Angèle Brunelle, 40 ans de dévouement à la communauté francophone du Nord

Angèle Brunelle tire sa révérence après plus de 40 ans d'implication au sein de nombreux organismes franco-ontariens. Gracieuseté

[LA RENCONTRE D’ONFR+]

THUNDER BAY – L’Association des Francophones du nord-ouest de l’Ontario (AFNOO), l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), le Conseil consultatif des services de santé de français, l’Université de Médecine du Nord de l’Ontario (ex-EMNO), le Réseau du mieux-être francophone du Nord de l’Ontario, le centre Grandir en français : difficile de citer toutes les implications d’Angèle Brunelle en un paragraphe. La Kapuskoise d’origine, qui vient tout juste de prendre sa retraite après avoir œuvré 27 ans pour l’Accueil francophone de Thunder Bay, laisse une empreinte durable dans le milieu francophone du Nord-Ouest qu’elle a largement contribué à bâtir.

« Qu’est-ce qui vous a fait réaliser que c’est le bon moment pour partir à la retraite?

J’ai décidé de prendre ma retraite parce que j’ai maintenant 65 ans et que j’ai travaillé avec ténacité pendant plusieurs années. J’ai maintenant l’intention de profiter des années qui me restent pour faire ce qui me plait sans restriction de temps.

Êtes-vous sereine concernant la relève francophone de Thunder Bay?

Je suis très sereine en ce qui concerne la relève à l’Accueil francophone de Thunder Bay. Je suis convaincue que la nouvelle directrice générale possède les compétences et les qualités nécessaires pour bien réussir et assurer le succès de l’Accueil.

Claudette Gleeson, présidente de l’AFNOO, a tenu à rendre hommage à Angèle Brunelle au cours d’une célébration organisée pour souligner le départ à la retraite d’Angèle Brunelle en juin dernier. Crédit image : Rachida Sidibité

Qu’est-ce qui va le plus vous manquer?

Je vais surtout regretter les gens : mon équipe, mes collègues, nos clients. Je suis entourée de personnes dévouées qui œuvrent pour l’avancement des services en français et c’est ce qui va me manquer le plus.

Que comptez-vous faire durant votre retraite?

J’ai plusieurs projets en tête mais, principalement, j’aimerais apprendre l’espagnol. Je veux aussi voyager et découvrir de nouveaux endroits : j’ai quatre voyages de planifiés dans la prochaine année. Je veux aussi passer du bon temps avec ma famille et simplement profiter de la vie.

Est-ce vraiment la fin de vos implications bénévoles?

Non, ce n’est pas la fin de mes implications bénévoles. Je siège présentement à certains comités et CA (conseil d’administration) et je veux poursuivre mes engagements. Ensuite, on verra ce qui pique ma curiosité.

Vous avez une liste interminable de bénévolat et de rôles joués dans le communautaire, comment tout ça a-t-il a commencé?

J’ai toujours valorisé le français que je tenais pour acquis mais, lorsque j’ai déménagé à Thunder Bay, j’ai réalisé que vivre en français n’est pas une garantie. Je me suis impliquée lorsque mon enfant a commencé l’école française. À cette époque, il manquait de ressources et il n’y avait pas d’équipements de jeux dans la cour d’école alors j’ai joint l’API et nous avons fait des prélèvements de fonds pour améliorer la situation.

Je me suis rendu compte que si je voulais voir des changements durables dans l’amélioration des services en français, je devais m’impliquer et ce fut le début de plusieurs années d’engagement.

Angèle Brunelle fut une des récipiendaires de l’Ordre de l’Ontario, la plus haute distinction civile de la province en 2016 avec notamment l’avocat Ronald Caza ou encore Ethel Côté. Gracieuseté

Vous avez eu un rôle décisif dans la fusion des conseils scolaires et la création du Conseil scolaire de district catholique des Aurores boréales (CSDCAB). Comment avez-vous accueilli la nouvelle de la création de la première école publique de Thunder Bay?

Il y a deux écoles secondaires publiques dans notre région et s’il y a une demande pour une école élémentaire publique, c’est bien. Nous avons quatre systèmes scolaires en Ontario et ils ont tous le droit d’exister.

Et puis il y a eu la santé et votre impact indéniable à l’Accueil francophone de Thunder Bay, votre plus grande bataille. Pensez-vous que la situation a évolué positivement pour les soins de santé aux francophones?

