Basketball : à la rencontre de Shawn Swords, entraîneur franco-ontarien en G League

[ENTREVUE EXPRESS]
QUI
Shawn Swords est un entraîneur de basketball franco-ontarien, originaire d’Ottawa, qui s’impose progressivement dans le monde du basketball professionnel. Ancien joueur de haut niveau, il a notamment représenté le Canada aux Jeux olympiques de Sydney en 2000. Après une carrière marquée par son intelligence de jeu et son leadership, il est devenu entraîneur, mettant à profit son expérience pour accompagner la nouvelle génération d’athlètes, tout d’abord au sein du programme de l’Université Laurentienne.
Son passage au niveau universitaire lui a permis de perfectionner ses compétences en gestion d’équipe et en développement des joueurs, des atouts qu’il met désormais au service de jeunes talents aspirant à la NBA en tant qu’entraîneur aux Nets de Long Island dans la G League, la ligue de développement de la NBA.
LE CONTEXTE
L’entraîneur ottavien a eu l’occasion de jouer au Canada francophone à deux reprises avec les Nets de Long Island qui ont délocalisé quatre rencontres à Montréal en janvier et février. Il y reviendra en mars pour deux matchs supplémentaires au Québec, une première dans l’histoire de la ligue de développement de la NBA.
L’ENJEU
Shawn Swords, pour sa première entrevue avec ONFR, partage son expérience montréalaise avec notamment les matchs joués contre les Raptors 905 en janvier dernier. Il revient également sur son parcours en tant qu’entraîneur, la difficulté de maintenir son niveau de français en évoluant dans une ligue où l’anglais prévaut et son regard sur l’avenir de sa fille Syla, étoile montante du basket féminin canadien.
« Comment se passe la saison avec les Nets de Long Island pour vous?
Pour nous, c’est un peu comme les autres saisons : il y a beaucoup de hauts et de bas. Cela dépend de l’âge des joueurs. En G League, il y a surtout des joueurs très jeunes, c’est un peu comme à l’université. On a un mélange de jeunes joueurs avec d’autres plus âgés. Plus vite on parvient à atteindre un bon niveau collectif, mieux c’est. On en est à peu près là.
On sait qu’en G League, il y a souvent vraiment cette notion de développement. Ça dépend des équipes, mais il n’y a pas forcément ce besoin de gagner absolument. Quel est l’état d’esprit de votre côté?
Ici, on parle toujours de développement et de gagner. Soit on développe, soit on gagne, mais il ne faut pas faire aucun des deux. Il faut en faire au moins un. Si tu n’y arrives pas, tu es mort ici. Pour l’instant, c’est sûr qu’on développe. Depuis Noël, nous avons un peu plus gagné car nous avons ajusté notre effectif avec de nouveaux joueurs.
C’est sûr qu’en G League, il y a certaines équipes qui veulent seulement développer les joueurs. Il y a aussi d’autres équipes qui veulent seulement gagner le titre.
Revenons sur votre passage à Montréal. En tant qu’entraîneur canadien et francophone, qu’est-ce que cela représente pour vous de jouer là-bas?
On en a beaucoup parlé avant le premier match. On se demandait comment allait réagir le public : ‘Est-ce qu’ils vont être avec nous? Est-ce qu’il va y avoir beaucoup de monde?‘ Finalement, pour les deux matchs contre Toronto, il y avait 8 000 spectateurs, c’était énorme.
Quand nous y sommes retournés, il y avait encore 5 000 personnes présentes. Nous avons joué ces rencontres comme des matchs de séries, façon March Madness. L’ambiance était incroyable, et les joueurs ainsi que les entraîneurs des deux équipes ont adoré Montréal.
Quand vous avez joué contre les Raptors, le public a-t-il pris parti pour votre équipe?
C’est une question que nous nous sommes posée aussi. Au début du premier match, je dirais que c’était 50-50. Mais en fin de match, c’était clairement en notre faveur. Lors du deuxième match, c’était entièrement pour nous.
