Oscars. Est-ce qu’il y a un lien direct? Non. Mais c’est certain que ces films cherchent à récolter le plus de prix possibles dans les festivals. »

Une dimension économique et régionale

Le WIFF est aussi un moteur local, ancré dans la région.

« On a toujours cru que le WIFF devait avoir un impact économique positif sur Windsor. On dépense dans l’économie locale, on appuie les commerces, les hôtels, les fournisseurs, détaille le cinéphile. En même temps, on met des efforts en marketing pour attirer des touristes. »

Détroit, Sudbury, Ottawa, Montréal : le rayonnement dépasse désormais les frontières. « Déjà, environ 8 à 10 % de notre participation vient du Michigan et de l’Ohio. »

Cette dimension transfrontalière est essentielle : « Nous sommes de loin le plus grand festival de la région. C’est logique d’inviter nos amis américains à traverser la frontière. »

Un pont entre culture et industrie

Le WIFF ne se contente plus d’être un rendez-vous public : il devient aussi un espace professionnel et industriel.

« On a lancé la première conférence industrielle il y a deux ans. Cette année, la participation a augmenté de 55 %. C’est énorme », note le Windsorois. C’est un honneur que l’industrie nous voie comme un festival majeur, où on peut lancer des films, faire une belle conférence et du business. Du bon business dans un festival, c’est bon pour tout le monde. »

Mais il reste lucide sur les défis structurels : « Pour attirer plus de productions dans notre région, il faut deux choses : des incitatifs financiers et une main-d’œuvre bien organisée. Aujourd’hui, on n’a ni l’un ni l’autre. »

Il reste malgré tout confiant : « Le WIFF, c’est la grande dame du cinéma de la région. On attire producteurs, cinéastes, financiers… ça crée une énergie. »

Entre rayonnement international, ancrage local et ambitions industrielles, le WIFF 2025 s’annonce comme une édition charnière. Et Georgie conclut, fidèle à sa vision :

« L’an dernier, j’ai dit que les 20 prochaines années du WIFF seront les meilleures années du WIFF. C’est exactement ce que je crois encore aujourd’hui. »