Hôtel Beyrouth, une comédie familiale qui tombe à point
La nouvelle série Hôtel Beyrouth, présentée sur les ondes de TFO et la plateforme tfo.org tous les jeudis, raconte avec légèreté le parcours d’immigration d’une famille libanaise qui fuit la guerre civile, en 1989. La série aborde une histoire à la fois personnelle et universelle et se regarde bien en famille, parents et enfants pouvant s’y reconnaître.
La série s’ouvre dans la voiture de la famille Haddad, qui s’apprête à passer la frontière entre les États-Unis et le Canada. Remplis d’appréhension, les deux parents et deux enfants se retrouveront finalement devant un douanier compréhensif qui les laissera passer sans trop de soucis.
Cette anecdote est réellement arrivée à la famille de Patrick Saad, artiste multidisciplinaire dont l’histoire personnelle a inspiré la série, réalisée par les Franco-Ontariennes Josiane Blanc et Ania Jamila, une coproduction des Productions Sahkosh et Ocho.
« Ça s’est vraiment passé presque comme ça. Il y avait cette peur d’entrer, de se faire poser des questions. (…) puis, ça a super bien été », explique Patrick Saad au micro d’ONFR.
« Il y avait cette espèce de flexibilité. Lorsque les gens passaient la douane, on les laissait passer, sachant toutes les horreurs et que beaucoup de communautés fuyaient la guerre, » renchérit Josiane Blanc.
En se remémorant cette histoire et d’autres anecdotes avec son frère et sa sœur (la famille comptait trois enfants dans la réalité), Patrick Saad s’est rendu compte que ses cousins, amis et d’autres familles d’immigrants en avait vécu des semblables.
C’est aussi ce qui a interpellé Josiane Blanc. Elle aimait ce mélange de comique et de tragique qui montre une certaine expérience commune. « Étant d’origine haïtienne, mes parents ont aussi vécu l’immigration au Canada. Dans les éléments que Patrick nous a partagés, j’en retrouvais beaucoup qui me faisaient penser à ma propre famille. On s’est rendu compte (…) qu’il y a un aspect universel. »
Elle cite notamment les communications difficiles avec les proches ou les défis de devoir trouver du travail, dans une société qui, souvent, ne reconnaît pas les diplômes des pays d’origine, comme c’est le cas pour Samir (Chadi Alhelou), le père de famille dans la série Hôtel Beyrouth.
« On n’avait pas de séries francophones qui mettaient de l’avant une famille libanaise. Qu’on soit en 2024 pour en avoir une première, je suis contente de participer à ça, mais je trouve ça aussi fou que ça ait pris autant de temps », affirme la réalisatrice.
L’équipe des Productions Sahkosh est derrière l’idée de camper l’histoire à Ottawa et de faire de la famille Haddad une famille franco-ontarienne. « Il y a une grande communauté libanaise dans la région d’Ottawa. On trouvait intéressant de mettre de l’avant cet aspect-là, qu’il y a une communauté libanaise, et aussi qu’il y a une communauté francophone en Ontario, » relate Josiane Blanc. Patrick Saad rappelle que 40 % de la population canado-libanaise se trouve en Ontario, contre 35 % au Québec.
Toujours d’actualité
Hôtel Beyrouth tombe à point, alors que la guerre est de retour au Liban et que le gouvernement canadien vient d’annoncer des changements importants dans sa politique d’immigration.
« Je pense que des séries comme Hôtel Beyrouth, ça permet de donner un visage et une humanité aux gens qui fuient la guerre. (Dans les médias), on va parler des bombardements, des conflits, mais d’avoir une famille dans une série qui nous fait à la fois pleurer et rire, qui nous montre que ces gens sont humains et qu’ils nous ressemblent, c’est important quand cette réalité-là semble éloignée », avance Josiane Blanc.
« Presque tout le monde connaît un Libanais », ajoute Patrick Saad, qui avoue qu’il aimerait qu’Hôtel Beyrouth permette « de rouvrir cette discussion, comment c’est bien d’avoir ces portes (ouvertes à l’immigration), car il y a ces belles histoires qui doivent être racontées. Je pense que ça va faire du bien. »
« On voulait mettre en lumière la solidarité qu’on retrouve au sein de la communauté (et des immigrants en général) », raconte l’artiste derrière l’idée originale. À ce propos, le propriétaire de dépanneur, M. Nguyen (Khai Tri), qu’on rencontre dans le deuxième épisode, jouera un rôle important dans la trajectoire de Samir.