Avant la rencontre, j’ai pris la parole et j’ai dit : ‘Je suis Canadien, on a un joueur canadien, Oshae Brissett, qui vient de Toronto. Et puis, on a aussi Kylian Hayes qui vient de France. Alors, j’espère que vous pourrez nous supporter plus que les Raptors ce soir!’
J’ai lancé un petit chant ‘Allez les Nets, allez les Nets’, et ça a pris! Je pense que cela nous a vraiment aidés.
Quelle est votre relation avec Kylian Hayes, le joueur français de l’équipe?
Je lui avais parlé un petit peu plus tôt dans la saison. Il avait été étonné d’avoir un entraîneur qui parle français. Comment ça se passe avec lui? Vous voyez, je parle français, parfois c’est bien, parfois pas terrible… Alors, j’essaie de m’entraîner en français avec lui. J’essaie de le coacher en français tout le temps. Puis, il me regarde et me dit : ‘Parle anglais si tu veux, c’est pas grave.’ Non, j’essaie, j’essaie (rires).
Maintenant, on parle souvent en français de ce qu’on voit dans le match, autour du basket et un peu de la vie.

Avez-vous remarqué à travers les années, en parlant de plus en plus seulement en anglais dans le monde du basket, que vous avez un peu une perte de niveau?
Un peu. J’ai joué en France pendant trois, quatre ans. Puis en Suisse pour deux ans. Et en plus, j’étais à l’Université Laurentienne, mais on n’avait pas souvent des joueurs francophones. Quand on en avait, j’essayais de parler français avec eux, en anglais aux autres.
Mais chaque année, il y a moins et moins de joueurs français, alors mon niveau tombe un peu. J’ai deux filles, elles sont allées à l’école en Sudbury, c’était en anglais et en français. Alors, on parle un peu en français ensemble. Mais les années passent et je perds des mots au fil du temps.
Parlons de votre parcours. Comment avez-vous rejoint les Nets de Long Island?
C’était il y a trois ans maintenant, Steve Nash était l’entraîneur de Brooklyn . Il m’a mis en contact avec Brooklyn et je suis devenu leur entraineur en 2022, lors de la ligue d’été. Ils ont aimé comment j’entraînais les joueurs là-bas, puis ils m’ont offert une position avec la G League de Long Island.
Est-ce que ça vous donne l’ambition de rejoindre la NBA sur le moyen ou long terme?
Peut-être, c’est sûr que c’est tentant. Pour le moment, on est bien ici parce que mes deux filles jouent au basket aussi. Syla joue à Michigan pour le moment avec les Wolverines. Puis il y a Savannah qui a maintenant 17 ans et qui est en onzième année. Elle aussi joue, alors je veux pas trop bouger. Je veux rester ici dans la région. Si Brooklyn veulent que je vienne, là, oui c’est sûr, je pars. Mais les autres équipes, c’est un peu difficile. Changer de ville avec ta famille, c’est compliqué.
Parlez-nous un peu de Syla qui est une étoile montante dans le basket canadien féminin. Comment voyez-vous son évolution?
Le plus important, c’est qu’elle aime profondément le basketball. C’est toujours elle et Savannah qui viennent me voir en me demandant : « Shawn, on peut aller tirer? Tu peux regarder des vidéos avec nous? » Elle me demande ce qu’elle peut faire pour améliorer tout ce qu’elle fait. Ça me touche le cœur parce que ce sont elles qui aiment le basket, ce n’est pas juste leur père qui veut qu’elles jouent.
Ça, c’est ce quelque chose qu’on entend toujours avec les joueurs. Ça n’a jamais été le cas avec mes filles. Et, c’est la raison pour laquelle, je pense, qu’elle a augmenté son niveau assez vite pour une jeune basketteuse. C’est ça la raison. C’est elle qui veut, et moi, je suis là pour l’aider.
Comment la projetez-vous, la voyez-vous en WNBA très prochainement?
Oui, c’est juste sa première année à Michigan. En WNBA, il faut que tu restes 3 ou 4 ans dans ton programme universitaire.
On peut donc imaginer Syla Swords au Toronto Tempo qui va voir le jour l’année prochaine?
J’espère, j’espère. Ce serait fantastique! »