Affaire Brown : les progressistes-conservateurs peuvent-ils s’en relever?
TORONTO – À seulement quelques mois des élections provinciales, trois politologues interrogés par #ONfr évaluent l’impact sur le Parti progressiste-conservateur (Parti PC) de l’Ontario de la démission de Patrick Brown et des allégations sérieuses qui pèsent à son encontre.
BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet
« Nous n’avons pas perdu l’élection », a martelé la chef adjointe du Parti PC, Sylvia Jones, le jeudi 25 janvier.
De fait, les élections provinciales n’ont lieu que le 7 juin prochain. Et le parti trônait encore récemment en tête des sondages.
« Ça va être un poids difficile à porter », estime toutefois Laure Paquette, professeure au département de sciences politiques à l’Université Lakehead à Thunder Bay. « C’est la raison pour laquelle je pense que le parti va vouloir se débarrasser de M. Brown au plus vite. »
Pour autant, Geneviève Tellier, politologue à l’Université d’Ottawa, pense que le Parti PC a encore ses chances.
« Cette histoire ne remet pas en cause la plateforme du parti. De plus, les progressistes-conservateurs ont bien fait les choses en agissant rapidement. »
Le politologue à l’Université McMaster, Peter Graefe, se montre prudent.
« Tout va dépendre de la suite des choses. Si on apprend que le parti savait, mais qu’il n’a rien fait, ça aura forcément des conséquences. »
Nouveau souffle
Les chances du Parti PC résident toutefois dans l’usure du pouvoir qui touche les libéraux, selon Mme Paquette.
« Ça fait plusieurs temps que les libéraux manquent de jus et Mme Wynne n’est pas très forte en campagne. Peut-être vont-ils trouver un chef plus performant que M. Brown? »
Changer de personne pour mener la campagne électorale pourrait donc être un atout, suggère M. Graefe, qui rappelle tout de même que M. Brown a réussi à augmenter le nombre de membres, dont plusieurs venus des communautés issues de l’immigration et des zones urbaines.
« La personne choisie vivra sa lune de miel politique pendant les élections, ce qui peut être une chance. »
Cette affaire pourrait même convaincre les nombreux mouvements au sein du parti de faire front commun, dit Mme Tellier, d’autant que l’échéancier est serré.
Qui choisir?
La capacité du Parti PC à se relever dépendra de la personne choisie. Les progressistes-conservateurs devraient décider, ce vendredi, s’ils tiennent une nouvelle course à la chefferie ou s’ils nomment directement un chef intérimaire.
« Les deux options sont possibles », pense M. Graefe. « Si le parti nomme un chef intérimaire et que celui-ci gagne les élections, il sera sans doute confirmé ensuite par les membres du parti. Mais une course à la chefferie de quelques semaines serait envisageable. »
Le député Victor Fedeli a été le premier à annoncer sa candidature. D’autres noms circulent, dont celui de l’ancienne députée Christine Elliott, de la fille de l’ancien premier ministre canadien Brian Mulroney, Caroline Mulroney ou encore, de la députée de Nepean-Carleton, Lisa MacLeod.
Pour Mme Paquette, Mme Elliott serait l’opposante la plus efficace à Mme Wynne, même si ses deux défaites à la chefferie en 2009 et en 2015 pourraient la faire hésiter.
En revanche, la candidature de Mme Mulroney laisse Mme Tellier dubitative.
« En période de crise, le parti a sans doute besoin d’une personne plus expérimentée. M. Fedeli incarnerait une certaine continuité. »
Une continuité qui pourrait lui être problématique, car la vision de M. Fedeli est proche de celle de Tim Hudak, note M. Graefe, qui se dit également peu convaincu par les rumeurs John Baird et Lisa Raitt.
« Ils ont été ministres sous le gouvernement Harper et donc, je doute qu’ils se sentent à l’aise d’appuyer une plateforme plutôt centriste qui propose notamment l’instauration d’une taxe carbone et d’augmenter les places et le financement des garderies. »
Les francophones oubliés?
Selon les dires de Mme Jones, le Parti PC fera campagne avec la même plateforme que celle dévoilée par M. Brown en novembre. Une plateforme dans laquelle se trouvaient quelques mentions pour les francophones.
Sous la direction de M. Brown, un chef capable de s’exprimer en français, le Parti PC avait opéré un rapprochement avec la communauté franco-ontarienne.
« Il n’est pas dit que la personne qui le remplacera aura la même sensibilité. Je ne crois pas que ça va être la priorité du parti qui a des choses plus pressantes à régler », analyse Mme Tellier.
Prudence nécessaire
Les malheurs du Parti PC pourraient faire le bonheur des libéraux, juge Mme Paquette.
« Les appuis néo-démocrates ne devraient pas changer, mais du côté des libéraux, on pourrait chercher à exploiter soigneusement cette nouvelle, sans le faire de manière trop évidente. »
Mais ce changement soudain d’adversaire peut aussi avoir pour inconvénient pour le Parti libéral de l’obliger à réajuster sa stratégie, estiment les politologues interrogés par #ONfr.
Le monde politique visé
Ces derniers jugent que l’affaire Brown pourrait n’être qu’un début dans le monde politique canadien. Déjà, dans le même temps que le député ontarien, le chef du Parti progressiste-conservateur de Nouvelle-Écosse, Jamie Baillie, et le ministre fédéral des sports, Kent Hehr, ont dû eux aussi démissionner pour des allégations similaires.
« À mon sens, il doit y avoir des personnes à Queen’s Park qui doivent marcher avec les fesses serrées. » – Laure Paquette
« Ce genre de dénonciations n’existaient pas avant, ce qui ne veut pas dire que les problèmes n’étaient pas là. C’est un nouveau phénomène qui offre l’occasion aux partis politiques de réfléchir correctement et en profondeur à mettre en place des structures pour éviter ça. »
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