Bataille de motions, au fédéral, en soutien aux Franco-Ontariens

Le parlement fédéral à Ottawa. Archives ONFR+

OTTAWA – La motion présentée par la députée libérale franco-ontarienne, Mona Fortier, visant à dénoncer les décisions du gouvernement ontarien de supprimer le Commissariat aux services en français et d’annuler le projet d’Université de langue française n’a pas réussi à faire l’unanimité, en chambre, pas plus que celle présentée par les conservateurs. Plusieurs députés franco-ontariens se disent inquiets de la situation dans la province.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

« En tant que députés fédéraux, nous devons faire front commun », avait expliqué sur Twitter la députée libérale d’Ottawa-Vanier, Mona Fortier, un peu plus tôt dans la journée.

La Franco-Ontarienne demandait que tous les députés de la Chambre des communes dénoncent l’attaque des conservateurs de l’Ontario contre les Franco-Ontariens.

« Que cette Chambre reconnaisse l’importance de la communauté franco-ontarienne au sein de la francophonie canadienne, et dénonce, sans équivoque, la décision du gouvernement de l’Ontario d’éliminer le Commissariat aux services en français et le projet de l’Université francophone de l’Ontario », était-il indiqué dans sa motion.

Sa motion n’a toutefois pas réussi à obtenir l’unanimité. La jugeant trop partisane, les conservateurs ont décidé de la bloquer et de proposer leur propre version dans laquelle le gouvernement de Doug Ford n’était pas visé directement, mais où était rappelé l’appui au bilinguisme. Les conservateurs y soulignaient également l’autonomie des provinces et demandaient dans leur motion que le gouvernement libéral s’engage à « présenter dans les 30 jours un plan précisant les mesures que son gouvernement va prendre, dans ses domaines de compétences, pour protéger les services aux Francophones en position de minorité ».

Les députés franco-ontariens inquiets

Les récentes décisions du gouvernement de l’Ontario ont occupé une bonne place dans les débats de ce lundi à la Chambre des communes. Après une semaine dans leur circonscription, plusieurs députés fédéraux franco-ontariens ont fait part de leur inquiétude et de leur déception.

« Je trouve ça inacceptable! Et si j’enlève mon chapeau d’élu, je trouve ça vraiment difficile, surtout pour les jeunes qui se sont battus si fort pour avoir leur université de langue française. J’ai vu comme ils étaient contents quand on a enfin eu un plan pour aller de l’avant », témoigne le député libéral de Glengarry-Prescott-Russell, Francis Drouin.


« Les groupes franco-ontariens avaient raison d’être inquiets du manque de précision du plan de Doug Ford » – Carol Hughes, députée fédérale NPD


Plus au nord, la députée néo-démocrate d’Algoma-Manitoulin-Kapuskasing, Carol Hughes, abonde dans le même sens.

« J’ai été surprise et très déçue quand j’ai appris ça. C’est un grand pas en arrière! Il y a une grande demande d’employés bilingues et le bilinguisme est un avantage socio-économique pour notre province. Même si l’Université Laurentienne offre des cours en français, il n’est pas possible d’y suivre tout son cursus uniquement dans cette langue. Je l’ai vu avec mon fils qui y est allé. Quand on voit la demande croissante à la seule université de langue française en Ontario, à Hearst, on voit qu’il y a un besoin! »

Aucune différence budgétaire

Le député libéral de Sudbury, Paul Lefebvre, juge inopérant l’argument financier qui a été utilisé.

« Couper le poste de commissaire aux services en français ne va faire aucune différence dans le budget de la province, mais ça en fera une grande pour la communauté franco-ontarienne! »

Dans une lettre à l’éditeur diffusée cette fin de semaine, plusieurs universitaires et chercheurs estimaient que « dans sa quête des 15 milliards $, le gouvernement Ford fait feu de tout bois et impose des compressions qui ne représentent que 2,9 millions en ce qui concerne le Commissariat aux services en français [son budget annuel 2018] et environ 12 millions par année en ce qui a trait à l’Université de l’Ontario français. Difficile de ne pas y voir une attaque en règle contre des acquis durement gagnés ».


« Le gouvernement de l’Ontario doit réaliser que nous sommes dans un pays bilingue et que c’est tout le pays qui va en souffrir » – Paul Lefebvre, député fédéral libéral


Les trois élus interrogés par #ONfr demandent au gouvernement de Doug Ford d’annuler ses décisions.

« Il y a une grosse population à Algoma-Manitoulin-Kapuskasing qui demande des services en français et qui y a droit! », rappelle Mme Hughes.

Partisanerie

Mais la partisanerie a souvent dominé les échanges entre les élus fédéraux en Chambre, ce lundi, et sur les médias sociaux, ces derniers jours.

« On a vu M. Scheer main dans la main avec Doug Ford, samedi, lors du congrès du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario. S’il croit vraiment dans un pays bilingue, il aurait dû le dire haut et fort et faire changer d’avis M. Ford. On ne l’a jamais entendu dire que le gouvernement doit revoir ses décisions! », fait valoir M. Lefebvre.

Dimanche, le chef conservateur a indiqué avoir partagé avec M. Ford son inquiétude et celle de plusieurs membres de son caucus. Il n’a toutefois pas demandé au gouvernement Ford de revenir sur ses décisions, estimant qu’il s’agissait d’un choix provincial.

La crainte d’un précédent

Selon Mme Hughes, le gouvernement libéral de Justin Trudeau a lui aussi un rôle à jouer.

« Ils doivent mettre plus d’emphase sur l’importance de protéger les services aux communautés francophones à travers le pays. On ne veut pas que ce qui se passe en Ontario serve de mauvais exemple à d’autres provinces qui pourraient être tentées de faire la même chose. »

Les deux députés libéraux interrogés par #ONfr attendent de leur gouvernement qu’il fasse comprendre à M. Ford que « les services en français ne sont pas juste une ligne budgétaire », lance M. Lefebvre.

Le député de Glengarry-Prescott-Russell salue quant à lui la demande de rencontre de Mme Joly avec Mme Mulroney.

« La première chose à faire, c’est d’avoir une discussion. La ministre Mulroney peut tendre la main au gouvernement fédéral pour voir comment on pourrait l’aider. »

Seul député franco-ontarien du Parti conservateur du Canada, Guy Lauzon, a refusé notre demande d’entrevue. L’équipe de l’élu de Stormont-Dundas-South Glengarry a invité #ONfr à contacter le porte-parole du parti pour les langues officielles, Steven Blaney.


POUR EN SAVOIR PLUS :

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