Droits des femmes au Canada : des reculs et quelques avancées
Au Canada, bien que l’égalité soit en principe accordée aux femmes, les progrès réalisés ces dernières années semblent limitée, voire stagnants. Le gouvernement fédéral investit dans la santé reproductive des femmes, la lutte contre la violence faite aux femmes et les droits des femmes autochtones, mais le Canada semble perdre du terrain dans certains domaines clés.
Il existe une myriade d’injustices et de violences subies par les femmes au Canada, telles que les violences à caractère sexuel, la violence en milieu de travail et la culture du viol. Les cas de féminicides sont en augmentation, selon l’Observatoire canadien du féminicide pour la justice et la responsabilisation. En 2023, 191 féminicides ont été recensés, contre 184 en 2022 et 173 en 2021.
En entrevue avec ONFR, la sénatrice Lucie Moncion fait remarquer : « Au Canada, une femme qui vit de la violence conjugale doit quitter son foyer pour se protéger. En Espagne, c’est le mari qui quitte. »
La question des filles et des femmes autochtones disparues ou assassinées demeure préoccupante. Entre 2009 et 2021, le taux d’homicides contre les femmes et les filles des Premières Nations, métisses et inuites était six fois plus élevé que chez les femmes allochtones, selon Statistique Canada.
Il y a aussi la question de la pauvreté et de l’écart salarial. En 2021, une femme gagnait en moyenne 89 cents pour chaque dollar gagné par un homme.
L’augmentation du stress économique et des violences fondées sur le genre font partie des impacts observés suite aux mesures d’isolement imposées pendant la COVID-19. En Ontario, 90 municipalités auraient déclaré une épidémie de violences faites aux femmes.
Les services de garde et l’accès des femmes au marché du travail font également partie des préoccupations. Sylvie Gravel, superviseure à la Maison Interlude, une agence multiservices pour les femmes victimes de violence conjugale dans l’Est ontarien, affirme que « malgré la forte réduction du prix dans les garderies, il n’y a toujours pas de place dans les garderies francophones ».
Lucie Moncion estime tout de même que les nouvelles décisions concernant les services de garde constituent une avancée. « L’une des choses les plus importantes pour le droit des femmes, ça a été les garderies plus accessibles et tout le programme qui a été mis en place par le gouvernement fédéral pour justement augmenter la productivité canadienne, et permettre aux femmes de pouvoir se retrouver sur le marché du travail. »
Les progrès des dernières années
Le budget fédéral 2022 a prévu un investissement de 539,3 millions de dollars sur cinq ans pour aider les provinces et les territoires à mettre en œuvre un plan d’action national pour prévenir et contrer la violence faite aux femmes. En janvier dernier, le gouvernement avait aussi annoncé qu’il verserait jusqu’à 19 millions de dollars à 34 organismes de l’Ontario, dans le même objectif.
La représentante de la Maison Interlude se réjouit qu’il y ait plus d’investissements en faveur des survivantes, mais nuance : « Cela n’est tout de même pas suffisant pour couvrir certains services, notamment dans les régions rurales. »
Soukaina Boutiyeb, directrice générale de l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne, abonde dans le même sens. « Quand une femme vit des situations de violence familiale ou conjugale, et qu’elle n’a nulle part où aller, car il n’y a pas de place dans les maisons d’hébergement, et qu’il n’y a même pas de logements abordables, c’est qu’il y a un gros problème de services. Et là, on ne parle même pas de la question de prévention et de sensibilisation. »
La santé des femmes : de grandes inégalités
En 2023, la Colombie-Britannique est devenue la seule province à offrir une couverture gratuite et complète de la contraception. Depuis janvier, elle est aussi la première à utiliser un programme d’autodépistage du papillomavirus humain (VPH) comme méthode de dépistage primaire du cancer du col de l’utérus. L’autotest, inclus dans une trousse distribuée par le gouvernement, est livré par voie postale.
Les autres provinces et territoires étudient la possibilité d’y avoir recours, notamment à l’Île-du-Prince-Édouard et au Québec. « C’est une bonne chose, croit Lucie Moncion. À cause des problèmes du système de santé, il n’y a pas suffisamment de médecins pour faire ces tests. »
Alors que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a annoncé la fin de l’urgence sanitaire mondiale en mai 2023, les effets de la pandémie sur la santé et le bien-être des femmes restent largement sous-documentés. On sait tout de même qu’elles ont moins eu accès à des médecins de famille pour la contraception, aux accompagnantes à la naissance ou encore à l’avortement.
D’autre part, au Nouveau-Brunswick, la seule clinique offrant des avortements chirurgicaux en dehors des hôpitaux a officiellement fermé ses portes en janvier 2024. Cette clinique fournissait des avortements à celles qui n’ont pas de carte de santé, comme les nouvelles arrivantes ou les sans-abri.
À ces difficultés s’ajoutent l’intersectionnalité, qui est un facteur aggravant dans l’accès à des soins de santé pour les femmes en milieux ruraux, les femmes francophones, handicapées, racialisées ou issues des Premières Nations, ainsi que les membres de la communauté LGBTQ+.
Inégalités systémiques à l’emploi
Parmi les domaines économiques les plus touchés par la pandémie, on compte l’hébergement, la restauration, la vente et les services. Les femmes sont présentes en grand nombre dans ces secteurs, tout comme dans certains métiers « au front » comme les infirmières ou les préposées aux bénéficiaires.
Autre inégalité, une étude du Journal canadien de chirurgie dévoilait en 2023 qu’au Canada, les chirurgiens seraient remboursés à des taux nettement inférieurs (26,7 %) pour les interventions effectuées sur des patientes que pour des interventions similaires réalisées sur des patients.
Une étude ontarienne sur le remboursement des médecins aurait aussi montré que les chirurgiennes seraient remboursées 24 % de moins que les chirurgiens masculins, au sein de la même discipline.
Mais d’autres avancées ont eu lieu ces dernières années, estime Lucie Moncion : « Il y a maintenant 50 % de femmes médecins au pays et les médecins spécialisées femmes ont atteint 40,2 %. »
Où se situe le Canada dans le monde?
Il existe plusieurs organismes internationaux qui effectuent des analyses sur la condition des femmes.
- En 2023, le rapport Les Femmes, l’Entreprise et le Droit de la Banque mondiale révélait que sur 190 économies analysées, 14 ont atteint la parité juridique. Le Canada en fait partie. Par contre, aucun pays au monde ne garantit l’égalité des chances pour les femmes, selon le même rapport.
- Le Canada se classe 30ᵉ sur 146 pays au classement de l’Indice mondial de l’écart entre les genres du Forum économique mondial, en 2023. La Colombie-Britannique, le Québec et l’Ontario sont les provinces les mieux classées à l’échelle du pays.
- Une étude de 2022, réalisée par l’entreprise spécialisée Hologic, classe le Canada 43ᵉ sur 116 pays et territoires en matière de santé des femmes.