Analyse : le retour de la droite et de la gauche
ANALYSE
OTTAWA – Éclipsées depuis plus d’une génération par des questions constitutionnelles et d’unité nationale, les notions de droite et de gauche semblent avoir repris leur place dans le débat politique au Canada à l’approche des élections fédérales du 19 octobre.
FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdfault
Pour la première fois depuis les années 1980, une majorité d’électeurs au pays se rendront aux urnes pour choisir un gouvernement qui leur promet de bien gérer leur économie ou d’amener le progrès social, plutôt qu’un gouvernement qui promet de garder la paix constitutionnelle ou de préserver l’intégrité du territoire.
Ce retour du balancier est en partie l’œuvre de Stephen Harper. Son gouvernement conservateur a su relever des catacombes une droite morcelée par des années de tensions constitutionnelles. Et le premier ministre lui-même a su, comme bien peu d’hommes politiques, gouverner sans le Québec sans pour autant y attiser une grande ferveur indépendantiste.
La revalorisation du débat droite/gauche est aussi l’œuvre de Jack Layton et de son successeur Thomas Mulcair. C’est sous leur égide que le Nouveau Parti démocratique (NPD) s’est installé au Québec et qu’il y est demeuré fort depuis quatre ans. Le parti compte parmi ses adhérents des fédéralistes et des nationalistes. Mais ils sont, pour la plupart, des gens de gauche d’abord et avant tout.
Deux visions opposées
Depuis 2011, MM. Harper et Mulcair ont offert aux Canadiens un débat sur deux façons diamétralement opposées de gouverner le pays. Et non un débat sur la meilleure façon d’éviter une nouvelle crise constitutionnelle ou de mettre sous l’éteignoir les pensées souverainistes dans la seule province à majorité francophone.
Le Canada n’est pas nécessairement tissé plus serré maintenant qu’il ne l’était en 1980. Mais les grandes questions d’unité nationale qui préoccupaient l’électorat à l’époque prennent aujourd’hui moins de place dans le discours politique.
Bien sûr, ces grandes questions constitutionnelles ne sont qu’en veilleuse. Et il faudra un jour les aborder de nouveau.
On l’a bien vu lors d’un premier débat des chefs fédéraux organisé par le magazine Maclean’s, le 6 août, lorsque le néo-démocrate Thomas Mulcair et le libéral Justin Trudeau se sont crêpés le chignon sur le résultat référendaire qu’il faudrait pour qu’Ottawa laisse le Québec quitter la Confédération. Le fait que cet échange ait eu lieu alors que l’agenda souverainiste n’a même pas le haut du pavé dans la « Belle province » montre que le débat constitutionnel demeure entier. Et ce n’est pas en l’ignorant qu’il va se régler.
Mais pour l’instant, les électeurs canadiens ont une rare occasion de débattre de la direction politique à donner à leur pays. À droite ou à gauche.