Recensement de 2021 : objectif cibler les besoins d’écoles francophones
OTTAWA – Statistique Canada modifie quelque peu son questionnaire pour le prochain recensement en mai 2021. Des questions linguistiques sur les ayants droit seront insérées dans le recensement court dans deux ans, a annoncé l’agence fédérale, ce vendredi après-midi.
Concrètement, le recensement canadien dénombrera pour la première fois tous les enfants d’ayants droit en vertu de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.
La mesure permettra de mieux dénombrer les ayants droit pour répondre aux besoins d’écoles francophones sur le territoire.
« De nouvelles questions y ont été ajoutées afin de continuer à mesurer la diversité croissante de la population canadienne », explique Statistique Canada.
Plus spécifiquement sur les enfants d’ayants droit : « Selon les répondants, ces données aideraient les conseils et commissions scolaires, les gouvernements provinciaux et territoriaux, les parents et les collectivités à identifier les enfants qui peuvent fréquenter des écoles françaises à l’extérieur du Québec et des écoles anglaises au Québec, en vertu du droit constitutionnel de leurs parents, conformément à l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. »
Ces derniers mois, la grogne des organismes s’était faite plus importante sur ce sujet. Le gouvernement Trudeau donnait l’impression de tarder à un donner son feu vert.
Le mois dernier, la Fédération des conseils d’éducation du Nouveau-Brunswick (FCÉNB), la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) et la Fédération des francophones de Terre-Neuve et du Labrador (FFTNL) avaient notamment exhorté le gouvernement fédéral « à corriger une lacune grave ».
En entrevue avec ONFR+ vendredi en fin d’après-midi, le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), Jean Johnson, n’a pas caché sa satisfaction.
« Ça fait 40 ans qu’on stagnait par rapport au recensement de Statistique Canada (…) C’est une grande victoire pour nos communautés. »
Le président de la FCFA voit d’emblée des retombées positives avec ces questions linguistiques.
« Cela devrait augmenter les services de manière à être plus ouvert par rapport à l’intégration des anglophones qui ont choisi le français comme langue seconde. Sur le terrain, ça va permettre des bonifications de services dans les domaines de l’éducation, mais aussi du postsecondaire et de la santé. »
Réactions des élus
L’annonce de Statistique Canada a été saluée par beaucoup d’élus francophones. Parmi les premières réactions, celle de la ministre des Langues officielles, Mélanie Joly sur Twitter. « Le recensement est une des meilleures façons d’offrir des outils aux communautés en situation minoritaire dans la défense de leurs droits, particulièrement en matière d’éducation et de services. »
« Le dénombrement des ayants droit en vertu de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés sera facilité avec les nouveaux formulaires abrégés et complets. J’applaudis cette victoire en matière d’accès à l’éducation dans la langue de la minorité », a gazouillé la sénatrice Lucie Moncion.
L’opposition officielle à la Chambre des communes se satisfait aussi de l’annonce, même s’il faudra « de la clarté », selon le porte-parole conservateur aux langues officielles, Chris d’Entremont.
« J’espère juste que ça sera juste bien reçu et compris par tout le monde. Certains membres des communautés francophones savent mieux écrire en anglais qu’en français », dit-il en entrevue pour ONFR+.
« On ne sait pas les questions sur les ayants droit que l’on va voir dans ce recensement. On a questionné le président du Comité permanent des langues officielles, Emmanuel Dubourg, sans obtenir de réponses. J’aimerais entendre le ministre responsable de Statistique Canada, Navdeep Bains, ou Mme Joly sur cela. »
À noter qu’à l’heure de mettre ces informations sous presse, le néo-démocrate Charlie Angus, porte-parole aux langues officielles pour son parti, n’avait pas répondu à notre demande d’entrevue.
« Des écoles francophones vont pousser comme des champignons »
Invité à réagir à ces nouvelles questions dans le recensement, l’avocat spécialisé en droits linguistiques Mark Power évoque une avancée historique.
« C’est le plus grand développement administratif au politique en matière des langues officielles sur le plan fédéral depuis des décennies. En matière de statut du français, c’est possiblement le plus gros développement depuis l’adoption de la Loi sur les langues officielles en 1988. »
Et de poursuivre : « Cette annonce va fournir des données nécessaires pour le respect des droits des francophones, que ce soit au niveau de la petite enfance, de l’éducation, ou même pour planifier le postsecondaire. Des écoles francophones vont pousser comme des champignons. »
Parlant d’une « inflexion majeure », l’avocat voit à travers ces questions un bénéfice certain pour les communautés francophones rurales.
« Les recensements ont été peu utiles pour les communautés rurales, que ce soit en Colombie-Britannique, dans le Nord du Nouveau-Brunswick ou bien dans des petits centres ontariens. On ne pouvait pas estimer le nombre de francophones à partir d’un petit nombre, car cela générait des données peu fiables. On l’a d’ailleurs constaté dans le dossier judiciaire en Colombie-Britannique. Ceci change la donne de façon majeure. »
Par ailleurs, Statistique Canada dit avoir ajouté des questions « liées au genre, au droit des citoyens de faire instruire leurs enfants dans leur première langue officielle et au statut des anciens combattants, en plus de nouvelles questions qui permettront de s’assurer que les Premières Nations, les Métis et les Inuits sont déterminés au moyen d’une approche fondée sur les distinctions ».
Le dernier recensement a eu lieu en 2016.