« Du début à la fin, c’est vraiment la question de comment on s’installe dans une nouvelle ville, comment on se reconstruit à travers le temps quand on a laissé derrière énormément de choses, pas parce qu’on le voulait, mais parce qu’on n’a pas eu le choix », raconte Josiane Blanc.
Malgré tout, Hôtel Beyrouth est une série légère, qui s’écoute bien en famille, alors que l’histoire couvre les enjeux de plus d’une génération. Elle peut aussi susciter des discussions dans les foyers, et même les familles qui ne sont pas issues de l’immigration pourront parfois se reconnaître.
« On ne veut pas non plus tomber dans le cliché des victimes de guerre. On sent que les enfants vivent un choc culturel, un changement, mais on ne voulait pas aller trop là-dedans », explique Patrick Saad.
Les enfants à l’honneur
Au cœur de la série, on retrouve l’adaptation des enfants, qui doivent s’intégrer à une toute nouvelle école avec des codes sociaux bien loin de ce qu’ils ont connu auparavant, tout en vivant eux aussi avec les souvenirs de la guerre.
Ils doivent composer avec le désir d’indépendance propre à l’adolescence, dans un foyer qui deviendra une porte tournante pour les membres de la famille qui débarquent graduellement au Canada.
Au ton léger de la série s’ajoutent donc quelques moments touchants, comme lorsque les enfants Fady (Elias Leo Asmar), Zeina (Jory Eldred) et leur cousin Christian (Elie Ibrahim) se demandent combien de temps ils vont rester au Canada, lors du premier épisode. Quand Zeina raconte que sa mère dit qu’ils retourneront au Liban quand la situation se sera calmée, Christian répond : « On m’a dit la même chose, mais ça fait trois ans, et on est encore là. »
C’était tout un défi pour la production de recruter ces jeunes comédiens, qui devaient entre autres parler arabe et ne pas avoir d’accent québécois en français. Dans le cas de Zeina, la comédienne devait aussi savoir chanter.
Jory Eldred n’avait pas fait partie de la première ronde d’auditions, mais l’équipe s’est rappelée de cette jeune femme qui avait auditionné pour un tout autre projet l’année précédente. « On est retournés voir dans nos vidéos de casting et on l’a retrouvée », explique Josiane Blanc.
Dans le cas d’Elias Leo Asmar, le hasard a bien fait les choses. Sa mère avait auditionné pour le rôle de Nour, la mère de famille finalement jouée par Christina Tannous. En voyant qu’ils cherchaient un jeune garçon, elle a tout de suite proposé son fils. « Le lendemain, elle l’a emmené en audition. On auditionnait à la fois pour le rôle de Fady et le rôle de Christian. Elias avait appris les deux rôles par cœur (en moins de 24 h.) Dès qu’on l’a vu, on savait que c’était lui. Il crève l’écran. Il a un jeu tellement naturel. »
Hôtel Beyrouth fait partie de la sélection officielle du festival de films francophones Cinémania de Montréal. Les trois premiers épisodes y seront présentés le 8 novembre. Pour l’occasion, Patrick Saad se retient de les regarder. Il veut vivre le moment du dévoilement en direct avec ses proches, ceux-là mêmes qui ont inspiré la série. « Ça va être le fun de faire une réunion de famille des deux côtés, la famille de la production et la vraie famille. »
L’artiste multidisciplinaire n’a pas peur de voir le résultat final. « Je connais le travail de Josiane et Ania. Je sais que je vais aimer. J’ai vu les cinq premières minutes et j’ai adoré. J’ai lu les scénarios, je sais à quoi m’attendre. » De son côté, Josiane Blanc reconnaît qu’il y a un stress. « Est-ce qu’ils vont aimer ça? Est-ce qu’ils vont trouver ça authentique? On attend avec impatience le retour de la famille et de la communauté libanaise. On espère qu’ils vont se retrouver à travers les personnages. »
Une projection spéciale du premier épisode est également prévue à Ottawa le 4 novembre, dans le cadre de la semaine nationale de l’immigration francophone. L’événement de TFO et du Réseau de soutien à l’immigration francophone de l’Est de l’Ontario aura lieu dès 18 h au campus Lees de l’Université d’Ottawa, en compagnie de Josiane Blanc, Ania Jamila et Patrick Saad.
Le premier épisode d’Hôtel Beyrouth est disponible en rattrapage sur tfo.org. Les sept autres seront diffusés à la télé et mis en ligne tous les jeudis à 20 h.