Au cours des années, nous avons réussi certains gains, mais je pense que c’est une bataille qui se poursuit. À chaque changement de gouvernement ou de leadership au sein d’organisme, il faut reprendre et faire valoir nos droits et nos besoins. C’est un travail ardu, mais qui en vaut la peine.

Angèle Brunelle, alors administratrice à l’École de Médecine du Nord de l’Ontario, fut intronisée à la Compagnie des Cents-associés francophones en 2017, récompense accordée aux pionniers qui contribuent au développement de la vitalité des communautés francophones dans l’ensemble du Canada. Gracieuseté

Vous avez siégé au sein de plusieurs conseils d’administration majoritairement anglophones comme le Centre régional des sciences de la santé de Thunder Bay. Est-ce important pour vous d’être à la table pour les francophones?

D’après moi, c’est primordial. Les changements se font aux tables décisionnelles alors il est important d’être présent si on veut influencer les décisions pour inclure les besoins des francophones.

Quelle est la rencontre qui vous a le plus marquée durant votre long parcours?

La rencontre qui m’a le plus marquée est celle avec François Boileau, notre ancien commissaire aux services en français. J’ai vraiment apprécié son intégrité, son oreille attentive, son humilité et sa capacité de voir les enjeux et d’y répondre efficacement.

Quelle est, selon vous, la plus gros enjeu qui demeure à Thunder Bay de manière générale?

Notre plus grand enjeu est le fait que nous sommes tellement minoritaires. C’est très difficile de faire valoir nos points et nos enjeux quand les décideurs ne voient pas la pertinence à cause des nombres. Il faut toujours être vigilant pour ne pas perdre nos acquis.

Angèle Brunelle explique le concept d’interprétation des soins en français, le projet phare de l’Accueil francophone, lors du congrès de Connexions en 2015. Gracieuseté

Avec toute votre expérience et le recul, quelle est, selon vous, la plus grande faiblesse des organismes communautaires francophones?

La plupart des gens qui travaillent dans le milieu communautaire francophone sont passionnés par la cause. La relève dans les organismes communautaires est définitivement un souci, la rémunération est souvent inadéquate et œuvrer dans le domaine public ou privé est souvent plus alléchant pour les plus jeunes qui entrent sur le marché du travail.

Comment avez-vous accueilli la nouvelle du refus de financement du provincial de l’Université de Sudbury?

J’étais déçue du refus mais le dossier est loin d’être clos. J’espère sincèrement que le gouvernement et la communauté francophone trouvent ensemble une solution à l’éducation post-secondaire en français dans le Nord.

Angèle Brunelle, alors membre du comité consultatif francophone et présidente de Thunder Bay Carrefour santé, Anita Jean, directrice du conseil d’administration du même organisme, et Jean Bartkowiak, président et chef de la direction du Centre des sciences de la santé, ont hissé le drapeau franco-ontarien à l’extérieur du Centre des sciences de la santé en 2016. Gracieuseté

Avez-vous un regret quelconque par rapport à quelque chose de votre parcours?

Je n’ai pas de regret, j’essaie toujours de donner le meilleur de moi-même et de faire tout ce qui est possible avec mes capacités. Ma philosophie est qu’il faut accepter ce qui est hors de notre contrôle et essayer de changer ou d’influencer ce qu’on peut.

Angèle Brunelle, qui a fait partie du conseil d’administration du Centre régional des sciences de la santé de Thunder Bay de 2010 à 2012, est ici aux côtés de Stephen Wright, membre du conseil en 2004. Gracieuseté

Est-ce que vous avez un rêve/souhait/projet à réaliser potentiellement à l’avenir?

Un rêve pour moi serait de voir les services en français de tous les domaines : santé, éducation, services sociaux, etc. accessibles à tous ceux qui désirent y avoir recours.

Angèle Brunelle a servi un mandat de quatre ans au conseil d’administration de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, au sein duquel elle a représenté le Nord de 2014 à 2018. Gracieuseté

Qu’aimeriez-vous que l’on retienne de vous si vous deviez choisir une chose en particulier?

J’aimerais que les gens se souviennent de moi comme une personne d’équipe qui aime travailler en collaboration dans un climat positif et respectueux avec le but commun d’améliorer la qualité de vie en français. »

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LES DATES-CLÉS D’ANGÈLE BRUNELLE :

1958 : Naissance à Kapuskasing.

1996 : Embauche à l’Accueil francophone.

1998 : Création du Conseil scolaire de district catholique des Aurores boréales.

2016 : Reçoit l’Ordre de l’Ontario.

2023 : Départ à la retraite

Chaque fin de semaine, ONFR+ rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.