Le trio Robichon-Barker-Hardwick s'apprête à disputer sa quatrième course de la saison dans le Championnat du monde d'endurance FIA. Photo : Drew Gibson / Ford Performance

[ENTREVUE EXPRESS]

QUI : 

Natif d’Ottawa, Zacharie Robichon est un pilote automobile franco-ontarien qui évolue dans le domaine des courses d’endurance au volant de voitures de grand tourisme (GT3), au sein de l’écurie Proton Competition. 

LE CONTEXTE :

Engagé cette année dans le Championnat du monde de GT3 (WEC), il va participer aux 24 Heures du Mans, mythique épreuve française dans le domaine, les 15 et 16 juin, pour la troisième année consécutive. 

L’ENJEU :

Au volant d’une nouvelle voiture cette saison (Ford Mustang), le pilote franco-ontarien revient sur sa saison, sur ce que représentent les 24 Heures du Mans, ses dernières participations, ainsi que ses ambitions pour cette version 2024 de la course aux côtés de ses coéquipiers : le Britannique Benjamin Barker et l’amateur américain Ryan Hardwick. 

« Quel bilan faites-vous de votre saison jusqu’à présent? 

Cette année, c’est un nouveau défi, car depuis plusieurs années je courais avec Porsche et l’année dernière nous avions remporté le Championnat européen. Il y a eu des changements de règlement cette saison qui ont fait entrer plus de manufacturiers. Du coup, chacun est limité à deux autos dans le Championnat du monde de GT3. Mon équipe Proton a dû trouver un nouveau manufacturier, ce qui fait qu’on est avec Ford qui bâtit pour la première fois une GT3. On court avec la Mustang, car c’est son soixantième anniversaire. 

Comment vos performances ont-elles évolué sur vos trois  premières courses de la saison?

Ça n’a été pas facile d’être performant car c’est une année de développement, mais on a fait beaucoup de progrès depuis la première course de la saison au Qatar (11e aux 1812 kilomètres du Qatar). Cette première course début mars n’était vraiment pas évidente. Mais, depuis, on a fait deux top 10 (9e aux 6 Heures d’Imola en Italie, 9e aux 6 Heures de Spa-Francorchamps en Belgique). Et surtout, à chaque course on sent, au moins, qu’on s’améliore. C’est sûr que c’est différent pour moi de l’année dernière, où on avait vraiment dominé le championnat européen. Même si on n’avait pas fait une bonne course au Mans, on a été sur le podium dans cinq des six étapes. 

Là, on est sur un championnat différent, mais le niveau est très semblable. La réalité nous a un peu frappés au début, mais c’est un projet différent et intéressant parce qu’on représente vraiment l’équipe de Ford. On travaille directement avec eux et on est capable de faire des changements qu’on n’aurait pas pu faire avec un autre manufacturier, parce qu’on fait partie de l’équipe de développement. Ça peut être frustrant mais c’est aussi une occasion d’apprendre. 

La toute nouvelle Ford Mustang avec laquelle Zacharie Robichon et ses coéquipiers sont en compétition cette saison. Photo : Drew Gibson / Ford Performance

Quels sont vos souvenirs de vos deux premières participations aux 24 Heures du Mans que vous allez disputer pour la troisième fois ce samedi?

Je n’oublierai jamais mon tout premier tour que j’ai fait sur le circuit en 2022 . En tant que fan de sport automobile et de personne qui vit dans le domaine, ça a toujours été un rêve. Ce n’était pas quelque chose que je croyais pouvoir atteindre. Même lorsque j’ai su que j’allais y participer, je n’y croyais pas, ce n’était pas réel jusqu’au moment où j’étais vraiment sur le circuit. Ce premier tour, c’est vraiment une sensation que je ne vais pas oublier. 

