Timmins-Baie James, une tour d’ivoire du NPD très convoitée
Libéraux et conservateurs courent après le fauteuil de Charlie Angus que les sondages donnent vainqueur avec plusieurs longueurs d’avance. Michelle Boileau du Parti libéral canadien et Renaud Roy du Parti populaire sont les deux seuls candidats à parler français dans cette circonscription qui frôle les 30% de francophones, un électorat incontournable.
LE CONTEXTE
Dans une province marquée par l’austérité du gouvernement conservateur, au plus bas dans l’opinion publique, et après quatre années de pouvoir fédéral aux mains des libéraux, le Nouveau Parti démocratique (NPD) espère rassembler suffisamment de mécontents pour conserver son château fort du Nord. Charlie Angus brigue un sixième mandat fédéral.
Aux commandes depuis quinze ans et crédité de 50 % d’intention de vote selon le site de sondage QC125, le député néo-démocrate Charlie Angus pourrait néanmoins perdre des plumes dans une campagne axée sur les enjeux locaux et menée tambour-battant par sa principale rivale, Michelle Boileau.
La candidate libérale, qui a axé sa campagne sur le développement économique et l’immigration, distance Kraymr Grenke. Le conservateur n’a cependant pas dit son dernier mot. Dans une circonscription qui n’a jamais élu de candidat du PCC, cet agent de développement économique mise sur la lassitude des électeurs après quinze années sans alternance politique.
« Les électeurs ont le sentiment que ces quinze années n’ont pas fonctionné et que le député actuel s’intéresse davantage à sa notoriété qu’à ses électeurs », accuse-t-il. « M. Angus est reconnu dans tout le pays pour prendre position des questions nationales ou internationales, mais il a lamentablement échoué en ce qui concerne la circonscription dans laquelle il ne vit pas. »
Respectivement crédités de 4 et 2%, le Parti vert de Max Kennedy et le Parti populaire de Renaud Roy, autre francophone, joueront les seconds rôles. Le Parti libéral semble avoir aspiré les voix écologistes et le leader national du Parti populaire, Maxime Bernier, s’est très peu exprimé sur la francophonie hors-Québec.
ENJEUX
Dans ce vaste territoire, plusieurs questions préoccupent la population, notamment celle des conditions de vie des autochtones. Charlie Angus plaide régulièrement cette cause sur la Colline. Il a récemment réclamé une action plus énergique du fédéral sur l’accès à l’eau potable de la Première Nation Attawapiskat.
S’il s’érige en défenseur des droits autochtones, plusieurs de ses concurrents et détracteurs jugent qu’il n’est pas allé assez loin en la matière. C’est le cas de Michelle Boileau : « On n’a pas réglé suffisamment ce problème. En ayant un député du parti au pouvoir, on aurait pu faire un peu plus dans la région. »
La libérale est à l’offensive sur un autre enjeu de taille : le développement économique. Dans cette région où l’industrie minière et forestière est grande pourvoyeuse d’emplois, elle veut trouver un remède à la pénurie de main d’oeuvre. « Il va falloir soigner ces secteurs et regarder les nouveaux dans lesquels ont pourrait avancer comme l’agriculture », envisage-t-elle, en faisant « venir plus de financements et en créant plus d’emploi comme l’on fait les autres circonscriptions du Nord » dans le giron du parti majoritaire.
Sur la droite de l’échiquier politique, les candidats conservateurs et populaires concentrent leurs attaques sur la fiscalité, autre enjeu qui cristallise bon nombre de mécontentements. « Dans le Nord, on se sent négligés, car on paye des impôts et le retour ne semble pas proportionnel à ce qu’on paye », fustige Renaud Roy. Le candidat d’Iroquois Falls réclame que « l’argent soit restitué dans nos poches plutôt que d’aller à Ottawa, afin qu’on établisse notre propre destin et nos propres priorités ».
Les Franco-Ontariens courtisés
Dans une circonscription privée de député francophone depuis quinze ans, deux candidats pourraient capitaliser sur l’électorat francophone qui représente le tiers de la population.
Plaidant pour un renouvellement politique dans la région, Michelle Boileau met en avant une nouvelle voix : francophone, féminine et plus jeune. « Ça fait longtemps qu’on est représenté par le NPD », dit la native de Timmins. « Ça ne nous a rien rapporté. On réalise qu’on pourrait en avoir plus si on faisait partie du gouvernement. C’est un bon temps pour le changement. »
« On peut facilement vivre en français à Timmins. On a tous les services pour attirer l’immigration francophone. Le projet pilote en immigration (de l’Institut des politiques du Nord et la Société économique de l’Ontario) va certainement répondre à nos besoins sur le marché du travail et bénéficier à toute la communauté. »
Le candidat populaire est plus nuancé. Il ne veut pas favoriser un groupe plutôt qu’un autre, ni faire de distinction entre les deux langues. « Mes parents viennent des cantons de l’Est, comme la plupart des gens ici. On est attaché à nos traditions. » Mais, précise-t-il, « même si je suis francophone, je ne veux pas donner de traitement préférentiel mais je cherche l’équité et une atmosphère d’unité ».
Le conservateur Kraymr Grenke lui-aussi se dit attentif à la communauté, prenant un exemple très précis : « La priorité absolue est de reconstruire La Ronde, détruit par un incendie il y a deux ans. Le financement fédéral initial pour la conception a été acquis et je compte faire en sorte que tout financement fédéral disponible pour la phase de construction soit acquis. » La province a confirmé tout récemment un investissement de 1 million de dollars dans la reconstruction du centre culturel francophone de Timmins.
LES PRINCIPAUX CANDIDATS
Michelle Boileau, Parti libéral du Canada
Kraymr Grenke, Parti conservateur du Canada
Charlie Angus, Nouveau Parti démocratique
Max Kennedy, Parti vert du Canada
Renaud Roy, Parti populaire du Canada
LA CIRCONSCRIPTION EN BREF
Nom : Timmins-Baie James
Population (2016) : 83 257
Électeurs inscrits : 61 411
Revenu médian des ménages : 44 438 $
Proportion de francophones (selon la première langue officielle parlée, déclarée dans le recensement de 2016) : 28,9%
Députée sortant : Charlie Angus, Nouveau Parti démocratique, depuis 2004