La Laurentienne n’avait pas à recourir à la LACC, selon la vérificatrice générale
SUDBURY – Alors que paraissait seulement deux semaines plus tôt un rapport d’enquête accablant la Commissaire aux services en français, Kelly Burke, le bureau de la vérificatrice générale de l’Ontario, Bonnie Lysyk, a dévoilé aujourd’hui son Point de vue préliminaire sur l’Université Laurentienne. Les observations préliminaires y sont tout autant incriminantes, selon cet audit, l’établissement n’avait pas à se placer sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC).
Les travaux entourant cet audit ont débuté en mai 2021 sous la demande du Comité permanent des comptes publics, en vertu de l’article 17 de la Loi sur le vérificateur général. L’objet de l’enquête entourait principalement la question de l’optimisation des ressources des activités de l’Université Laurentienne pour la période de 2010 à 2020, afin de déterminer spécifiquement ce qui a amené l’Université Laurentienne à demander de se mettre à l’abri de ses créanciers.
Un audit spécial aurait dû paraître plus tard, mais dont une version préliminaire est rendue disponible avant la dissolution de l’Assemblée législative et celle du Comité Permanent pour les prochaines élections. On y apprend alors que cette décision s’explique « en raison du manque constant de collaboration de la Laurentienne et comme celle-ci a constamment tardé à nous donner un accès sans entrave aux documents et aux personnes ».
Parmi les principaux constats de cet audit, figure l’illégitimité pour l’établissement d’avoir eu recours à la LACC le 1er février 2021. Pour le bureau de la vérificatrice générale, Bonnie Lysyk, le choix de se placer sous la LACC était difficile à justifier dès le départ.
« En refusant l’aide du gouvernement et en choisissant de se mettre sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) fédérale, l’université est devenue la première université publique au Canada à chercher à restructurer ses activités au moyen d’une procédure judiciaire conçue comme un dernier recours pour les entités du secteur privé. »
L’Université Laurentienne aurait également fait preuve d’un manque de transparence vis-à-vis de ses demandes de financement au ministère des Collèges et Universités (le Ministère) et donc failli au respect des procédures habituelles. On y apprend que le manque de précision concernant le montant de l’aide financière est en cause, et que cette demande survenue en décembre 2020 arrivait trop tard.
En outre, l’établissement aurait délibérément refusé de l’aide financière provisoire de la part de la province et choisit de recourir à la LACC.
« Nous croyons que la Laurentienne n’était pas tenue de se placer à l’abri de ses créanciers en vertu de la LACC. Elle a stratégiquement planifié et choisi de le faire devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario le 1er février 2021. »
Une longue histoire de difficultés financières
L’autre point important de ce rapport est le constat de difficultés financières bien plus anciennes que 2020. Même si le gel des droits de scolarité et la pandémie de la COVID-19 ont eu une part de répercussion, cela n’est pas suffisant pour expliquer la situation à la Laurentienne.
En analysant les données de la période de 2010 à 2020, l’audit en conclut que celles-ci étaient liées à « un maintien de dépenses en immobilisations peu réfléchies ».
On y apprend notamment que l’établissement aurait « entrepris des projets d’expansion sans mettre en place des procédures exigeant que les cadres supérieurs effectuent une évaluation raisonnable de la valeur et de la viabilité des plans ou qu’ils tiennent pleinement compte des risques associés à une croissance ».
Une mauvaise gestion financière est aussi invoquée dans cet audit, notamment une utilisation détournée de fonds destinés à d’autres fins tels que ceux à destination des projets de recherches et de prestation de santé des employés. Un manque d’organisation était aussi constatable dans les hautes sphères de l’Université, dont la haute direction qui n’a pas su mettre un plan à long terme afin d’éviter la croissance rapide de la dette de l’Université.
Une hausse des coûts liée à la haute direction est aussi à blâmer, dont une augmentation d’environ 75 % de la période de 2010 à 2020 et qui ont atteint un sommet en 2018 à plus de 4 millions de dollars par année. Des travaux essentiels de modernisation des infrastructures ont dû, notamment, être reportés et furent estimé à 135 millions de dollars les réparations en décembre 2020.
Tout comme dans le rapport Burke, cet audit a aussi permis de relever des failles en matière de gouvernance, mais aussi dans le rôle qu’a joué le ministère dans la crise. D’une part, une faible surveillance exercée par le Conseil de la Laurentienne, un manque d’expertise et de transparence témoignent d’une mauvaise gestion au sein de l’Université.
D’autre part, le ministère ne serait pas « intervenu de façon proactive en temps opportun pour conseiller la Laurentienne afin de l’aider à ralentir sa détérioration financière qui s’aggrave, voire à intervenir à cet égard ».
« L’administration a menti au syndicat » réagit un professeur
Le dévoilement de ce rapport préliminaire est vu comme un véritable soulagement pour le professeur de gestion Jean-Charles Cachon, qui a perdu son emploi lors de la compression des programmes, presque une année plus tôt.
Si ce rapport confirme bien ce qu’il pensait : il n’y a maintenant aucun doute sur le fait que l’Université Laurentienne a manqué de transparence. « Ça démontre bien que l’administration de l’université a menti aux syndicats, notamment celui des professeurs, et au monde entier en faisant croire qu’elle n’était pas responsable de la crise, alors que c’est totalement le contraire. »
Il reproche à l’Université d’avoir mis le blâme sur les coûts liés aux professeurs alors que ce rapport reconnaît plutôt que ce sont ceux reliés à l’administration qui étaient en cause.
L’Université Laurentienne a, pour sa part, transmis une communication de la part du président intérimaire du Conseil des gouverneurs, Jeff Bangs, dans laquelle celui dit « accepter volontiers le document et les conseils qu’il offre ».
« Nous savons que notre rétablissement sera dû à des changements essentiels » – Jeff Bangs
Le Conseil dit aussi avoir mis sur pied des réformes et initiatives au courant des derniers mois, mais que les conclusions de cet audit serviront à « effectuer le changement transformationnel que notre communauté mérite, y compris les modifications importantes aux processus et politiques qui guideront l’Université à l’avenir ».
On apprend également que l’établissement « communiquera des renseignements sur les mesures supplémentaires qu’elle prendra à la suite des conclusions ».
Cet article a été mis à jour le mercredi 13 avril à 17h.