Élections municipales à Ottawa : le bilinguisme en avant

Catherine McKenney, Bob Chiarelli et Mark Sutcliffe sont candidats à la maire d'Ottawa face à 11 autres candidats. Les élections auront lieu le 24 octobre. Crédit image: Montage ONFR+

OTTAWA – Ce 24 octobre, les Ottaviens et Ottaviennes devront élire un nouveau maire ou une nouvelle mairesse parmi les 14 candidats. À quelques jours du vote, trois candidats semblent sortir du lot : Catherine McKenney, Mark Sutcliffe et Bob Chiarelli. Chacun de ses candidats offre différents points de vue en ce qui est du grand dessein pour la capitale et des promesses pouvant attirer les votes des francophones.

Bien qu’il soit question d’un programme et d’engagements envers la communauté, ceux qui briguent la mairie d’Ottawa mettent en avant des atouts qui pourraient les rendre plus crédibles sur la question parfois épineuse du bilinguisme à Ottawa. Au début du mois d’octobre, Bob Chiarrelli, l’ancien maire d’Ottawa (2000-2006), sur sa plateforme, déclarait : « Il est temps que le nouveau conseil municipal demande aux gouvernements provincial et fédéral de déclarer enfin la capitale du Canada officiellement bilingue ».

Il existe cependant la Loi de 2017 modifiant la Loi sur la ville d’Ottawa. Cette Loi provinciale prévoit que l’administration de la ville doit être faite tant en anglais qu’en français et que les services municipaux doivent être disponibles au public dans les deux langues officielles. En outre, elle oblige la ville à adopter un règlement municipal instaurant le bilinguisme dans son administration et dans les services qu’elle fournit.

Pour le conseiller, Mathieu Fleury, la ville est déjà – au niveau du provincial – officiellement bilingue, par sa politique des services en français. « Bien sûr, elle peut toujours être modifiée et bonifiée pour s’adapter. »

« M. Charielli s’était opposé en 2000 au statut de bilinguisme quand c’était le moment de le faire », rappelle Luc Turgeon, professeur agrégé à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. « Là tout d’un coup, il se fait le grand défenseur du bilinguisme. »

« On doit comprendre où se trouve l’écart et le corriger » – Catherine McKenney

Les autres candidats se positionnent aussi en « champions du bilinguisme ». Pour M. Sutcliffe, l’avantage est de taille : il est le seul à parler français. « C’est une histoire personnelle, le bilinguisme. Ma mère est francophone et mon père a compris très tôt que cette ville était bilingue et a appris le français. »

« Je me souviens du jour où il a reçu son certificat de bilinguisme et c’était un moment de grande fierté », se rappelle l’aspirant et ancien journaliste. « C’était important pour lui de pouvoir parler dans la langue de choix de ses interlocuteurs ».

Ottawa officiellement bilingue

Sur sa plateforme francophone, Mark Sutcliffe propose douze points pour soutenir les services en français, s’il est élu maire d’Ottawa.

Parmi eux, le candidat veut renforcer la politique de bilinguisme de la ville qui indique que « la ville d’Ottawa reconnaît les deux langues officielles comme ayant les mêmes droits, statuts et privilèges ».

Au micro d’ONFR+, M. Sutcliffe a déclaré vouloir « faire mieux dans les services de l’hôtel de ville. C’est important le bilinguisme, de nombreux leaders francophones m’ont dit que la politique existante n’était pas assez forte. »

« Il y a des cas où les résidents ont témoigné d’un manque de services en français », dénonce-t-il. « Les programmes récréatifs pour les francophones sont pleins rapidement ou alors, il y a une grande liste d’attente. C’est la responsabilité de la mairie de montrer le leadership. »

« Je suis ouvert aux idées pour influencer l’usage du français. Tout ce qu’on peut faire pour démontrer qu’Ottawa est bilingue, il faut le faire. »

L’aspirant ajoute également que le bilinguisme est une opportunité économique pour Ottawa. « Ça l’est aussi pour le tourisme et les conférences. »

« Il faut faire mieux dans les services de l’hôtel de ville » – Mark Sutcliffe

La question des services récréatifs est également soulevée par son opposant Catherine McKenney. « Nous avons cette politique des services en français qui est supposément équitable. Pourtant, j’ai déjà entendu de la part de beaucoup de francophones que les services récréatifs en français sont souvent loin de leur domicile, alors, ils optent pour l’anglais. »

Pour McKenney, qui utilise le pronom « iel », il y a un problème d’équité dans les services offerts en français. « Vous appelez pour un service et vous allez attendre pour l’avoir en français, alors, vous choisissez le premier répondant qui sera en anglais. »

Iel considère qu’il sera nécessaire de faire un audit, une consultation pour évaluer les besoins dans tous les services municipaux. « On doit comprendre où se trouve l’écart et le corriger. »

Bilinguisme à Ottawa, le conseiller Mathieu Fleury ne se représentera pas.
Mathieu Fleury est conseiller pour le quartier Rideau-Vanier. Crédit image : Stéphane Bédard

Soutenir les francophones

M. Sutcliffe entend que les francophones se sont battus pour protéger leurs droits, « c’est toujours une bataille et cela démontre que nous devons protéger ces droits et anticiper les menaces ».

