Bilinguisme à la Cour suprême : Singh dans l’embarras
OTTAWA – Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, serait favorable à des aménagements linguistiques pour permettre la nomination de juges issus des Premières nations à la Cour suprême du Canada.
BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet
Interrogé à la sortie du caucus de son parti sur le choix du gouvernement de nommer la juge Sheilah L. Martin à la Cour suprême du Canada, le mercredi 29 novembre, le chef du NPD, Jagmeet Singh, a accueilli favorablement cette nomination. Il a toutefois fait part de son inquiétude quant aux obstacles existants pour les autochtones qui souhaiteraient accéder à de tels postes.
« Dans le cas d’un candidat ou d’une candidate de la communauté autochtone, on doit avoir une compréhension, une sensibilité de la situation unique et donc, si quelqu’un est de la communauté autochtone et parle une autre langue autochtone, on doit comprendre ça et on ne doit pas avoir des barrières. »
M. Singh a suggéré ensuite que des accommodements linguistiques pourraient être mis en place afin de permettre la nomination de juges autochtones à la Cour suprême du Canada qui ne sont pas bilingues anglais-français.
Une sortie étonnante alors que le NPD a tenté sans succès, le 25 octobre dernier, de faire voter un projet de loi pour obliger que les juges choisis à la Cour suprême du Canada « comprennent le français et l’anglais sans l’aide d’un interprète ».
Rétropédalage de Jagmeet Singh
En après-midi, le nouveau chef du NPD a tenté de rattraper le coup. Dans une déclaration envoyée aux médias, M. Singh a expliqué vouloir clarifier sa déclaration.
« Pour clarifier, je crois fermement que les juges de la Cour suprême devraient être bilingues, donc avoir une compréhension fonctionnelle dans les deux langues officielles. C’est la seule façon de s’assurer que la justice soit rendue pour chaque personne au Canada dans l’une de nos deux langues officielles. On reconnaît l’importance des droits autochtones et il faut les faire valoir. Le fait est que les langues autochtones ont historiquement été grossièrement négligées par nos institutions. Je suis ouvert aux suggestions sur la façon de demeurer pleinement engagés en ce qui a trait aux juges bilingues, tout en appuyant la promotion des juges des communautés autochtones. Bien que nous n’ayons pas actuellement la solution, je crois que nous pouvons en trouver une en travaillant en collaboration. J’espère sincèrement que nous verrons dans un avenir rapproché un juge de la Cour suprême issu d’une des Premières Nations ou d’origine métisse ou inuite. »
Les députés NPD à la défense de leur chef
Le député de Rosemont-La Petite Patrie, Alexandre Boulerice, a tenté de venir en aide à M. Singh, assurant que son parti reste fidèle à son engagement d’avoir des juges bilingues à la Cour suprême du Canada.
« La position sur les deux langues officielles demeurent. Je pense que ce qu’a voulu dire M. Singh, c’est que nous avons une sensibilité à l’intégration des langues autochtones dans le fonctionnement de la justice et de l’État en général. Je pense qu’il a été trop loin en voulant faire preuve de sensibilité et d’ouverture. »
Pour M. Boulerice, le bilinguisme n’est pas un obstacle à ce genre de nomination.
« On est convaincu de notre côté qu’il y a le bassin nécessaire pour arriver à cette situation là sans trop de difficultés. »
Le porte-parole aux langues officielles pour le NPD, François Choquette, a lui aussi tenté de minimiser cette volte-face.
« Je pense simplement que M. Singh s’est mal exprimé. Notre position est claire depuis 15 ans au NPD : les juges à la Cour suprême du Canada doivent comprendre les deux langues officielles que sont l’anglais et le français. Le caucus est unanime là-dessus. »
Pas une première controverse
Il n’en demeure pas moins que cet épisode rappelle la controverse ayant éclaté au sein des troupes néo-démocrates à la suite de l’échec du vote en deuxième lecture du projet de loi de M. Choquette obligeant le bilinguisme des juges nommés à la Cour suprême du Canada.
Dans le journal Le Devoir, le député néo-démocrate Romeo Saganash avait indiqué au quotidien québécois son opposition au texte législatif jugeant qu’une telle loi bloquerait encore davantage la route aux juges autochtones et qu’elle s’inscrivait comme un symbole du colonialisme.
Pour M. Choquette, cette sortie ne change rien à la volonté du NPD dans le dossier.
« Je pense que Romeo Saganash a amené un point important. Il n’est pas normal qu’en 2017, les langues autochtones n’aient aucun droit. On va y réfléchir. Il y a une sensibilité de notre chef et de notre parti à cette question, mais cela doit se faire sans reculer sur l’obligation de bilinguisme que nous souhaitons pour les juges à la Cour suprême du Canada. »