Bilinguisme à la Cour suprême : des élus réclament une loi

La Cour suprême du Canada. Crédit image: Benjamin Vachet

OTTAWA – Dans un rapport publié le mardi 12 décembre, le comité permanent des langues officielles recommande au gouvernement de déposer un projet de loi pour garantir la nomination de juges bilingues à la Cour suprême du Canada.

BENJAMIN VACHET
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Bien que le gouvernement libéral de Justin Trudeau et la majorité de ses députés aient très récemment refusé d’appuyer le projet de loi du porte-parole aux langues officielles pour le Nouveau Parti démocratique (NPD), François Choquette, des élus du Parti libéral du Canada (PLC) voient les choses autrement.

Aux côtés d’élus conservateurs et du député néo-démocrate, ils appuient la nécessité d’une loi, dans un rapport intitulé Pour que justice soit rendue dans les deux langues officielles.

« On a entendu des experts solides et sérieux. C’est pour ça que nous avons pris cette recommandation claire. On n’a pas crainte à aller de l’avant », explique le président du comité, le député libéral Denis Paradis.

Toutefois, au lieu de modifier la Loi sur la Cour suprême, comme prévu dans le projet de loi de M. Choquette, ceux-ci proposent de passer par une modification de la Loi sur les langues officielles (LLO).

Un pari osé, comme l’avait expliqué l’avocat et professeur à l’Université d’Ottawa, Sébastien Grammond, à #ONfr.

« Cela supposerait que les juges qui ne sont pas bilingues se retirent et que l’on plaide uniquement devant ceux des neuf juges de la Cour suprême du Canada qui parlent la langue choisie. Je ne pense que ce soit souhaitable, surtout dans des causes importantes, ni que ça ferait l’affaire de tous. »

Le niveau de bilinguisme exigé pour les juges serait déterminé par le Commissariat à la magistrature fédérale, qui développerait un outil pour évaluer les compétences linguistiques des candidats à la magistrature fédérale et à la Cour suprême du Canada.

Autres recommandations

Parmi les autres recommandations du rapport, les députés membres du comité demandent d’appuyer la traduction d’un plus grand nombre de jugements de cours supérieures des provinces et des territoires, particulièrement ceux du Québec.

Ils critiquent également l’absence des communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM) dans le Plan d’action – Améliorer la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures, publié le 25 septembre par le ministère de la Justice.

« Le comité recommande qu’elles soient parties prenantes à l’édification d’un système de justice dans lequel tout un chacun obtient des services de qualité égale dans la langue officielle de son choix », explique M. Paradis.

Le comité suggère aussi au gouvernement d’évaluer le volet consacré aux droits linguistiques du Programme de contestation judiciaire pour éventuellement en bonifier le financement et d’élargir la portée de ses programmes d’appui pour l’accès à la justice dans les deux langues officielles, notamment en matière de droit de la famille.

« Si on prend, par exemple, un jugement de divorce, c’est important qu’on puisse avoir ce jugement dans sa langue pour bien comprendre », lance la députée libérale, Linda Lapointe.

Joly et Wilson-Raybould restent vagues

Rien ne garantit toutefois que le gouvernement ira de l’avant.

« C’est un engagement de notre gouvernement de nommer des juges bilingues et c’est ce que nous faisons, même si nous savons qu’il y a encore des choses à faire pour favoriser l’accès à la justice dans les deux langues officielles », a martelé la ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, esquivant la question.

La ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, a pour sa part indiqué suivre de près le travail du Sénat sur la révision de la LLO.

« Je pense que notre travail comme parlementaire est de sensibiliser le gouvernement », a répliqué M. Paradis. « Chaque parti va aussi être sensibilisé par les membres de notre comité. »

Le NPD veut un échéancier

Même s’il appuie la majorité des recommandations du rapport, M. Choquette a décidé d’y ajouter quatre recommandations.

« On est arrivé à un consensus sur la nécessité d’une loi, par contre, on n’est pas d’accord sur le fait qu’il faut aller plus vite. Ça fait 15 ans que le NPD a présenté des projets de loi sur cette question. Présenter un projet de loi qui pourrait mourir au feuilleton, ce serait inacceptable. Je veux que ce soit fait dans les 120 jours après le dépôt du rapport. »

Le député de Drummond réclame également que les tribunaux recourent uniquement aux services du Bureau de la traduction pour la traduction de leurs jugements et presse le gouvernement et le ministère de la Justice d’élaborer une solution afin de combler le manque à gagner de plus de 40 millions de dollars qui auraient dû être investis pour l’accès à la justice dans les deux langues officielles.


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