Catherine McKenney rappelle avoir toujours été au côté des Franco-Ontariens. « J’étais présente en 2018 après les coupes du gouvernement provincial, je soutiendrais les services en français ici. »

Pour iel, « si on coupe dans des services, cela va affecter du monde, mais les services en français seront les plus durement touchés ».

« Nous devons continuer à protéger ces services sinon nous risquons de perdre notre communauté francophone et nous n’aurons pas de francophones qui vont venir s’installer ici. Ottawa bilingue, c’est attrayant pour le tourisme et l’économie », déclare McKenney, « il faut assurer tout cela ».

« C’est la responsabilité de la mairie de montrer le leadership » –  Mark Sutcliffe

Pour le conseiller de Rideau-Vanier, M. Fleury : « On a des lacunes dans les services de gardes d’enfants, dans les services sociaux (…), il y a des services qui ne sont pas des services linguistiques, mais des services donnés aux citoyens. »

« Présentement, tous les services offerts par une agence ne sont pas assujettis à notre politique des services en français. Par exemple, on a des services sociaux comme les refuges qui dans ce contexte n’ont pas les mêmes obligations de la ville ».

Ce que semble soutenir Catherine McKenney : « Ce sont de réelles inquiétudes pour les familles francophones. Ce qui est important aussi, c’est de faire un état des lieux des services au niveau des ambulanciers paramédicaux. »

Parler en français

Il semble que le seul candidat qui maîtrise le français soit Mark Sutcliffe. Catherine McKenney dit l’apprendre et d’ailleurs son adolescente le parlerait déjà très bien. Puis pour ce qui est de Bob Chiarelli, aux dernières nouvelles, l’apprentissage suit son cours.

Mathieu Fleury, au regard de ces trois candidats, n’a pas peur pour la communauté francophone, « mais le seul candidat qui parle français, c’est M. Sutcliffe et c’est important d’avoir un maire qui puisse communiquer avec la communauté ».

Catherine McKenney, ne maîtrise donc pas encore le français, pourtant lorsqu’iel était conseiller, iel s’est allié aux causes des francophones. « McKenney attire les jeunes francophones et les militants pour la justice sociale. En fait, les plus jeunes sont attirés par ses idées, ils n’ont pas pour seul intérêt le français », déduit M.Turgeon. 

« Il y a un problème d’équité dans les services offerts en français » – Catherine McKenney.

« Il y a peut-être une question générationnelle. M. Sutcliffe, parle français donc il s’attend probablement à plus de soutiens de la part de la communauté malgré ses déclarations passées. Il se veut le grand défenseur de la francophonie et il est même soutenu par de nombreuses personnalités francophones. »

En effet, sur sa plateforme, M. Sutcliffe annonce le soutien de personnes influentes telles que Marie-France Lalonde, Stephen Blais, Madeleine Meilleur, Jean Cloutier et Ronald Caza…

Bilinguisme à Ottawa. Luc Turgeon, Expert en politique municipale
Luc Turgeon est professeur agrégé à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Gracieuseté

Après les promesses

D’après l’expert en politique municipale, M. Turgeon, « il ne faut pas le cacher, mais il y a un pourcentage important des citoyens qui rejettent le bilinguisme, de ce fait, les politiciens n’imposent pas trop ceci ou cela ».

Certains postes ne sont pas affichés en français : « Ça demeure controversé », renchérit le politologue.

M. Sutcliffe réagit dans cette même veine concernant les emplois offerts à Hydro-Ottawa. « Je pense qu’il faut communiquer en français et en anglais dans tous les services d’Ottawa », affirme-t-il. « J’ai déjà vu des annonces d’emplois chez Hydro-Ottawa, uniquement en anglais. Nous devrions faire mieux et peut-être utiliser la technologie. »

Pour M. Fleury, certaines promesses sont électoralistes. Ce qu’il faut, c’est « engager du personnel bilingue dans les services de première ligne ».

Dans ce contexte, ce qui semble important, c’est d’investir dans l’éducation en français et créer de la relève. « Ce qui est pertinent à Ottawa, c’est que 70 % des moins de 50 ans en 2017 étaient francophiles et bilingues. »

L’équipe de campagne de M. Chiarelli n’a pas donné suite à notre demande d’entrevue.