L’année dernière, on n’a pas eu le résultat qu’on voulait. On a eu un accident très tôt dans la course, donc on n’était plus dedans après trois heures. En revanche, c’était le centenaire de l’épreuve et le nombre de personnes qui étaient présentes, c’était fou. Je ne peux même pas expliquer la sensation que ça procure. Faire partie d’un tel événement, si important, pour quelqu’un comme moi qui ne se serait jamais imaginé d’être là, c’est une chose qu’on ne peut pas mettre en mots. 

Les 24 Heures du Mans sont une course mythique qui existe depuis 1923. Elle est considérée parmi les trois courses les plus prestigieuses au monde avec le Grand Prix de F1 de Monaco et les 500 miles d’Indianapolis. Photo : Drew Gibson / Ford Performance

Pour les néophytes, pouvez-vous expliquer comment va se dérouler cette course sur 24 heures? 

Pour nous qui dépendons du Championnat du monde, on a le droit à trois pilotes dont un amateur. Ce dernier a un nombre d’heures minimum à conduire, qui est de six heures. Cela laisse 18 heures que les deux professionnels vont se partager. Typiquement, ce qu’on va faire, c’est qu’on va faire des relais de trois heures. Ce n’est pas un circuit très physique, donc trois heures, ça se fait. 

En général, c’est l’amateur qui commence et fait ses trois premières heures et ensuite c’est une rotation avec cinq à six heures de pause pour chaque pilote. On en profite pour faire un massage, manger un peu. Puis sur les douze dernières heures, ce sont les deux pros qui vont alterner trois heures chacun jusqu’à la fin. On a aussi des ravitaillements pour changer les pneus, mettre de l’essence et on repart. 

À quel point l’entente entre les pilotes est-elle importante? On pourrait croire qu’en soit cela reste très individuel sur la piste…

C’est super important d’avoir un bon esprit d’équipe parce qu’on n’est pas dans la voiture en même temps, mais il y a beaucoup de choses qui se passent pendant la course. Il faut encourager ses coéquipiers. C’est aussi important de bien s’entendre par rapport aux réglages de la voiture. On conduit tous la même voiture. Si, par exemple, j’aime un certain réglage mais les autres pilotes n’aiment pas, on va devoir faire des compromis. Il faut travailler ensemble pour trouver ce qui est idéal pour l’équipe. Il y a aussi une ambiance à créer et une confiance partagée qui permet de se sentir bien et de mieux performer. 

Zacharie Robichon est membre de l’un des trois trios engagés sur l’épreuve pour l’équipe Proton Competition. Photo : Drew Gibson / Ford Performance

Comment se forme l’équipe avec notamment le choix de l’amateur?

On appelle ça amateur parce qu’ils sont soit un peu plus vieux ou ils ont commencé plus tard, mais il faut quand même noter que ce sont les meilleurs amateurs au monde. Ils participent à de gros championnats régionaux voire nationaux. On ne se cache pas dans le sport automobile, ça coute beaucoup de sous.Très souvent, les amateurs qui participent sont ceux qui peuvent payer. Une grosse partie du budget est couverte par le manufacturier et les sponsors, mais il y a aussi une partie financée par l’amateur. Dans notre cas, c’est l’amateur qui choisit l’équipe car c’est lui qui paie l’équipe, qui paie les pilotes. 

Quelles sont les ambitions pour cette année? 

Je dirais que cette année, honnêtement, comme je l’ai dit, c’est vraiment une année de développement avec la nouvelle voiture. Si on pouvait faire un top 10, je serais très content. Avec ce groupe de trois pilotes qu’on a, je pense qu’on fait partie des plus forts. Par exemple, si on était tous les trois sur l’épreuve avec l’auto de l’année dernière, je pense qu’on pourrait gagner. Cette année, je suis plus réaliste et j’espère un top 10 et une course avec la voiture qui finit sans gros souci. Si on reste dans le top 10, tout est possible. Si on obtient un top 5 on serait très fier et on le célébrerait comme une victoire. »