
Moonbeam dit non au glyphosate sur son territoire

MOONBEAM – Lors de sa séance ordinaire jeudi soir, le conseil municipal de Moonbeam a adopté une motion visant à demander l’arrêt de l’épandage aérien de glyphosate sur son territoire. La municipalité exprime aussi son soutien à une initiative visant à s’opposer aux pouvoirs dits « maires forts » accordés par la province.
La motion a été adoptée rapidement et sans débat, avec le soutien de trois membres du conseil sur cinq, soit le minimum requis pour son adoption, et ce malgré l’absence d’une conseillère. Avec ce vote, la petite municipalité du nord-est de l’Ontario devient l’une des premières en Ontario à s’opposer publiquement à l’épandage aérien de glyphosate sur son territoire.
À l’origine de cette initiative, le maire Luc Léonard évoque un lien personnel entre les pesticides et des problèmes de santé dans sa famille.
« Ma femme a été sévèrement intolérante au lactose, un phénomène possiblement lié aux produits chimiques comme le glyphosate qui détruisent les enzymes nécessaires à la digestion », explique-t-il.
Le glyphosate est un herbicide inventé et commercialisé à partir des années 1970. Malgré son classement comme cancérogène probable, les épandages continuent afin de favoriser la monoculture des résineux, au détriment de la végétation feuillue, selon l’élu franco-ontarien.
De manière générale, le ministère des Richesses naturelles et des Forêts octroie des permis à des entreprises privées pour que celles-ci puissent utiliser l’herbicide sur les terres provinciales, une pratique effectuée dans l’industrie forestière.

« En tuant toute la végétation, les abeilles n’ont plus rien à polliniser. À un moment donné, il faut arrêter de s’empoisonner », dénonce le maire de cette ville dont 71 % des quelque 1150 habitants ont le français comme première langue officielle parlée.
Le 17 juillet dernier, la Ville avait reçu une lettre officielle annonçant la reprise des épandages dans la forêt Gordon Cosson, sur les terres de la Couronne.
« Cette année, et maintenant que je suis maire, j’ai officiellement posé la question : pourquoi continue-t-on à empoisonner nos ruisseaux et nos sols? », confie celui qui a accédé à la mairie le 3 octobre 2024 après le départ surprise de l’ex-maire Éric Côté.
Un soutien nécessaires des autres municipalités
Pour qu’elle ait un impact concret, la motion doit recueillir le soutien d’au moins 223 des 444 municipalités de l’Ontario. Une telle mobilisation exercerait une pression politique significative sur le ministère des Richesses naturelles et des Forêts ainsi que sur le gouvernement provincial, selon la Ville.
Résidente de Moonbeam et membre du groupe Stop the Spray Ontario, Jennifer Lynn Cutting alerte aussi sur les effets néfastes du glyphosate.

« C’est un possible cancérogène qui tue la biodiversité, cause l’érosion des sols, et nuit à la faune et à la flore », explique-t-elle en soulignant, aussi, l’impact sur les activités traditionnelles des Premières Nations, la chasse et la pêche.
La jeune femme rapporte des incidents sur sa propriété, notamment des difficultés respiratoires chez ses poules après un épandage proche de chez elle.
Elle décrit la forêt comme devenue silencieuse, signe d’une faune perturbée ou disparue. « Où vont les animaux quand leur nourriture disparaît? », s’interroge-t-elle en entrevue.

Une mobilisation en marche
Stop the Spray Ontario, fondé en 2021, organise des événements et diffuse de l’information pour faire cesser ces pratiques dans la province.
Par ailleurs, Greenpeace Canada a lancé une pétition demandant l’interdiction de l’épandage aérien de glyphosate en Ontario, rappelant que cette pratique est interdite au Québec depuis 2021.
Pour le moment, 33 703 personnes ont signé la pétition, il en manque 6297 pour atteindre l’objectif établi de 40 000.
La direction des Premières Nations de l’Ontario réclame l’abolition des herbicides à base de glyphosate sur leurs territoires traditionnels, dénonçant un usage jugé disproportionné dans le Nord de la province. Une résolution a été adoptée en ce sens au sein de l’Assemblée des chefs de l’Ontario le 31 juillet dernier, tandis que la Première Nation Serpent River a également tenu une réunion d’urgence jeudi soir pour discuter de cette question.
Jennifer Lynn Cutting espère que ce mouvement portera ses fruits : « Il s’agit de protéger la santé et l’environnement pour les générations futures. »
Le maire Luc Léonard conclut : « Si la prospérité exige qu’on s’empoisonne, alors la science nous a trahis. »

ONFR a tenté de joindre le ministère des Richesses naturelles et des Forêts (MRNF) pour obtenir une réaction, mais sans succès au moment de la publication.
Pas plus de pouvoirs pour le maire
Jeudi soir, le conseil municipal de Moonbeam a également adopté une résolution exprimant son opposition aux pouvoirs élargis récemment conférés aux maires par le gouvernement de l’Ontario.
Selon les élus, ces nouvelles prérogatives, qui permettent notamment aux maires de prendre des décisions unilatérales en matière de budget, de planification stratégique et de nomination de cadres, compromettent les principes démocratiques fondamentaux et affaiblissent le rôle des conseillers municipaux.
Le conseil a réaffirmé l’importance d’une gouvernance municipale collaborative, où le pouvoir est partagé entre le maire et le conseil élu, rappelant que la ville du Nord « a depuis longtemps une tradition de gouvernance collaborative et transparente ».
La résolution demande également au gouvernement de l’Ontario de rétablir l’autorité pleine et entière des conseils municipaux et d’engager un dialogue avec les municipalités avant d’entreprendre toute réforme future en matière de gouvernance.
Une contestation légale envisagée
Cette décision s’inscrit dans un mouvement plus large de contestation regroupant plusieurs municipalités de la province qui réclament l’abolition ou le retrait volontaire de ces pouvoirs.
Plus de 126 municipalités ont déjà exprimé leur opposition, et ce nombre pourrait dépasser 200 avec l’élargissement attendu de ce cadre législatif à l’automne 2025. Plusieurs municipalités, dont Seguin, Parry Sound et Fort Frances, ont publiquement rejeté l’instauration des pouvoirs élargis des « maires forts ».
Le groupe Coalition Ontarienne pour l’Intégrité des Élues et Élus (acronyme VOICE en anglais), invite d’ailleurs les municipalités ontariennes à discuter de la possibilité d’un recours judiciaire collectif pour contester les pouvoirs élargis des maires, si les négociations avec la province échouent.