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À Windsor, un monument à l’image des francophones « du Détroit »

L'oeuvre inaugurée en présence d'Andrew Dowie, député de Windsor-Tecumseh (au centre), et Gisèle Dionne, directrice générale de l'ACFO WECK (à droite). Photo : gracieuseté ACFO WECK

WINDSOR – Érigé au bord de la rivière Détroit depuis quelques jours, un canot vert et blanc, œuvre de l’artiste local Danny Maltais, symbolise l’histoire et la résilience des francophones durant plus de trois siècles dans la région.

Plantée à la verticale tel un totem, la coque métallique tressée d’un canot peint de vert et de blanc semble tout droit sortie de terre. Elle rappelle comment l’explorateur français Antoine de Lamothe-Cadillac s’est aventuré ici depuis Montréal, par la rivière à la tête d’une flottille de 25 canots.

Cet écho au passé, cet hommage aux pionniers, s’inscrit dans la continuité d’un précédent monument inauguré en 2001 pour le tricentenaire de la présence francophone, place Concorde, près du Collège Boréal. Usé par le temps et impossible de déplacer, la solution la plus simple était de démolir ce dernier pour en faire un nouveau, sur un site plus distinctif.

« J’avais pour mission de repenser ce canot. Le planter dans le sol était ma façon d’évoquer les racines francophones ancrées de Windsor. Je voulais aussi que ce soit interprété comme une maison, un toit, un endroit où vivre », aime à comparer Danny Maltais. L’artiste originaire du Saguenay-Lac-Saint-Jean et résidant à Windsor depuis huit ans, a passé plusieurs mois à façonner cette sculpture.

M. Maltais salue le site retenu pour exposer sa création qu’il décrit comme « l’endroit parfait » où Lamothe-Cadillac a probablement débarqué 324 ans plus tôt dans ce qu’on appelle aujourd’hui le quartier Sandwich.

Danny Maltais, le créateur du monument. Photo : gracieuseté ACFO WECK

Au 17e siècle, les premiers explorateurs Jolliet puis Cavelier de LaSalle ont emprunté la rivière qui le longe avant de s’enfoncer vers un monde encore largement inconnu des Occidentaux, se frayant un passage par les Grands Lacs et le Mississippi vers ce qui deviendrait la Louisiane.

C’est en ce point stratégique pour le contrôle du commerce de fourrure, sur la rive nord (actuel Michigan), en 1701, que fut fondée la première colonie française sous la protection du fort Pontchartrain (aujourd’hui la ville de Détroit), sur une terre autochtone convoitée aussi par les Anglais.

Au cours du 18e siècle, la colonie s’est développée sur la rive sud (actuelle région de Windsor) près de la Pointe de Montréal, à quelques pas de là, où se dresse l’église Notre-Dame de l’Assomption (1767).

Ce fait historique allait constituer le point de départ de l’identité francophone du Sud-Ouest de l’Ontario, le détroit restant français jusqu’à la Guerre de 100 ans et la conquête anglaise, puis connaissant plusieurs vagues de repeuplement francophone, notamment aux 19e et 20e siècles dans les comtés d’Essex, Kent, Belle-Rivière, Sainte-Claire, Saint-Joachim, Pain Court, Pointe-aux-Roches…

Une fierté dans la région

« Depuis les débuts de leur établissement sur ce territoire, les francophones ont fait preuve d’un courage remarquable », souligne Yamine Joheir, directrice générale du Centre communautaire francophone de Windsor-Essex-Kent (CCFWEK).

« Portés par une volonté de bâtir un avenir meilleur, ils ont fondé des écoles, mis sur pied des institutions et créé des communautés dynamiques. Grâce à leur persévérance, le français continue aujourd’hui de résonner fièrement à Windsor et contribue à la richesse culturelle de notre région. Ce monument est le reflet de cet héritage. »

De gauche à droite : Yamine Joheir, directrice générale du CCFWEK, André Nsengiyumva, coordinateur de programme à l’ACFO WECK et Emmanuelle Richez, vice-présidente du Conseil scolaire Viamonde. Photos : gracieuseté

André Nsengiyumva, coordinateur de programme à l’Association des communautés francophones de l’Ontario Windsor-Essex-Chatham-Kent (ACFO WECK), salue quant à lui « un grand aboutissement » sur un « site extraordinaire » trouvé avec l’aide du Port de Windsor.

« Ce n’est pas juste un monument pour honorer le passé. On se projette dans l’avenir en imaginant tout autour une présence continue, des touristes et des projets », escompte-t-il, ajoutant qu’à proximité un drapeau franco-ontarien vient d’être installé et une plaque, contenant un code QR, renvoie à l’histoire de la francophonie de Windsor.

« Un témoin du passé, mais aussi un phare pour les générations futures »
— Drew Dilkens, maire de Windsor

« L’inauguration de ce monument est un vibrant hommage à plus de 300 ans de présence, de persévérance et de contribution francophones à Windsor-Essex », considère pour sa part le maire de Windsor, Drew Dilkens.

« En hommage aux premiers colons francophones de Sandwich Ouest et avec des racines historiques profondes remontant à l’arrivée d’Antoine de Lamothe-Cadillac en canot, cette sculpture est non seulement un témoin du passé, mais aussi un phare pour les générations futures », dit-il.

Le crieur public Daniel Richer au moment de l’inauguration à Queens Dock, le 21 mars dernier. Photo : gracieuseté ACFO WECK

La vice-présidente du Conseil scolaire Viamonde, Emmanuelle Richez, est quant à elle certaine que ce monument – financé par l’Autorité du pont Windsor-Détroit chargé de la construction du pont Gordie-Howe – exacerbera la fierté des jeunes de la région. « C’est un repère culturel, renforçant leur sentiment d’appartenance à la communauté francophone malgré l’environnement majoritairement anglophone. »

Celle qui est aussi professeure à l’Université de Windsor espère qu’en s’asseyant sur un banc du parc pour contempler cette œuvre, « les gens réaliseront à quel point la francophonie est bien ancrée ici et s’imagineront à quoi ressemblait un tel endroit il y a 300 ans. »