Autour d’une bière
[CHRONIQUE]
Depuis un mois, les Ontariens peuvent enfin se procurer des bières dans les épiceries, comme leurs confrères québécois. La décision de la première ministre Kathleen Wynne a largement été saluée, car la libéralisation de la vente de bière est un coup dur contre le quasi-monopole du Brewer’s Retail, une affiliation des trois grands brasseurs « canadiens » qui, depuis quinze ans, ont tous été vendus à des intérêts étrangers.
SERGE MIVILLE
Chroniqueur invité
@Miville
Si le concept du Beer Store permettait à l’Ontario de limiter la vente de bière à la fin des années 1920, force nous est d’admettre que la situation a grandement évolué.
Il faut néanmoins être déçu de la manière dont la décision de libéraliser le marché de la bière a été mise en œuvre. Au lieu de suivre le modèle québécois où un individu peut se procurer de la bière dans une région désignée – mais intégrée – de l’épicerie et passer à la même caisse que celle des épiceries, il faut désormais passer par une caisse autonome à l’intérieur d’un enclot pour s’acheter de la bière. Ce n’est rien de moins qu’un vieux puritanisme ontarien. Soyons honnêtes : nous, Ontariens, achetons de la bière et il n’y a pas de honte à le faire.
Ce puritanisme a aussi un effet tout à fait négatif pour les petites entreprises. En bloquant toujours la vente de bière aux petits épiciers et aux dépanneurs, l’Ontario donne un grand avantage aux magasins de grande surface, comme Walmart ou Loblaws, par rapport aux autres intervenants dans le marché. Le magasin de grande surface peut se doter de points de contrôle de vente selon le modèle ontarien, c’est-à-dire de séparer physiquement, à l’aide de barrières et de caisses autonomes, la vente des boissons alcoolisées. Ce sont les petits commerçants qui en sortent perdants.
La loi québécoise qui permet la vente de bière et de vin dans les dépanneurs a été une grande bouée de sauvetage pour les petits magasins indépendants, opérés par des familles québécoises qui embauchent des travailleurs et qui obtiennent, en raison de la vente de boissons alcoolisées, une certaine sécurité financière. La vente de bière limitée aux grandes surfaces n’a rien fait pour le petit entrepreneur.
La libération de la bière est donc une victoire amère pour l’économie ontarienne.
Serge Miville est chargé de cours en histoire à l’Université Laurentienne.
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