Alexis Maquin, un historien qui a la bougeotte
[LA RENCONTRE D’ONFR+]
TORONTO – Alexis Maquin, historien de formation, et, sans nul doute, amateur de géographie au vu d’un attrait pour l’international qui l’a toujours animé, a posé ses valises en Ontario pour la première fois il y a presque dix ans. Sa vocation d’entrepreneur et sa dextérité managériale le poussent à fonder deux entreprises, dont la plateforme canadienne Recrutetonfrancophone.com, et le conduisent récemment au Club canadien de Toronto, dont il deviendra officiellement le directeur général le 30 juin prochain.
« Qu’est-ce qui vous a amené au Canada et à Toronto spécifiquement?
La première fois que je suis venu au Canada, c’était en 2007 pour mon premier Master à Montréal, ville que j’ai adorée, alliant la culture européenne et nord-américaine. Après un départ pendant un an aux États-Unis, en 2014, j’ai finalement eu le déclic de m’installer à Toronto. Une ville qui demeure très anglophone et qui me dépaysait toujours, mais dans laquelle le fait d’être francophone fait une vraie différence sur le marché de l’emploi, et d’autant plus il y a dix ans de ça.
Parlez-nous de votre parcours et de vos spécialités…
Historien de passion, il se trouve que j’ai un Master en histoire sur l’immigration et sur les Premières Nations, avec un mémoire sur la question de l’histoire territoriale du Canada, dont les recherches ont été publiées.
J’ai également obtenu un Master en management international, combinant parfaitement mes compétences managériales et mon amour pour l’international, qui m’a permis de voyager encore plus par la suite par le biais d’échanges internationaux, notamment au Pérou, en Belgique et aux États-Unis. J’ai beaucoup travaillé dans la vente et dans le marketing, dont j’ai vraiment la fibre.
Vous êtes le fondateur d’une société en France ainsi que de Recrutetonfrancophone.com. Pouvez-vous raconter la genèse de ce projet?
J’ai en effet créé deux sociétés : Sydra intérim, fondée en France en 2020, une agence intérimaire spécialisée dans le recrutement d’agents de sécurité, que je gère depuis l’Ontario et la plateforme Recrutetonfrancophone.com. C’était au départ un médium de mise en relation entre les francophones et les entreprises anglophones qui cherchaient à recruter.
Je me suis rendu compte avec le temps qu’il me fallait la spécialiser. L’éducation étant un des domaines qui me passionnent en tant qu’historien, il m’a paru naturel de m’adresser plus particulièrement à des étudiants francophones qui souhaitent venir étudier au Canada, tout comme à des enseignants qui veulent y travailler.
Est-ce né du constat de la pénurie des francophones au Canada?
Sans faire une étude de marché trop poussée, n’ayant au moment de la création ni le temps et ni les ressources à y consacrer, j’ai en effet réalisé qu’il y avait une opportunité, un marché à combler dans ce domaine-là.
Quel est le principe de la plateforme?
Le Canada étant vaste, il s’agit de guider les étudiants dans leurs recherches et de les mettre en relation avec les bonnes entités, de les orienter dans les bons programmes et dans les provinces et villes en adéquation avec leurs envies, leurs personnalités, plutôt citadines ou en quête de nature, avec leur budget également. Ils peuvent donc faire des choix avisés via un agent qui les guide.
Par exemple Grace Eunice Koffi, la lauréate du prix Jeune entrepreneur RelèveON, initialement venue à Hearst en tant qu’étudiante, a pu vraiment réussir et ouvrir ces trois sociétés. Elle n’aurait peut-être pas autant réussi à Toronto, très saturé et concurrentiel. Cette répartition redynamise des communautés francophones en dehors des grandes métropoles, attire des personnes qui sont source de services et qui vont permettre de fructifier l’économie locale.
Dans quels secteurs et quelles provinces recrute-t-on le plus?
L’Ontario, qui est le poumon économique du pays, attire beaucoup, mais ça s’explique également du fait que, du point de vue francophone, les provinces les plus connues sont le Québec et l’Ontario. Si on évoque le Yukon, la Saskatchewan ou encore le Manitoba, ça ne parle pas à beaucoup de francophones. C’est dû en grande partie à cette méconnaissance géographique canadienne.
Qu’est-ce qui explique l’attrait des immigrants francophones en Ontario?
C’est pour beaucoup un changement total de vie qui les séduit. L’Ontario permet à ces francophones d’apprendre à parler anglais, mais tout en gardant leur identité francophone. De plus, comme je le disais plus tôt, par rapport à une province comme Québec, les francophones peuvent se différencier dans la province ontarienne. Le pouvoir d’attractivité est très fort pour le Canada qui incarne un rêve de bilinguisme, d’inclusion et de diversité.
Vous avez été choisi pour devenir le nouveau directeur général du Club canadien de Toronto. Comment est-ce que ça s’est fait?
Tout ça est en fait assez récent. J’ai rencontré Richard Kempler, l’actuel directeur général, il y a un an à l’occasion d’un sommet francophone à Québec. J’avais au départ dans l’idée de travailler pour une des universités francophones dans la continuité de mon parcours académique.
En parallèle, je suis devenu membre à part entière du Club canadien par mon entreprise et, en avril dernier, Richard m’a proposé de postuler pour le poste de directeur général. À la suite des entretiens, j’ai finalement obtenu le poste. Ce fut donc une surprise, pas du tout planifiée!
Quels sont vos attentes et projets pour le club?
Mon objectif personnel, tout comme celui du club, est de se développer encore davantage. Nous sommes très ancrés dans la communauté francophone, mais nous allons élargir nos cibles aux francophones qui ne nous connaissent pas, qui sont cachés dans la jungle anglophone et qui, jusque là, n’ont pas eu l’accès, ou l’envie ou même l’idée de penser qu’il y avait une entité francophone qui pouvait être source de réseaux, de collaboration et d’amitiés aussi. Ces personnes-là ont une vision différente qui ne peut qu’enrichir la communauté actuelle.
Notre deuxième cible sera les étudiants francophones qui ont du mal à accéder au marché du travail. On veut pouvoir les aider en les mettant en relation avec de futurs employeurs. La troisième sera les entrepreneurs francophones qui veulent se développer et la quatrième, les immigrants francophones à aider dans leur installation et intégration professionnelle. L’objectif du club est clair : fédérer, être la pierre angulaire du grand réseau francophone.
Comment qualifierais-tu la communauté francophone de Toronto?
C’est une francophonie qui est vivante, qui a envie de se développer et qui a plein d’amour à donner, si je puis dire. Mais être en milieu minoritaire la rend aussi fragile d’où le besoin d’entretenir sa flamme, pour rester sur cette métaphore. Elle ne disparaitra pas tant que les francophones continueront à être investis et à étendre la communauté. Le Club canadien va y contribuer à son échelle. »
LES DATES-CLÉS D’ALEXIS MAQUIN :
1984 : Naissance à Rochefort en France.
2005 : Premier départ seul à l’étranger à Belfast, un voyage initiatique.
2012 : Fin de ses études le menant la même année à voyager en Belgique, au Pérou et aux États-Unis.
2014 : Arrivée pour la première fois à Toronto et ce, pour une durée de trois ans.
2021 : Retour à Toronto pour y vivre avec son épouse, après une parenthèse de quatre ans en France.
Chaque fin de semaine, ONFR+ rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.