150 ans de la Confédération : plaidoyer pour une célébration honnête
[CHRONIQUE]
Une récente déclaration de la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, nous invitant à en apprendre davantage sur le personnage de John A. Macdonald et sa « vision » du Canada « qui valorisait la diversité, la démocratie et la liberté » a été un choc pour la communauté historique du Canada. En effet, la ministre nous donne un avant-goût des célébrations du 150e anniversaire de la Confédération. Malheureusement, l’après-goût risque d’être amer, car le pressentiment est fort que soit célébrée une vision tordue et anachronique de M. Macdonald en 2017.
SERGE MIVILLE
Chroniqueur invité
@Miville
John A. Macdonald, la première personne à devenir premier ministre du Canada en 1867, est loin d’être quelqu’un qui célébrait la diversité et avait encore moins d’amour pour la démocratie. Il cherchait plutôt à éviter le républicanisme à l’américaine et à limiter l’accès à la démocratie canadienne aux mieux nantis.
En effet, le cens électoral (ceux qui ont le droit de vote) était limité pendant les premières années du Canada. Il aura fallu un premier ministre libéral, Alexander Mackenzie, pour qu’une première réforme électorale soit adoptée en 1874. Ce n’est qu’à ce moment-là que le gouvernement fédéral a adopté le scrutin secret.
De même, le Sénat nommé par le premier ministre était une autre façon de limiter les dérapages de la démocratie au Canada.
Pour M. Macdonald, le Sénat servait deux objectifs : le premier, celui de récompenser les alliés du parti au pouvoir avec du patronage sous la forme d’une nomination à vie au poste de sénateur; le second, celui de limiter le pouvoir de la Chambre des communes et de donner un droit de regard à une certaine élite non élue afin de prévenir l’adoption de projets de loi jugés trop extrêmes.
Désolé, Madame la ministre Joly, mais M. Macdonald n’était pas un grand démocrate. Il voulait maintenir les privilèges de la monarchie constitutionnelle.
Limiter la diversité
La ministre du Patrimoine canadien tente également de convaincre les citoyens que M. Macdonald était un grand admirateur et partisan de la diversité canadienne. Or, ce n’est pas tout à fait juste.
Certes, il admirait que des peuples blancs, comme les Écossais, les Anglais et les Français puissent construire ensemble un nouveau pays. Néanmoins, il avait un énorme mépris pour certaines « races » de gens qu’il croyait ne pas avoir leur place au Canada.
Les recherches récentes en histoire nous montrent un côté tout à fait troublant de la pensée de M. Macdonald. Ce dernier a déclaré, à plusieurs reprises en Chambre, la supériorité de la race blanche et la nécessité de protéger la domination de cette race contre l’immigration des « races asiatiques », notamment les Chinois. Bien qu’il n’ait eu aucun problème à exploiter la main-d’œuvre chinoise lors de la construction du chemin de fer du Canadien pacifique – les travailleurs chinois se faisaient payer moins que les blancs et occupaient des postes dangereux – il croyait qu’il était impossible pour ces gens de s’intégrer au Canada et de devenir de bons sujets britanniques.
Rejetons immédiatement du revers de la main l’argument selon lequel ce racisme était courant au Canada à l’époque. Les recherches en histoire nous montrent que certains politiciens à la Chambre des communs rejetaient déjà les propos racistes de M. Macdonald. Soyons donc honnêtes et intègres sur ce point.
Éliminer les autochtones
Enfin, M. Macdonald adoptait une approche assimilatoire auprès des autochtones. Les exemples ne manquent pas. Le projet canadien était d’éliminer les autochtones par une assimilation forcée. Le plan fédéral était d’affamer les populations autochtones, de forcer les tribus à s’adonner à l’agriculture sans machines agricoles et sur des terres pitoyables, et de retirer les enfants de leurs parents pour les « blanchir » à travers des écoles résidentielles.
La responsabilité de M. Macdonald est troublante puisqu’il s’est donné le portefeuille des Affaires indiennes lorsqu’il était premier ministre et demeure encore à ce jour celui qui a occupé le plus longtemps ce ministère.
Honnêteté et intégrité
Au lieu de tordre l’Histoire pour faire du patriotisme, faisons plutôt face à celle-ci et acceptons nos failles et nos faiblesses. Ne célébrons pas simplement les « grands personnages » de notre histoire sans une réflexion critique, comme nous y invite la ministre Joly. John A. Macdonald est, certes, le premier à avoir occupé le poste de premier ministre du Canada, mais il est également une personne qui tenait des propos contraires aux valeurs canadiennes. Il faut être honnête avec ce fait historique. Les célébrations du 150e se doivent d’être intègres et de souligner aussi nos nombreux défauts, afin de célébrer les progrès et l’évolution de notre pays.
Serge Miville est chargé de cours en histoire à l’Université Laurentienne.
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