Bilinguisme : Ottawa cas unique pour les revendications

L'hôtel de ville d'Ottawa. Archives ONFR+

OTTAWA – Si les revendications pour faire d’Ottawa une ville officiellement bilingue sont relancées depuis plusieurs mois, force est de constater que le débat est absent ou presque dans les autres grandes villes canadiennes. Petit tour d’horizon des différents statuts de la langue de Molière au sein des municipalités.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Le réseau de chercheurs Lucide, spécialisé dans la « gestion des communautés urbaines multilingues », a brossé de nombreux portraits de villes à travers le monde. Parmi ses constats : le bilinguisme des municipalités est peu développé au Canada, à l’exception du Nouveau-Brunswick et de l’Ontario. Montréal, ville unilingue francophone, est même pointée du doigt pour le manque de traduction en anglais de son site internet.

Faut-il considérer dès lors la minorité francophone à Ottawa comme mieux lotie? Pas certain, juge le professeur de l’Université d’Ottawa, Richard Clément, spécialiste des questions linguistiques. « À Montréal comme à Ottawa, on parle de règlements qui vont promouvoir le bilinguisme. Disons qu’Ottawa, du fait de son statut de capitale du Canada, a plus de pression à promouvoir le bilinguisme que Montréal. »

À Toronto, plus grande métropole du pays, le cas est complètement différent. La municipalité unilingue anglophone doit concilier avec la centaine de communautés résidant dans la Ville-Reine. Les appels au service 3-1-1 seraient fournis dans 180 langues, affirme la Ville.

Quid du français? La politique sur les services bilingues, adoptée par la municipalité en 2002, oblige à traduire un document en français si celui-ci est déjà traduit dans une autre langue. Joint par #ONfr, le commissariat aux services en français affirme n’avoir jamais reçu une plainte pour un manquement à cette loi.

Réputée tout aussi cosmopolite, Vancouver bénéficie également d’un service 3-1-1 consultable en 175 langues. Mais à la différence de Toronto, la métropole n’accorde aucun statut particulier pour la langue de Molière.

Dans l’ouest du Canada, la situation n’est donc pas très reluisante pour la place du français dans les municipalités. Pour Raymond Hébert, professeur émérite de sciences politiques et d’études canadiennes à l’Université de Saint-Boniface, seul Winnipeg fait véritablement exception avec un règlement sur les services en français.

« Le gouvernement a adopté une politique (en 1989) qui stipule effectivement que la Ville doit offrir des services en français dans les quartiers de Saint-Boniface, Saint-Vital et Saint-Norbert. »

Le cas du Nouveau-Brunswick

Reste un lieu où les grandes villes ont réussi à conjuguer bilinguisme et lois : le Nouveau-Brunswick. Selon la Loi sur les langues officielles de la province, une municipalité dont la population de langue officielle minoritaire atteint au moins 20% de la population totale y est tenue d’adopter et de publier ses arrêtés dans les deux langues officielles.

Pour l’avocat et professeur à Faculté de droit de l’Université de Moncton, Michel Doucet, cette loi est souvent dissimulée par le « mythe urbain » de Moncton comme unique ville bilingue au Canada.

« En réalité, le conseil municipal a adopté en 2002 une motion de principe rendant Moncton officiellement bilingue. Mais il s’agissait d’une déclaration symbolique. »

Reste que la protection des villes concernées au Nouveau-Brunswick ne se compare pas pour lui avec celle de la Ville d’Ottawa.

« On parle d’une loi constitutionnelle au Nouveau-Brunswick. C’est quand même beaucoup plus fort qu’un simple règlement comme à Ottawa. »